Face à un marché de l’emploi en forte tension, les candidats se sentent désormais en position de force pour négocier leur contrat à leur avantage. Dans ce contexte, où l’offre de travail prime sur la demande, l’acronyme WRM (Worker Relation Management), va-t-il prendre le pas sur celui de CRM (Gestion de la Relation Client) dans les stratégies de recrutement des entreprises ?

Le management de la relation client centralise toutes les énergies d’une entreprise pour mettre le client au cœur de sa stratégie et le fidéliser.

Mais le rapport de force entre le client et l’entreprise semble s’être significativement modifié avec la crise de la Covid-19. A-t-il fait place, en amont, à celui entre le salarié et l’entreprise ?

Au cours des trois dernières années, l’observation des comportements des salariés sur le marché du travail, amènerait à conclure que ce ne serait plus le client qui est roi, mais le salarié… et de ce fait, on peut se demander si la gestion de la relation salariée n’a pas pris le pas sur la gestion de la relation client au sein des entreprises, confrontées à une pénurie cruelle de compétences.

À défaut, l’entreprise se voit confrontée à un débauchage massif1 la contraignant à réduire, temporairement ou durablement, son activité, à annuler des projets, et même dans certains cas à refuser des contrats et des commandes. Les PME et ETI sont davantage exposées au risque de sous-effectif, obligeant le dirigeant à mettre, parfois, la main à la pâte…

Il y a lieu de rappeler, à cette occasion, le nombre élevé de démissions ainsi que la difficulté de recruter dans certains secteurs-clés comme la restauration, les hôpitaux publics et le bâtiment. Selon une étude de la DARES2, le nombre de démissions en France a été historiquement haut début 2022 : 520 000 démissions par trimestre, dont 470 000 démissions de CDI. Certains observateurs avancent l’hypothèse d’une « grande démission », telle qu'elle a été observée aux États-Unis après la pandémie de Covid-19. Mais on peut supposer qu’il s’agit d'un phénomène courant au sortir des crises ?

Dans ce contexte qui renforce le pouvoir de négociation des salariés, vis-à-vis de leurs employeurs, le WRM regroupe l'ensemble des dispositifs et des supports ayant pour objectif d'optimiser la qualité de la relation salarié, de le fidéliser et de pérenniser sa motivation. Notamment, s’il s’agit d’homme clé ! Selon l’enquête Robert Half 2023, sachant que 44 % des salariés se sentent sous-payés, leurs attentes concernent :

  • Le délicat équilibre entre vie professionnelle et vie privée (70 %).
    Commentaire : donner du sens au travail est devenu un élément central de la vie professionnelle. Les salariés recherchent des missions qui offrent à la fois des défis et des opportunités d'apprentissage. Les entreprises qui peuvent offrir des projets engageants et valorisants attirent et retiennent plus facilement les talents.

  • Une ambiance de travail bienveillante (58 %).
    Commentaire : la quête de sens au travail est devenue un élément central de la vie professionnelle.

  • La bonne entente avec son manager/son équipe (44 %).
    Commentaire : les managers qui communiquent clairement leurs attentes et s’astreignent à des retours constructifs contribuent grandement à la satisfaction et à l'engagement de leurs collaborateurs.

  • La régularité des évolutions salariales (26 %).
    Commentaire : ne pas oublier que l’impact sur la motivation d’une augmentation de salaire ne dure qu’un temps…

NB. Parmi les “nouveautés”, 43 % des sondés souhaitent la semaine de 4 jours.

Pour les employeurs, ces tendances sont susceptibles d’amender les ressorts de la gestion de leurs ressources humaines.

  • La forme des contrats d'embauche pour conserver ou attirer des salariés (CDI, CDD, temps partiel).
  • La politique salariale à la hausse, lorsque les rémunérations d’embauche sont supérieures à celle du personnel en place pour des postes équivalents.
  • Les concessions sur les conditions ou l'organisation du travail (flexibilité des horaires, télétravail, ateliers de coworking, octroi de jours de congés supplémentaires, entre autres).
  • La communication interne, ouverte sur les critères qui déterminent les salaires et les augmentations.

Mais si les offres d’emploi non pourvues chutent avec la hausse du nombre de chômeurs du fait du ralentissement économique, les salariés qui ont l'obligation de revenir au travail après avoir largement tapé dans leur épargne, seront très probablement les premiers à être moins exigeants quant à leurs critères et conditions d’embauche…

On peut espérer que cette tendance, qui voit aujourd’hui, les jeunes diplômés rejeter le modèle de l'employé dévoué à leur entreprise, devrait favoriser l’embauche de davantage de seniors aguerris au management traditionnel3.

Notes

1 En France, le taux de rotation moyen du personnel (turn over) est de 15 %, tous secteurs d’activités confondus, selon l’INSEE.
2 Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion.
3 En France, le taux d’emploi des séniors, personnes âgées de 55 à 64 ans, était de 56,2 % en 2021 (Source : DARES).