Le droit international organise les relations entre États, leurs responsabilités, droits et devoirs. Beaucoup de domaines sont concernés, du traitement des prisonniers de guerre aux échanges commerciaux, en passant par la coopération judiciaire. De ce fait, et sans que l’on s’en rende compte, de nombreux traités et conventions internationaux existent pour régir les voies de transports, les nouvelles technologies, la libre circulation des biens ou des personnes, etc.
Une fois ratifiés par les pays concernés, ces traités sont supérieurs aux droits nationaux. En France, par exemple, c’est l’article 55 de la Constitution qui donne cette primauté sur les lois nationales : “Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie.”
Un système judiciaire international
Les grandes régions du monde se sont dotées de textes et d’organes juridiques régionaux. Le continent américain s’est doté d’une Cour interaméricaine des droits de l’homme et de textes régionaux que les États américains sont censés suivre. Les affaires concernant ces États peuvent être entendues devant la Cour interaméricaine. Les continents européen et africain disposent également d’une structure similaire. Toutefois, ces Cours n’ont pas autorité pour entendre des différends entre des pays de deux régions du monde. Et c’est pour cela qu’il existe au niveau international une Cour internationale de justice (CIJ).
La Cour internationale de justice (CIJ)
Cette Cour est à différencier de la Cour pénale internationale, chargée de juger les personnes - mot important - accusées de crime de guerre, de crimes contre l’humanité, de crime d’agression et d’actes de génocide. A l’inverse de la Cour Pénale Internationale, qui se concentre sur un individu, la CIJ est chargée des affaires concernant des États.
Cette Cour, principal organe judiciaire des Nations Unies, succède à la Cour permanente de justice internationale, créée en 1920 dans le cadre de la Société des Nations. C’est par elle que les États peuvent régler, de manière pacifique, leurs différends. Elle est établie par l’article 92 de la Charte des Nations Unies : “La CIJ constitue l’organe judiciaire principal des Nations Unies. Elle fonctionne conformément à un Statut établi sur la base du Statut de la Cour permanente de Justice internationale”.
Comment est-elle saisie ?
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’un État n’ayant pas reconnu sa compétence n’est pas tenu de comparaître devant elle. Car, oui, la première étape pour qu’elle puisse juger d’une affaire, c’est que les deux États (ou plus) en litige aient reconnu sa compétence.
Tout d’abord, les parties en désaccord peuvent conclure un compromis, convenant de soumettre leur différend à la Cour. En deuxième possibilité, si le différend concerne un traité international, ce dernier peut contenir la mention de la compétence de la CIJ. Enfin, les États peuvent souscrire une déclaration d’acceptation de juridiction obligatoire. En clair, cela veut dire qu’ils acceptent expressément la compétence de la CIJ, que ce soit de manière générale ou sur un sujet particulier. Pour l’instant, à peine plus de 70 États ont signé cette déclaration, et beaucoup ont mis des clauses de validité dans le temps, arguant que la CIJ n’est pas compétente pour les différends prenant naissance avant la signature de cette déclaration.
Si certains États, souvent les petits, ont signé cette déclaration en toute bonne foi, pour rétablir le déséquilibre sur la scène internationale et faire entendre leurs voix, d’autres ne l’ont fait que pour tirer un maximum d’avantages en évitant un maximum d’inconvénients. La France, pays des droits de l’Homme, ne l’a pas signée.
Sur quelles règles s’appuie-t-elle ?
Un tribunal national s’appuie sur le droit national. De même, la CIJ juge en s’appuyant sur le droit international, issu des traités et des conventions internationales. Mais elle a d’autres sources de droit, à l’instar de la coutume internationale, qui est un ensemble de règles découlant d’une pratique générale acceptée comme loi, qui existe indépendamment des traités, tels que l’égalité de souveraineté entre les États, le principe de respect des pactes, etc. Enfin, la CIJ s’appuie également sur les principaux généraux du droit, c’est-à-dire ceux qui s’appliquent dans tous les principaux systèmes juridiques.
Il est à noter que la CIJ ne s’appuie pas sur les lois nationales mais les considère comme de simples faits : à prendre en compte dans une affaire, oui, mais qui n’offrent aucune garantie. Ce que décide un État dans son ordre juridique interne est entièrement privé. De ce fait, il n’a aucune autorité sur la scène internationale.
Quelles décisions rend-elle ?
Une ou plusieurs parties saisissent la CIJ qui juge elle-même de sa compétence sur l’affaire. Une fois que sa décision est rendue, elle est obligatoire pour les parties, sous peine de sanctions. La partie lésée, si la partie condamnée ne respecte pas la décision de la Cour, pourra dans les faits saisir le Conseil de Sécurité de l’ONU. Dans la réalité, cela s’applique beaucoup moins : le Conseil de Sécurité de l’ONU est corseté par les cinq pays détenteurs d’un droit de véto (les USA, la Russie, la Grande-Bretagne, la France et la Chine) qui y font la pluie et le beau temps.
La CIJ donne également des avis consultatifs. Ces derniers ne peuvent être sollicités que par l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité ou d’autres organes de l’ONU qui auraient obtenu l’aval de l’Assemblée, et non par les États. Sans portée obligatoire, ces avis consacrent tout de même un raisonnement juridique, qui peut ensuite s’inscrire dans le droit international.
Notons toutefois que, si ces avis sont donnés en toute bonne foi, ils n’ont que peu, voire pas, d’impact sur la situation sur le terrain. Ainsi, en 2004, la CIJ a rendu un avis consultatif sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur par Israël dans le territoire palestinien occupé. Cet avis appelait à l’interruption de l’édification du mur, au démantèlement des portions construites et à la réparation des dommages causés. La communauté internationale se devait de ne pas reconnaître cette situation illégale créée et de coopérer pour mettre un terme à ces violations. 20 ans après, il n’est pas besoin d’une plus ample démonstration pour illustrer le néant de l’impact de cet avis sur la situation Israël - Palestine.
Enfin, elle a capacité à prendre des mesures conservatoires, un mécanisme qui existe aussi en droit national pour préserver les droits des parties d’un dommage imminent et irréparable avant le jugement. Ces mesures sont particulièrement sur le devant de la scène depuis que l’Afrique du Sud a instruit une demande devant la CIJ pour les droits de la Palestine dans le conflit israélo-palestinien. Ce pouvoir n’est exercé que s’il y a une situation d’urgence et dans le but de sauvegarder des droits déterminés.
Ses limites
D’autres organes ont été introduits sur la scène internationale, amputant la CIJ d’une partie de sa compétence. On parlait plus haut des Tribunaux et Cours régionaux, qui entendaient les différends entre deux pays situés dans une même région. De même, des Tribunaux spécifiques ont été montés, que ce soit pour juger d’un conflit spécifique, comme les Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie ou le Rwanda. Même si ce n’est qu’une partie de leur action qui fait obstacle à la CIJ, puisqu’ils jugent surtout les crimes commis par des personnes lors de ces conflits. D’autres organes ont été montés sur une thématique spécifique : le Tribunal international du droit de la mer, par exemple, entré en vigueur en 1996, empiète sur les compétences de la CIJ en matière de délimitation maritime.
Mais surtout, comme expliqué, la CIJ est impuissante à agir sur les États qui, d’une manière ou d’une autre, n’ont pas reconnu sa compétence. De même, elle ne peut se saisir elle-même d’une affaire et doit attendre que cette dernière soit portée à son attention. Son action peut donc sembler limitée aux conflits marginaux. Beaucoup d'États ont déjà refusé de comparaître devant elle, d’autres ont retiré leur déclaration d’acceptation de juridiction obligatoire après une décision qui leur avait été défavorable. L’Australie, dans les années 90, alors en conflit avec le Timor oriental sur la délimitation d’une frontière maritime commune, avait retiré cette compétence précise à la CIJ après une décision qui n’allait pas dans son sens. Le pouvoir de sanction de la CIJ dépend donc principalement de la capacité d’un État à se soumettre à une autre juridiction que la sienne.