Le réchauffement climatique est loin d’être un fait nouveau. En 2022, les aléas climatiques ont impacté directement plus de 110 millions de personnes. Les scientifiques s’accordent à dire que l’Afrique fait partie des plus vulnérables. Et pourtant, le continent aurait son rôle à jouer sur la scène internationale. Plusieurs de ses pays possèdent de grandes capacités en énergies renouvelables, il émet moins de 4% des émissions de gaz à effet de serre et sa forêt tropicale est considérée comme le second poumon de la planète.
Cette année, les dirigeants africains ont décidé de s’organiser en amont de la COP28 de décembre, sommet international sur le climat, pour y présenter une position commune et montrer le potentiel du continent dans la lutte contre le changement climatique. Ils se sont réunis du 4 au 6 septembre 2023 à Nairobi (Kenya). Qu’en est-il ressorti ?
Le nerf de la guerre : l’argent
Impossible d’y couper : les demandes ont été vives pour un meilleur financement de la lutte climatique. Plusieurs bailleurs ont d’ailleurs promis de s’investir, pour un total de 25 milliards de dollars. Succès ? Non. En 2020 déjà, le continent a reçu 30 milliards de dollars pour le climat : à peine plus que 10% de ses besoins.
Le Sommet de Nairobi a avancé le chiffre de 600 milliards d’investissements, en accord avec la Commission économique pour l’Afrique, qui a estimé ses besoins financiers à 440 milliards de dollars pour 2020-2030. Les pays africains ont également demandé une nouvelle architecture financière, afin que les projets d’adaptation au changement climatique soient financés par des dons, comme cela avait été promis à la COP21, en 2016, et non pas par leurs dettes, comme c’est actuellement le cas.
Le continent s’est aussi accordé sur la nécessité de taxes mondiales, dont une sur les transactions financières qui servirait à financer des projets climatiques sans puiser dans les ressources internes ou “subir l’influence indue d’intérêts géopolitiques et nationaux.” Une critique pas si voilée que ça.
Un soutien aux taxes sur les émissions de carbone
Une seconde taxe a été demandée sur les émissions de carbone, les énergies fossiles et le transport aérien et maritime. Cet outil serait particulièrement intéressant pour l’Afrique puisque le continent tout entier ne représente que 4% des émissions mondiales. Emmanuel Macron, président français, avait déjà fait cette demande en juin, mais s’était dédouané en arguant de la nécessité d’embarquer les Etats-Unis, la Chine et les autres pays européens dans le processus avant de lancer quoi que ce soit.
La réitération de cette demande par l’Afrique suffira-t-elle à faire pencher la balance à la COP28 ? Les pays africains ne sont pas connus comme avancés dans le domaine des énergies renouvelables. Certains font certes figure d’exemple : le Kenya produit 90% de son électricité sur la base d’énergies renouvelables. Mais plusieurs pays ont réclamé lors de ce sommet le droit de continuer les énergies polluantes comme “énergies de transition”, ce qui montre bien le retard qu’ils ont à rattraper dans ce domaine. En effet, du fait sans doute de sa situation instable, l’Afrique attire moins de 5% des investissements sur les projets éoliens, solaires, géothermiques ou hydroélectriques. Ce qui explique sa difficulté à les développer, alors même que le continent possède 40% des capacités mondiales des énergies renouvelables.
Un focus sur certaines ressources naturelles
Si les dirigeants n’ont pas réussi à transmettre un message commun, quelques ressources particulières ont été mises en avant. La République du Congo, forte de sa forêt tropicale, a plaidé pour la création d’un marché mondial du carbone. Une demande qui s’accorde avec celles du Brésil et de l’Indonésie, détenteurs eux aussi d’une grande couverture forestière. Djibouti et les Comores, disposant d’un accès direct sur l’océan, ont milité pour le développement d’une économie bleue.
Enfin, d’autres pays ont poussé pour leurs peuples autochtones. Ces derniers reçoivent moins d’1% des Fonds climat alors qu’ils sont en première ligne face aux aléas climatiques et à la défense de la Nature. Ce sujet est peu porté sur la scène internationale, car la plupart des pays développés n’ont plus de peuples autochtones, ou ne dialoguent pas avec eux. Malgré tout, depuis plusieurs années, les peuples autochtones d’Amérique latine et Centrale se sont créés une place sur la scène internationale et plusieurs pays de ces régions les soutiennent. La requête de l’Afrique pourrait leur donner un énorme coup de pouce.
Surtout, ce sommet a pointé du doigt les promesses non tenues depuis des années des pays riches. Plus particulièrement des Accords de Paris, dans lesquels figuraient déjà certaines de ces demandes, signés en 2016 mais non contraignants. Et la prochaine COP28, en décembre, ne devrait pas faire exception à la règle. Si la Déclaration commune de l’Afrique, signée à l’issue du Sommet de Nairobi, a permis de souligner certaines demandes qui pourraient prendre une place prépondérante dans les débats de fin d’année, cela suffira-t-il à faire pencher la balance pour un accord contraignant et liant tous les pays ?