Mi-septembre 2020, le discours sur l’état de l’Union de la Présidente de l’Union Européenne Ursula von der Leyen a, pour la première fois, rangé la lutte contre la corruption parmi ses priorités. Un pas important qui, au nom des valeurs, prend acte de la réalité. La sécurité est un devoir de l’Etat envers le citoyen, un devoir “régalien” (du latin regalis, royal) qui définit ce qui est attaché à sa souveraineté.
Force est de constater que l’insécurité s’est diffusée dans les Etats Européens au même pas que l’Union Européenne entrait en scène. Non que l’Union Européennes en soit la cause. Les Etats nationaux ont omis de prendre la mesure du pouvoir que les organisations criminelles et autres “non State actors” acquéraient de l’usage des technologies et, en particulier, des communications et autres télécommunications. Titulaires de ce “pouvoir régalien”, les Etats ont manqué à leurs responsabilités, et c’est l’Union Européenne, dépourvue de ce pouvoir, qui s’est retrouvée au banc des accusés.
Cette disattention des Etats pour la sécurité des citoyens a permis aux acteurs du désordre d’infiltrer profondément d’une part le tissu économique de nos démocraties et d’autre part les administrations communales, régionales, nationales et jusqu’au cœur de la Commission Européenne. Un aveuglement qui trop souvent finit par se confondre avec la collusion. Aujourd’hui, il n’est (presque) plus d’Etat national qui dispose des ressources pour reprendre seul le contrôle de son propre territoire. Ce ne sont pas les accords de Schengen qui ont créé le problème, ce sont les violations dont cet accord fit, et est encore, l’objet qui ont servi de Cheval de Troie pour ouvrir la brèche par laquelle la mer n’eut plus qu’à s’engouffrer.
En septembre 2020, le Parquet Européen est devenu opérationnel contre la criminalité transfrontière qui porte atteinte au budget de l’UE dans les 22 pays de l’UE participants qui se sont engagés dans cette coopération renforcée.
Le Parquet Européen, qui siège à Luxembourg, ne sera toutefois habilité que pour rechercher, poursuivre et traduire en justice les auteurs d’infractions portant atteinte au budget de l’UE, telles que la fraude, la corruption ou la fraude transfrontière grave à la TVA.
La création du Parquet Européen constitue une évolution dans la lutte contre la criminalité, une étape importante vers la création d’un espace commun de justice pénale dans l’ensemble de l’Union européenne. Mais il va de soi que ses compétences sont extrêmement restreintes par rapport aux principales activités de ces organisations hors la loi qui portent dommages gravissimes à nos sociétés. A commencer par les trafics de drogues qui nourrissent tous les autres secteurs. A continuer par les trafics d’êtres humains qui réduisent les hommes et les femmes en esclavage, non seulement les migrants mais aussi les citoyens victimes de ruptures des règles de concurrence et des règles du marché du travail. Sans oublier les trafics d’armes qui obligent des peuples entiers à immigrer, et la grande fraude fiscale organisée qui mêle ses revenus à ceux des réseaux criminels. Avec pour conséquence que plus d’un Etat de l’Union Européenne se trouve à présent pris en otage.
Ces circonstances se sont cumulées, dans la disattention, l’indifférence, puis la complaisance des administrations. Et ce jusqu’au jour où un petit virus sans frontières a décidé de remettre les pendules à l’heure, et de rappeler que les capitaux sont plus utiles pour assurer une protection sociale, des transports efficaces et respectueux de l’environnement, et des services de santé capables de répondre aux urgences… L’homme occidental avait même “oublié” que les catastrophes, naturelles et humaines, font parties de l’histoire de l’humanité.
Confrontée à des Etats nationaux paralysés, qui de plus en plus souvent défendent leur autorité à coups de permis à points et de manifestations réprimées par la violence publique, au prix de détruire ce qui reste encore de démocratie sur notre continent, ce sont ces circonstances qui contraignent à présent l’Union Européenne à développer une politique commune de répression efficace des crimes graves, qui ne sont pas toujours les plus visibles.
Il est devenu urgent et indispensable que le Parquet Européen reçoive pouvoir d’enquêter sur toutes les activités des organisations criminelles transnationales, et notamment sinon principalement, sur celles de la criminalité organisée en col blanc qui ne connait pas les frontières, la fraude fiscale organisée et la corruption.
Pour être efficace, un parquet européen devra encore pouvoir enquêter sur base d’un quelconque critère de rattachement territorial, et ce sans égard aux règles de droit interne en matière de compétences territoriales.
Il devra aussi disposer du pouvoir de dessaisir les parquets nationaux qui démontrent ne pas avoir la volonté ou les capacités d’exercer effectivement les poursuites, et ce à tout le moins lorsque des enquêtes dépassent le délai raisonnable du procès tel qu’établi par la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales.
Force est de constater que si un premier pas a été fait, la route reste longue … et doit se parcourir au pas de charge.