L'identité nationale est un sujet de division majeur parmi les dirigeants et leurs électeurs, influençant à la fois leurs programmes et leurs opinions politiques. Elle soulève des questions sur la formation d'une société multiculturaliste et sur les différentes conceptions du nationalisme.

Qu'est-ce que l'identité nationale et comment est-elle perçue par les différents partis politiques ? Une question qui ne cesse de faire couler de l'encre.

Un bilan de l'état de l'intégration s'impose, car c'est lui qui la façonne et qui nous permettrait de mieux comprendre les enjeux actuels.

La notion de l'identité nationale

Elle est complexe et évolutive.

Ernest Renan, écrivain et historien français du XIXe siècle, propose une définition de l'identité nationale qui pourrait faire consensus. Selon lui, une nation est bâtie sur ce qu'elle a acquis du passé. Valoriser son identité nationale signifie prolonger et renouveler ces acquis. Renan affirme que la nation, comme l’individu, résulte d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements.

Une définition qui n'est pas du goût de Patrick Weil, historien et politologue. Lui la définit selon quatre piliers qui, selon lui, résistent toujours aux aléas politiques et sociaux de part le temps : le principe d'égalité, la langue française, la mémoire positive de la Révolution et enfin la laïcité.

On la distingue de l'identité personnelle qui, elle, concerne l'assimilation d'un individu à la culture d'une nation donnée. Dans le magazine des Jeunes Européens Le Taurillon, on la décrit comme un sentiment d'appartenance qui dessine notre identité personnelle par l’assimilation d’éléments de l’identité nationale dans nos systèmes de croyances et de valeurs, qui en retour façonne notre perception de nous-mêmes et notre relation au monde en dehors de la nation à laquelle nous appartenons.

Du point de vue politique, l'obsession de l'identité nationale est, depuis la crise boulangiste (fin XIXe siècle) et l'affaire Dreyfus (1894-1906) et à en croire les propos de Mathias Bernard pour Le journal du dimanche, l'apanage de l'extrême droite.

Cependant, tout au long du XIXe siècle, l’idée de Nation a été portée par les forces révolutionnaires et démocratiques. En France, elle a accompagné la construction de la République, autour d’une idéologie intégratrice et universaliste.

Avec les flux migratoires, l'identité nationale peut être perçue différemment. Elle devient plus inclusive selon la réponse des nouveaux arrivants aux défis d'intégration.

Mais dès lors que des crises apparaissent, telles que des crises économiques ou sociales, on se recroqueville sur son autochtonité avec une nostalgie des valeurs perdues et finit par accuser les dirigeants d'incompétence.

Au sein des partis

Les partis de gauche basent leur politique sur le principe du multiculturalisme. Leur politique est sociale-humanitaire et elle montre beaucoup de difficultés à se définir par rapport à la question nationale, selon les propos de Gérard Noiriel, intellectuel engagé et spécialiste de l'histoire du monde ouvrier, des intellectuels et de l'immigration, recueillis par Gérard Mauger pour Savoir/Agir.

Le Parti Socialiste peut avoir une approche plutôt centrée sur l'assimilation que la valorisation des différences culturelles, et selon les craintes des anti-immigrationnistes ou l'obstination des nationalistes, la gauche peut avoir des réactions nuancées.

Chez les partis de droite, les traditions et la culture nationale priment sur tout autre chose. Pour la cause de l'identité nationale qui, de nos jours, soulève la question des communautarismes qui la menaçent, ils ciblent l’immigration et les problématiques conséquentes.

Rien qui ne soit une idée de patriotisme à la Jean Jaurès qui se veut une multiplication de l'âme individuelle par l'âme de tous.

Le patriotisme de la droite recentre ses efforts sur l'urgence de l'intégration tandis que la droite nationaliste peut être perçue comme xénophobe.

Ces deux aspects de la politique de droite jonglent entre les situations de crises et de la nécessité de trouver des compromis.

Ces prises de position sont nourries par des valeurs personnelles, mais elles sont aussi le fruit de débats sans cesse renouvelés.

Les débats contemporains se concentrent sur une acceptation de l'identité nationale dont les valeurs, devenues désuètes, doivent nécessairement se conformer aux évolutions.

Avec le multiculturalisme qu'on oppose aux valeurs traditionnelles- souvent à renfort de mouvements communautaires et autres manifestations-, être français a pris peu à peu une tournure anticonformiste.

L’identité française s’en est trouvée transformée et, par extension, l’identité de la France dans ses valeurs démocratiques et la perception qu'en ont ses régions extra-étatiques, le monde francophone et ses interlocuteurs internationaux.

D'après l'étude annuelle 2024 du Conseil d'État, on évolue dans un contexte de défis, dont ceux démographiques et migratoires, qui remettent également en question les conditions traditionnelles d’exercice de la souveraineté.

Par exemple, Jean-Luc Mélenchon, radical de gauche et fondateur du parti La France Insoumise en 2016, n'attache nullement le concept d'identité nationale à une l’ethnicité ou une culture quelconque, mais à des valeurs républicaines telles que la liberté, l'égalité et la fraternité.

Il a des sympathisants sur le champ politique tel que Le Parti Communiste Français ou encore Europe Écologie Les Verts.

En tout état de cause, l'identité nationale est indissociable de l'état de l'intégration.

L'état de l'intégration

Il a une importance cruciale, car c'est lui qui délimite les contours de l'identité nationale. En 2024, le multiculturalisme est plus que jamais promu et soutenu.

La France est elle-même pluraliste dans son identité nationale, au regard de son histoire immigrationniste et de son métissage culturel.

C'est l'une des raisons pour laquelle elle respecte les cultures qui fleurissent sur son territoire.

Le respect des cultures est aussi l'un des principes républicains garantissant la liberté, l'égalité et la fraternité pour tous.

De plus, l'harmonie entre les différentes communautés en France dépend du respect des cultures.

La diversité culturelle influence également l'innovation et la créativité et cela est essentiel pour le développement économique.

Nous avons, en la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et en de nombreux textes internationaux, un devoir de garantir, aux diverses communautés françaises, outre la liberté et l'égalité, le droit à la dignité, la liberté d'expression et de conscience, le droit à la participation à la vie politique et sociale ainsi qu'une protection contre les discriminations.

Cette situation complique les efforts d'intégration à la culture “monolithique“ française qui se veut rester scrupuleusement traditionnelle, et dans les débats actuels, des réflexions et des interrogations émergent pour redéfinir l'identité nationale dans la prescription des valeurs de tolérance et de solidarité.

Ces efforts d'intégration, accompagnant une permissivité de l'expression culturelle étrangère au nom des droits humains, suscitent chez les nationalistes français la peur de perdre leur culture et leurs traditions.

On a pu entendre chez des socialistes comme Jacques Attali, ancien conseiller de F. Mitterrand ou encore Jérôme Guedj : “L'intégration, F. Mitterrand en parlait tout le temps : l'intégration par le travail, par l'école, par le droit de vote également, pour les municipales”. “Les enjeux de l’époque ne sont pas totalement différents. Il faut mettre plus d’effort dans la politique d’intégration des populations immigrées”.

Quelquefois, ce sont les élites politiques, pas assez rigoristes pour maîtriser ces difficultés d'intégration, qui sont visées par les mouvements nationalistes.

Les Français peuvent aussi se tourner vers le nationalisme en raison de l'insécurité, qui n'inclut pas seulement la criminalité, mais aussi des questions d'ordre économique, sociale ou géopolitique.

Le nationalisme français lui-même est à l'image de l'identité nationale contemporaine : il peut être dans le rejet de l'immigration et de l'autre comme il peut se définir autour de la notion de la diversité et du vivre ensemble.

La France vit, depuis les années 80, une nouvelle phase transitionnelle qui éveille des inquiétudes identitaires, un sentiment d'insécurité, un besoin d'adaptation, mais aussi des réactions politiques et des mobilisations pour défendre les droits, les terres et le patrimoine français.

Sur ce dernier point, Bruno Retailleau avait confié à un interviewer, depuis son bureau, place Beauvau : L'immigration est un des phénomènes qui a le plus bouleversé la société française depuis 50 ans, depuis un demi-siècle, sans que jamais les Français n'aient eu à se prononcer”.

Néanmoins, tous les autochtones ne répondent pas à cette phase transitionnelle de la même façon : certains y voient une opportunité de richesse et de créativité. Que revêtent cette dynamique et ces débats passionnés pour notre avenir commun ?