Le reste à charge hyper-inflationniste peut inciter à l’auto-assurance, notamment chez les assurés les plus aisés, au vu du moindre remboursement des dépassements d’honoraires des professionnels de santé par les mutuelles santé…

Les partisans de l’auto-assurance

Restreignant encore plus le pouvoir d’achat déjà mis à mal par l’inflation, bon nombre de Français s’interrogent légitimement sur l’utilité de reconduire ce type de contrat, souvent coûteux, qui ne correspond pas forcément à leurs besoins de santé. Tenus de choisir entre 3 ou 4 formules (savamment) packagées, certaines garanties et des services proposés tiennent de la vente forcée. Il en est ainsi de l’adhésion à des réseaux de soins qu’on impose aux souscripteurs. On estime que 45 millions de Français ont accès à un de ces réseaux, c'est-à-dire les trois-quarts des personnes qui ont une mutuelle. Mais beaucoup ne savent pas qu'elles y ont droit…

De plus, le non-remboursement des dépassements d'honoraires, augmentant significativement le reste à charge des assurés, n'est-ce pas l'auto-assurance qui risque de se développer dans les années à venir ? Dans cette perspective, on peut craindre que la nature du contrat complémentaire santé (responsable ou non) passe au second rang ! Si les assureurs vantent les limitations du reste à charge des assurés1 à qualité des prestations équivalente2, ils sont peu diserts sur le coût des réseaux, inclus dans la cotisation… Tient-il du secret des affaires ?

Les premiers réseaux de soins ont vu le jour au milieu des années 90, mais ils se sont vraiment imposés depuis dix ans. Principalement dans trois domaines : l'optique, les audioprothèses et les prothèses dentaires. On peut se demander, par ailleurs, au cas où tous les assurés auraient recours aux services des plateformes de soins, incités par les complémentaires santé à consulter leurs professionnels de santé partenaires, ce qui leur assurerait un afflux de clients, si leur coût de gestion ne viendrait pas à augmenter drastiquement… A moins que les acteurs des plateformes santé ne visent à devenir, à terme, un passage obligé des patients pour se faire soigner en présentiel ou à distance (téléconsultation) dans un avenir proche… D’autant plus que les mutuelles santé ont le droit de pratiquer le remboursement différencié depuis 2014. Le principe de cet avantage : si vous décidez de consulter un opticien ou un dentiste affilié au réseau de votre mutuelle, vous serez mieux remboursé.

N.B. Les réseaux de soins en chiffres (Source : La Mutualité française).

En décembre 2014, 55 % des adhérents mutualistes avaient accès à un réseau de soins optiques, 55 % à un réseau d'audioprothésistes et 29 % à un réseau de soins dentaires.

Entre les années 2011 et 2015, le nombre de Français ayant accès à un réseau de soins a augmenté de 45 %. Fréquenter un réseau de soins permet d'économiser de 10 à 50 % des frais sur l'optique, l'appareillage auditif, les soins dentaires, voire la chirurgie réfractive. Selon les projections de la Mutualité Française, si 100 % des Français pouvaient bénéficier d'un réseau de soins – optiques, dentaires et d'audioprothèses - avec une baisse des prix de 15 %, l'économie potentielle pour les ménages atteindrait chaque année 1,9 milliard d'euros.

En se passant de mutuelle et en se contentant des remboursements effectués par la Sécurité sociale, des simulations d'auto-assurance sur plusieurs années montrent à l’évidence que l’assuré sans complémentaire santé est en moyenne largement gagnant, comparé à l’adhérent d’un contrat mutualiste3.

Les personnes fragiles4

Pour ces dernières, une alternative est de s’assurer uniquement pour l’hospitalisation. Le risque augmentant avec l’âge, le reste à charge des frais d’hospitalisation peut se révéler conséquent (20 % des frais restant à charge des patients, sauf en cas d’ALD exonérante). Ainsi, par exemple, une journée d’hospitalisation aux hôpitaux AP-HM affiche 1 767,82 euros avec un reste à charge journalier de 353,56 euros (20 %). Il suffit de deux journées d’hospitalisation par an pour récupérer sa cotisation annuelle…

N.B. Selon les données de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques), la durée moyenne de séjour à l'hôpital en France est d'environ 7 jours.

Conclusion

Comme on peut le voir, se passer d’une mutuelle santé ne semble pas trop risqué, tout en réalisant de substantielles économies sur 50 ans ou 60 ans d’espérance de vie. En supposant qu’on arrive à épargner une partie des cotisations, ce faisant, la majorité des patients ont la capacité de faire face à quasiment toutes leurs dépenses de santé… et il ne sera jamais trop tard pour souscrire une complémentaire santé pour les plus fragiles, au cas où leur santé viendrait à se détériorer… Trois alternatives sont envisageables pour optimiser son budget santé.

  1. Ne souscrire que des garanties par spécialité : optique, dentaire et audioprothèses.
  2. Changer d’assureur complémentaire santé chaque année, en bénéficiant de deux ou de trois mois de cotisations gratuites en tant que nouveau client.
  3. Recourir à une mutuelle communale si vous êtes non-salarié.

La mutuelle santé communale, appelée autrefois mutuelle de village, avec ou sans intermédiaire d’assurance, peut être une alternative pour les personnes qui ne peuvent pas accéder à une mutuelle santé traditionnelle en raison de leur situation financière. Cependant, il est important de s'assurer que ces mutuelles communales offrent une couverture adéquate et des services de qualité pour répondre aux besoins de leurs membres.

Il est également essentiel de s’informer de la solidité financière des assureurs retenus et de leur capacité à faire face aux besoins de ses adhérents. A cet effet, il y a lieu de vérifier leur solvabilité financière5.

N.B. L’essor récent des mutuelles dites communales n’est pas sans poser un certain nombre de questions pratiques (choix du local, procédure de mise en concurrence et risque de conflit d’intérêts). Plus de 2 000 communes auraient ainsi mis en place une telle couverture santé (…).

Cette incertitude concerne également l’Association des maires de France (AMF) qui publie certaines notes sur le sujet à destination des collectivités territoriales. Une note du 4 juillet 2016, que le journal L’Argus des assurances s’est procuré, distingue quatre principaux cas de figure pour la mise en place d’une mutuelle communale. Ces quatre niveaux se différencient par le degré d’implication des communes et/ou des centres communaux d’action sociale (CCAS) : les risques juridiques reliés à ces niveaux évoluent également. Si les deux principaux scénarios (promotion d’associations d’assurés et mise en concurrence réalisée par les CCAS) paraissent peu risqués, des points de tension juridique existent toutefois (…). (Source : L’Argus de l’assurance, mars 2017).

Notes

1 Pour l’optique, par exemple, les tarifs proposés pour une qualité similaire seraient inférieurs en moyenne de 30 à 40 % sur les verres et de 10 % au minimum sur les montures, de l’ordre de 20 % sur les prothèses dentaires et de 40 % sur les équipements d’audioprothèse ».
2 A ma connaissance, personne n'est capable de dire si la qualité des lunettes ou des prothèses vendues dans le cadre des réseaux de soins est moins bonne ou meilleure qu'ailleurs. Même l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ne peut se prononcer, faute de données disponibles. Dans le domaine de l'optique, du dentaire et de l'auditif, il n'existe quasiment aucun contrôle de la qualité de la part des autorités sanitaires.
3 Cf. Le particulier N°1210 – Bilan de 5 années sans complémentaires pour un couple de retraités qui se traduit par une économie annuelle de 1 646 euros.
4 En France, environ 9 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, ce qui représente environ 14 % de la population française. Cela comprend les personnes qui vivent avec moins de 60 % du revenu médian national. Ces chiffres varient en fonction des sources et des critères de calcul utilisés. Le seuil de pauvreté en 2024 est estimé à 965 euros ou à 1 158 euros par mois, selon qu’il est fixé à 50 % ou à 60 % du niveau de vie médian.
5 Le rapport de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) analyse les principaux aspects de l’activité d’assurance santé de ces organismes : cotisations collectées, prestations reversées, charges de gestion, rentabilité. Il analyse également leur solvabilité financière globale ainsi que leur démographie. Ce rapport comprend six parties (…). Enfin, la dernière partie analyse, pour les organismes qui exercent une activité de complémentaire santé, leur solvabilité financière globale et leur respect des règles prudentielles.