Dans le cadre du plan France 2030, Emmanuel Macron dévoilait une stratégie qui vise à diminuer de 50% les émissions de gaz à effet de serre de l'industrie française d’ici la fin de la décennie. Au cœur de cette initiative, l'État a identifié des “Zones Industrielles Bas Carbone” dans lesquelles il souhaite favoriser l'adoption rapide de technologies écologiques à travers des appels à projets. Les deux premiers lauréats retenus début 2023 : les bassins industriels de Dunkerque et de Fos-sur-Mer.
Ces zones, décimées par plus d’un demi-siècle d’activités industrielles, voient naître des projets ‘verts’ menés par des industriels contraints de se conformer aux normes, mais aussi par des entreprises innovantes. Il en faudra plus pour décarboner ces temples de la mondialisation, du capitalisme, et surtout d’une mentalité carbonée progressivement balayée par les prises de consciences de ces dernières années.
À elles quatre, les filières de la chimie, de la métallurgie, des matériaux, de la construction, et de l’agroalimentaire représentent 80% des émissions de gaz à effet de serre nationales du secteur industriel. Les dirigeants des grosses multinationales que sont TotalEnergies, Saint-Gobain, Solvay, Lafarge, et d’autres, se sont engagées à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en se basant sur une feuille de route mise en place en compagnie de Roland Lescure et d’Agnès Pannier-Runacher, alors ministre de la Transition Énergétique. Parmi ces entreprises obligées de changer de cap figure ArcelorMittal, 2e producteur d’acier au monde, qui a récemment été rattrapé par ses méthodes d’un autre temps. En mai 2023, l’inspection du travail rapportait des zones de poussières agglomérées sur leurs sites de Fos-sur-Mer, des méthodes de fabrication générant de grandes quantités de poussières inhalables, tout ça sans système de captation. L’air respiré par les ouvriers du site dépassait les valeurs limites d’exposition professionnelle, pollué par des produits cancérogènes, mutagènes, ou toxiques, à l’image de la silice cristalline ou de fibres céramiques réfractaires.
Pour se mettre à jour et suivre la tendance industrielle récente, le groupe sidérurgique s'est engagé à dépenser 1,7 milliards d’euros en France pour baisser ses émissions de 35 % d'ici à 2030. Sur leur site de Fos, le plan ‘acier vert’ prévoit d’installer un nouveau four censé augmenter l'utilisation d'acier recyclé pour un total de 73 millions d’euros. À Dunkerque, ArcelorMittal produira de l’acier vert en remplaçant deux hauts-fourneaux par une tour qui aura pour but de réduire le minerai de fer avec de l’hydrogène. À voir si les émissions de CO2 du groupe, aujourd’hui autour de 13 millions de tonnes par année en France, seront conséquemment impactés.
L’hydrogène vert reste pour l’instant l’espoir principal pour la transformation de ces villes-usines. À Fos, Géosel et H2V sont sur le coup. Le premier étudie actuellement un projet à 600 millions d’euros, voué à produire 15 000 tonnes d’hydrogènes vert grâce à 500 hectares de panneau solaires. Le second prévoit une capacité de production de 84.000 tonnes par an à l'horizon 2030 pour alimenter les infrastructures locales. H2V est également présent à Loon-Plage dans le bassin Dunkerquois, pour fournir de l’hydrogène par électrolyse de l’eau.
La très jeune entreprise sidérurgique GravitHy compte devenir la première à produire du fer métallique à basse empreinte carbone par hydrogène. Leur site de Fos-sur-Mer produira 2 millions de tonnes par an pour un investissement de 2,2 milliards d’euros. Leur usine permettrait à elle seule d'éviter 4 millions de tonnes de CO2/an si l’on en croit leurs estimations.
En parallèle, des projets solaires et éoliens voient également le jour près de ces ports historiques. La start-up Carbon prévoit d’implanter une giga-usine de production de panneaux solaires à Fos, avec pour objectif une capacité totale de production de 20 GW en 2030. Un peu plus de 40 éoliennes sont attendues au large de Dunkerque avant 2030. Les 2,3 TWh produits couvriront la consommation annuelle de près d’un million d’habitants sur 30 ans.
À Gravelines, situé 20 km plus loin, deux nouveaux EPR sont programmés, encore faut-il qu’ils soient construits à temps ce qui ne semble pas être la tendance de la filière nucléaire ces dernières années.
Tous ces projets font naitre un vent d’espoir au sein des communautés locales, soulagées de voir des entreprises s’installer dans la région après des années difficiles. Parmi les initiatives citées, H2V prévoit la création de plus de 400 emplois quand Carbon ambitionne de générer 3000 postes pour faire tourner son projet solaire.
Alors que l’on vient d’apprendre que le réchauffement de la planète a dépassé les +1,5 degrés pendant 12 mois consécutifs par rapport à la période 1850-1900, il nous faut redoubler d’efforts.
Ces débuts sont certes encourageants, mais on attend la suite.