Ce n’est pas le soleil qu’elle aime c’est la pluie et les orages. Ce n’est pas le jour qu’elle apprécie c’est la nuit. Elle c’est la sorcière. Cette fameuse figure de l’histoire est merveilleusement adorée par Tim Burton qui la met en scène dans Mercredi Addams : une série Netflix sortie le 23 novembre 2022 et qui fait un véritable tabac. Mais allons plus loin, qui est cette étrange créature qui a toujours fait partie de l’histoire et qui au fil des siècles a toujours été torturée ? Explications.
Mercredi Addams, une série alléchante
Que faut-il pour créer un soupçon de magie noire ? Invoquer des morts, utiliser des plantes, aimer les serpents et autres animaux mystiques, porter des vêtements sombres qui n’attirent pas la lumière, et le tour est joué. Vous voilà sorciers ou sorcières. Mercredi Addams, la nouvelle série de Tim Burton, incarne avec brio la mythique sorcière qui fait tant couler d’encre. A tel point que la fameuse chorégraphie de la série fut reprise par une jeune patineuse russe Kamila Valieva lors d’une compétition. Elle fit évidemment sensation. Quelle est brièvement l’histoire de Mercredi Addams ? C’est une jeune femme à la beauté sombre, qui se fait expulser de son école pour « tentative d’assassinat » et qui va intégrer une école pour « marginaux ». Ces adultes en devenir ont tous des pouvoirs magiques spécifiques : l’une se transforme en loup-garou, l’autre en poisson, une autre émet des chants de sirènes.
Mercredi Addams, qui a des visions, n’a pas froid aux yeux. Elle s’empare d’un problème maléfique qui mêle sacrifices d’innocents, magie noire et monstre. Cette série est intéressante sur le plan psychologique car elle mêle des inconscients profonds et des croyances solidement ancrées depuis des millénaires. Par ailleurs, cette série est alléchante. Pourquoi ? Car elle donne envie d’en apprendre davantage sur les sorciers et les sorcières. Aussi, voilà pourquoi en complément de cette série il faut lire le livre de Michel Perraudeau : « Deux sorcières en Bas-Poitou ». Grâce à ce livre on comprend mieux le fin mot de l’histoire de Mercredi Addams qui veut que la normalité soit en réalité démoniaque.
La dure réalité des sorcières
Le livre de Michel Perraudeau raconte l’histoire de deux femmes qui ont été accusées, à tort, comme bien d’autres, de sorcellerie dans un monde d’alors très catholique puis ensuite laïc. Du XIème au XVIIème siècles ces croyants étaient obnubilés par la magie noire. Jean Bodin, philosophe et magistrat français, mena une guerre sans merci contre toutes les personnes suspectes de sorcellerie. Il écrivit même un livre sur la démonologie pour expliquer les façons dont il fallait faire souffrir, torturer les personnes afin qu’elles avouent leur soi-disant crime. Une technique imparable était de les soumettre à « la question ». Cette expression en apparence innocente, signifiait en réalité de torturer les personnes. Un mot donc très insidieux. Suite à « la question » des témoignages invraisemblables étaient contés : une femme avouait avoir couché avec Satan, une autre expliquait s’être envolée sur son balai pour aller rejoindre le Sabbat, une autre racontait avoir rencontré le diable sous les apparences d’un chat noir, etc. Lorsque les personnes passaient ensuite en jugement, tout était nié en bloc. Jean Bodin faisait figure de proue en matière de chasse aux sorcières. Il existait différentes techniques de « question ». « Les plus utilisées étaient l’eau, les brodequins, l’extension ou encore l’estrapade ».
L’extension consistait à attacher aux pieds de l’accusé une masse puis on suspendait la victime à une corde. « L’extension est une variante sobre et non létale de l’écartèlement, qui est un supplice destiné à tuer ». « Le supplice de l’eau consistait à mettre une corne ou tout objet ayant forme d’entonnoir dans la bouche de l’accusé et d’y verser plusieurs litres d’eau. (…) L’eau pouvait être très chaude ou très froide, ce qui occasionnait des dégâts de l’appareil digestif ». « Pour la torture des brodequins, chacune des jambes était placée et fortement ligotée entre deux planches de bois. Le bourreau solidarisait l’ensemble, il plaçait des coins de bois entre les planchettes et les enfonçait au marteau. Ainsi, les os des jambes étaient souvent cassés parfois complètement éclatés et la victime demeurait handicapée à vie ». Vient ensuite l’estrapade. Cela consistait à « attacher les mains de la prétendue sorcière dans le dos et de la hisser avec une corde à un ou deux mètres de hauteur ». Le but était de la relâcher soudainement et de recommencer. « La douleur était intense car les épaules occupaient une position complètement inhabituelle ».
Pour Jean Wier, médecin et opposant à la chasse aux sorcières, les sorciers et sorcières avaient un problème mental. Il les considérait comme fous ou folles, nécessitant des soins. Ses écrits furent réfutés dans Démonologie par Jean Bodin qui l’accusa de sorcellerie. De nombreuses personnes furent accusées à tort de sorcellerie et finissèrent au bûcher. Pratique courante à cette époque. Les pires tortures étaient infligées afin de montrer l’exemple et d’effrayer la population qui était alors sous emprise du pouvoir. Les juges et autres dirigeants exerçaient dans ce cadre un pouvoir pervers et jouissif. Tout était prétexte à la dénonciation. Les deux femmes évoquées par Michel Perraudeau ont été graciées par chance et Tim Burton ne montre qu’un aspect de l’histoire des sorcières mais sa série à l’avantage de rendre hommage aux « marginaux » et de faire de la normalité le véritable enfer.