Furcy naît esclave à l’île de La Réunion, alors nommée île Bourbon, le 07 octobre 1786. En 1817, à l’âge de 31 ans, il découvre l’existence d’un acte affranchissant sa mère, Madeleine. Joseph Lory, négociant et propriétaire d’esclaves, lui a menti. Furcy est un « ingénu », soit un homme né libre, qui a été illégalement maintenu en servitude depuis sa naissance. Il exige que Lory lui rende sa liberté mais, face au refus de ce dernier, il se rebelle et s’enfuit. Rattrapé, Furcy est condamné pour marronnage et emprisonné.
Furcy porte l’affaire devant le procureur général de l’île, Louis-Gilbert Boucher, qui le soutient, mû par des convictions républicaines et antiesclavagistes. Néanmoins, les propriétaires d’esclaves redoutent une brèche juridique qui permettrait la libération de 15 000 individus. Dans ce contexte défavorable, les magistrats réunionnais rejettent la requête de Furcy en 1818. Tandis que Gilbert Boucher est muté en Corse, Joseph Lory fait exiler son ancien esclave dans la plantation de sa sœur à l’île Maurice, alors appelée île de France, territoire anglais depuis 1810.
Furcy poursuit son combat et parvient à arracher son affranchissement des autorités anglaises en 1829. En effet, Joseph Lory ayant omis de le déclarer esclave à son arrivée à Port-Louis, il n’a été enregistré ni à la douane ni sur le bateau du transport. Irrégulièrement exilé, Furcy est reconnu libre. Il choisit le prénom de sa mère comme nom de famille et devient Furcy Madeleine. Fort de son nouveau statut, il s’enrichit comme pâtissier et achète deux esclaves en 1832-1834, juste avant l'abolition survenue en 1835 à Maurice.
Toujours considéré comme un esclave marron à La Réunion, Furcy poursuit son combat judiciaire pour voir reconnue son identité d’homme libre dès sa naissance. En 1835, il se rend à Paris pour réclamer la cassation du jugement de 1818. Peu commun, son cas est amplement médiatisé et sa cause défendue par les milieux abolitionnistes. Son avocat, Maître Thureau, s'adresse à la Cour en ces termes lors du procès : « Que si votre arrêt pouvait briser encore d'autres chaînes, j'en serais heureux et fier. Vous-mêmes, Messieurs, vous seriez les premiers à vous en applaudir ; la religion et l'humanité s'en applaudiraient avec nous ».
Après 27 ans de procédure, Furcy Madeleine est enfin reconnu « né en état de liberté et d'intégrité de droits » par la Cour royale de Paris le 23 décembre 1843, près de cinq ans avant l'abolition de l'esclavage dans toutes les colonies françaises le 20 décembre 1848. Fort de cet arrêt, il demande réparation aux héritiers Lory devant les tribunaux de Bourbon et obtient une indemnité par une transaction qui met fin au procès. Furcy ne retournera jamais à La Réunion et meurt le 12 mars 1856 à Maurice.
L’affaire de l’esclave Furcy a été retracée dans une biographie par l’écrivain et journaliste français Mohammed Aïssaoui. Ce dernier s’est appuyé sur des archives relatant le plus long procès jamais intenté par un esclave à son maître. Une centaine de documents (lettres manuscrites, comptes rendus d’audiences, plaidoiries) illustrent cette période clé de l’histoire. Malgré un dossier volumineux, Furcy demeure une figure méconnue. L’auteur indique : « J’ai éprouvé le désir – le désir fort, impérieux – de le retrouver et de le comprendre. De l’imaginer aussi ».
L’ouvrage de Mohammed Aïssaoui, paru en 2010, a reçu de nombreuses récompenses, dont le prix Renaudot de l’essai et le prix RFO du livre. Il fut adapté au théâtre en 2012 par Patrick Le Mauff, avant d’être récemment transposé sur grand écran par le rappeur et réalisateur Abd al Malik. Le film, tourné à La Réunion et en métropole, sortira en salle en 2025.