Vénézuélienne de 38 ans, diplomate, et responsable Afrique de la Commission des Relations Internationales de la Jeunesse du Parti Socialiste Uni du Venezuela, elle nous parle à coeur ouvert...
La perte de son père à l’âge de 10 ans est le premier déclencheur de sa maturité. Marquée à jamais, Yasmin façonne sa personnalité et fait naître sa rage de vivre
Issue d’un des barrios de Caracas, d’une mère infirmière et d'un père comptable public, mort très jeune des suites des négligences d’un système de santé défaillant, Yasmin, n’a pour seule quête que la remise en question de cette fatalité précaire dans un quartier miné par la drogue, la violence et la désolation, se questionnant sans cesse: Pourquoi vivait-elle dans un environnement social aussi précaire? Pourquoi n’y avait-il pas d’eau ni de gaz comme partout ailleurs ? Pourquoi sa mère devait-elle travailler plus pour les faire vivre ? Pourquoi tant de violence ? Pourquoi les filles sont-elles violées ? et pourquoi ne sont-elles pas protégées et prises en charge, dont sa sœur? Pourquoi cette détérioration des valeurs humaines ? Une crise sociale, pas d'eau courante dans les maisons, la violence autour du lycée qu’elle fréquentait, des jeunes plongés dans la drogue, des filles à peine pubères déjà enceintes, pas de soins de santé, ni de couverture sociale pour les démunis et pour la classe ouvrière, un système hospitalier miné par les grèves et incapable de prendre en charge les patients comme son père qui en est mort, alors que la communauté ne demandait que l’espoir, le besoin d’un changement, une transformation.
Ma mère Jafet Belinda Gonzalez, qui a été ma principale inspiration lorsque le monde ne me montrait que de l’adversité.
Autant de raisons qui l’ont mené à s'insurger contre une réalité dont elle ne voulait pas et un système qu’il fallait changer. Nourrie par sa détermination de lutter pour sa famille et sa communauté, elle fut parmi les jeunes qui accompagnèrent les mouvements révolutionnaires pour libérer le Vénézuela, mais avant cela il fallait se former, continuer les études et faire des sacrifices pour y arriver, en suivant un projet éducatif offert aux jeunes de 17-18 ans n’ayant pas pu entrer dans les universités. Elle accompagna son parcours estudiantin avec son engagement politique au sein du Mouvement estudiantin (Movimiento Estudiantil Encuentro Critico), puis membre de la jeunesse du Parti socialiste uni du Venezuela, engagée fortement dans des échanges avec les jeunes du continent africain.
C’est grâce sa mère, bastion de lutte à elle seule, qu’elle a pu se construire et s’inspirer, pour réussir ses études et intégrer une formation d’élites, pour une profession d’élites, et au processus révolutionnaire qu’elle s’est retrouvé à égalité avec les autres pour réussir, et obtenir une maitrise en études latino-américaines et une enquête sur les luttes des femmes africaines puis à force de travail et de volonté qu’elle devient diplomate.
Lorsque mon pays a été traversé de part en part par la révolution, une nouvelle constitution fut votée et une série de droits mis en place. Nous nous sommes enfin rendu compte que nous avions des droits. Chavez disait ce n’est pas une question d’avoir des lois mais de s’approprier ces lois.
Une société socialiste est inconcevable sans la pleine participation des femmes sur un pied d’égalité avec les hommes.
(Argelia Laya)
Laa révolution est avant tout féministe, car les femmes sont le pilier de la révolution.
(Chavez)
Auparavant, le Vénézuela était juste synonyme de femmes à la beauté plastique, grâce à Chavez misant sur l’impact du qualificatif femme, et incluant la notion de genre, comme femme et citoyenne, les femmes ont pu faire revivre les origines de la révolution bolivarienne, ses références, et l’importance de son identité et de son multiculturalisme pour construire l’histoire du pays. Si elles ne sont pas cheffes de famille, elles sont cheffes de leur communauté, cheffes du lieu de travail, cheffes de partis, cheffes de mouvements sociaux, musiciennes, cheffes d’orchestres, elles se sont réappropriées leurs droits et exercent leur rôle, même si elles n’ont pas encore la représentation politique suffisante, elles continuent la lutte.
Yasmin est un mélange d'origine indigène et africaine et la question de l’identité est primordiale pour elle “Nous avons des femmes valeureuses de sang caribéen et africain qui ont joué un rôle prépondérant à travers les siècles comme Teresa Carreño, grande pianiste du XVIIIIème siècle, qui a composé une oeuvre à caractère patriotique “Himno a Bolívar”. D’autres qui ont été des piliers de notre société, comme Lucena Tibisay, rectrice de l'Université nationale expérimentale des arts (UNEARTE), puis présidente du Conseil électoral national et actuelle ministre de l’éducation, Argélia Alaya, femme politique, militante contre le racisme et la lutte pour l'égalité des chances des femmes, Maria Leon, l'une des références vivantes de la lutte féministe vénézuélienne, militante de la solidarité internationale pour les causes justes telles que la cause palestinienne, sahraouie, cubaine, nicaraguayenne, et autres. Reina Arratia, feministe, travailleuse sociale, combattante de l'inclusion sociale et du racisme. Yulimar Rojas une héroïne sportive, qui a battu son propre record mondial au triple saut féminin en 2020 à Tokyo. Zobeyda Jimenez une figure de l’art et du savoir faire culturel ancestral, avec ses poupées de chiffons connues mondialement, “Ciudad Cancion", “villes en chansons”, un projet de musique populaire, pour mettre en valeur les instruments musicaux traditionnels et sortir de l’ombre au niveau national et international, des musiciens enfants, jeunes, et adultes nés talentueux.
C’est un peuple qui, malgré l’embargo économique imposé par les Etats-Unis a réussi à enregistrer une rupture avec le schéma culturel classique passé en créant le plus grand orchestre symphonique du monde, enregistré dans le Livre Guinness des records, avec 8573 musiciens locaux de culture afro-vénézuélienne enfin reconnus pour leur talent, qui ont interprété magistralement la Marche slave de Tchaïkovski, une œuvre longue de 12 minutes.
De l’escalavage à la reconnaissance culturelle
Constitué de 53% d’afro-descendants, nous pouvons avec fierté, reconnaître notre culture afro-vénézuélienne avec huit états sur tout le territoire qui renferment l’histoire et la mémoire de celles et ceux qui se sont battus contre la discrimination raciale, et qui au terme d’une longue lutte ont réussis à conquérir leur liberté, se sont affranchis et obtenu leur citoyenneté, et grâce à leur participation à la révolution, au niveau académique, investigatif et sur le terrain et à la mise en place de divers projets par chavez visant à favoriser leur participation à la vie politique, économique sociale et culturelle de la nation, ils et elles sont désormais reconnus et considérés.
Son parcours professionnel en Afrique: La Place des Femmes en Afrique
Peu importe les difficultés d’incompréhension des langues en Afrique, elle s’est constitué un carnet d’adresse et des relations avec les femmes et les jeunes d'Afrique autour de la lutte contre l’impérialisme, et pour la construction d’un projet authentique de convergences sud sud, générant des opportunités pour les jeunes des deux continents en pleine explosion et productivités culturelles et artistiques.
Son premier poste professionnel a été au Bénin, dans le cadre des échanges avec les femmes qui ont implémenté l’économie participative, sociale et solidaire pour gérer leur communauté, construire leurs maisons, subvenir à leurs besoins et s'affranchir de la répression de la société. Puis au Ghana, avec le fort militantisme des femmes dans le mouvement panafricain confronté au système colonial. En Angola et en Afrique du Sud, où les femmes sont responsables des relations internationales, et le mouvement des femmes africaines très actif. Toujours en évolution constante, elles luttent toutes contre le système colonial sournois de l’exploitation des richesses par les méga projets et sociétés étrangères.
Démanteler le système patriarcal
Une société socialiste est inconcevable sans la pleine participation des femmes sur un pied d’égalité avec les hommes.
(Citant Argelia Laya)
J'existe dans la société et je me reconnais dans mon rôle principal de protagoniste avec mes devoirs et mes droits dans l'exercice de ma profession.
C’est dans un domaine élitiste tel que les études en droit international puis le corps diplomatique, que Yasmin a pu voir l’omniprésence du patriarcat, car même si les femmes y sont très nombreuses, elles ne sont pas proportionnellement égales aux hommes. Si l’ambassadeur est un homme, la femme le seconde toujours. Et le dernier remaniement ministériel, des femmes sont à la tête de plusieurs ministères tels que le ministère des Femmes et de l'Égalité de Genre, la Pêche, les Peuples Indigènes, et la Santé, ainsi que des représentantes à l’Assemblée nationale. Ainsi, malgré les soubresauts du patriarcat, le cerveau maître de la révolution bolivarienne en marche aujourd’hui sont les femmes. Un des projets les plus importants, conduit par des femmes, est le projet d’auto-construction de leurs propres maisons, montées brique par brique depuis la planification, l’aménagement, des fondations à la structuration, à l’architecture.
Quoi de mieux pour démonter le système patriarcal, que de dire au monde entier que les femmes, organisées dans un projet inclusif, ambitieux, peuvent s’entraider et construire des logements sociaux de leurs propres mains. Un projet que le Vénézuela offre au monde.
Ses liens avec la Tunisie
Avant de venir ici, j’ai pris connaissance de la situation des femmes en Tunisie, des avancées réalisées, des luttes entreprises, des échecs, des réussites et des défis auxquelles elles sont confrontées à ce jour. Avoir voté le droit à l’avortement en 1973, avant la France en 1975, est une avancée remarquable pour la Tunisie, lorsque chez nous, l’avortement est encore en cours de discussion à l’assemblée nationale.
Malgré le foisonnement militant des femmes tunisiennes j’ai remarqué que la méthode de lutte ne visualise pas certaines femmes qui méritent d’être reconnues, comme Hend dont les méthodes et expertises pourraient inspirer d’autres femmes. Il est nécessaire d’écouter de nouvelles voix, pour faire valoir les nouvelles méthodes qui mettent en scène une nouvelle vision et de nouvelles façons de lutter. Les femmes sont entrain de s’activer, de penser, de lutter, il faut les rendre visibles partout, à Mansoura , à Guebili, d’urgentes mesures et actions sont nécessaires pour démonter les systèmes d’oppression tel que le patriarcat associé au capitalisme, et mettre en lumière les différentes formes d’expressions culturelles et artistiques qui existent pour les diffuser à travers les régions à l'intérieur du pays.
Nous avons appris que pour changer une société, il faut beaucoup d’amour, aimer qui nous sommes, aimer la patrie, pour atteindre nos objectifs dans la construction d’une société qui inclut les jeunes et les différentes couches de la société, dans le partage et l’échange.
La diplomatie, imprégnée du culturel, pousse la diplomatie des peuples comme semence pour ouvrir la voie à la construction d'autres types de relations où l’art, la culture et la créativité sont maîtres.
Comme dans la récente mise en scène par Yasmin d’une série de spectacles, dans la capitale et dans le sud tunisien, entre le Groupe Herencia, constitué de deux artistes professeurs de l’Université nationale expérimentale des arts (UNEARTE), Manuel Moreno et Monica Mancera à travers leur nouveau projet “Mujer Tambor” et les professeurs et les élèves de l’Institut Supérieur de Musique de Tunis, dans des master class de percussions de Jam session et stambali musique traditionnelle afro-tunisienne, Banga et percussions afro-vénézuéliennes et des ateliers de musiques traditionnelles sous la direction de Zouheir Gouja et son talent immense à marier les cultures, les percussions et les musiques. Puis dans le sud de la Tunisie avec les troupes de chant et de danse du sud tunisien. Des échanges riches et forts, des liens tissés entre la Tunisie, son histoire, sa culture, son art et sa position dans le continent Africain et l'incroyable charme artistique du peuple de la République Bolivarienne du Venezuela avec tout ce que son poids historique peut réveiller dans les coeurs et les esprits amoureux de ce pays...au-delà des revenus pétroliers que lui convoitent les uns et les autres.
Et, malgré les attaques et le blocus, nous avons la capacité de réinventer nos luttes, de relever des défis et de continuer à nous réinventer et trouver des issues pour contrer les difficultés qui nous sont imposées, de les contourner et de les surmonter sans arrêt.