Retarder l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord ? Une faute politique de l’Union Européenne. Voici pourquoi.
Lorsque le pouvoir triche, l’extreme droite progresse
A la différence de l’Italie, la Belgique ne diffuse pas systématiquement et publiquement ses statistiques concernant les taux de criminalité de sa population étrangère présente dans le pays.
Contrairement à la France, la distinction entre population d’origine étrangère et population de nationalité étrangère, bien que disponible sur « Statistics Belgium » n’est pas systématiquement diffusée et commentée. Cette technique occulte l’information concernant d’une part le pourcentage dans la population de « nouveaux citoyens belges d’origine étrangère » notamment suite aux procédures de naturalisation et aux vagues de régularisations accordées ces vingt dernières années par dizaine de milliers1, et de l’autre, le pourcentage d’immigrés légaux durablement présents dans le pays.
Selon un rapport du Centre MYRIA2 publié en 2016, parmi les citoyens de l’UE-28 devenus belges, huit immigrés sur dix proviennent de sept pays dont la Roumanie (12% du total des immigrations étrangères), la France (11%), les Pays-Bas (8%), la Pologne (6%), l’Italie (5%), l’Espagne (5%) et la Bulgarie (4%). Pour la première fois dans l’histoire de l’immigration étrangère en Belgique, les Roumains arrivent en tête de classement, devant les Français. Par ailleurs, parmi les étrangers devenus belges, 69% sont originaires d’un pays extérieur à l’UE28, notamment le Maroc (24%) et la Turquie (13%). Avec une moyenne annuelle d’environ 30.000 à 40.000 personnes obtenant la nationalité belge depuis plus de 20 ans, ceci porte le nombre de « citoyens belges d’origine étrangère » à près de 10% de la population, auxquels s’ajoutent ceux de nationalité étrangère, réguliers et irréguliers, présents dans le pays, outre les belges par naissance de parents étrangers. On compterait entre 120.000 et 140.000 entrées dans le pays chaque année depuis près de trente ans, tandis que, depuis 2010, la population belge croît au taux de 0,66% par an.
Ces chiffres expliquent mieux la résistance sociale qui s’est progressivement organisée ces dix dernières années dans le pays contre une immigration nette qui, à la lumière des chiffres récoltés dans le Rapport MYRIA 2016, doit à présent dépasser les 30%.
Ces chiffres, toutefois, ne sont pas publiés. Lorsque les autorités n’objectivent pas les faits, non seulement elles ne peuvent dégager les ressources et les moyens humains pour répondre aux problèmes qu’ils posent, mais elles laissent libre-champ à ceux qui manipulent la peur pour récolter des voix.
Cette situation a pour conséquence un parti d’extrême droite parmi les plus puissants d’Europe, qui en arrive à défier l’Etat central comme il le fit en se rangeant de manière de plus ou moins ouverte aux cotés de la Catalogne sécessionniste. Depuis des mois3, et pour la seconde fois, la Belgique est devenue incapable de former un gouvernement.
L’immigration illégale n’est pas le résultat de l’élargissement de l’Union Européenne, mais de l’absence de volonté de certains Etats Membres de contrôler les réseaux criminels qui la parcourent.
2004 : Malte à peine devenue membre de l’Union Européenne, il n’a fallu que quelques semaines pour que les organisations criminelles prennent l’aéroport de La Valette comme tremplin pour débarquer des centaines de clandestins chinois en Europe, notamment sur les côtes de Sicile.
Jusqu’à l’élargissement à la Bulgarie et à la Roumanie, ce n’étaient pas les ressortissants légaux qui posaient problème pour les économies des Etats Membres de l’UE. C’étaient les immigrés clandestins attirés par les passeurs des réseaux de traite des êtres humains, organisés pour agir sur le territoire de toute l’Union Européenne. Cette « main d’œuvre » représente de fait une concurrence déloyale sur le marché du travail dans l’Union Européenne. Simultanément, l’illégalité dans laquelle les « êtres humains ainsi enchainés » vivent présente des risques importants de faire basculer ces derniers, de gré sinon de force, dans des formes diverses de criminalité4.
C’est ainsi que les « nouveaux » citoyens de l’Union Européenne qui étaient entrés alors qu’ils n’étaient pas encore partie à l’Espace Schengen se sont vus assimiler au problème de l’ « immigration », comme l’a clairement démontré le débat pré-referendum sur la BREXIT (2016), et les négociations avec l’Union Européenne à sa suite, aujourd’hui dans un état chaotique inimaginable5.
En Italie6, depuis 2007, le nombre de ressortissants roumains avait explosé pour atteindre, légaux et illégaux confondus7, près d’un million d’individus à la recherche d’un emploi légal, parasitaire (mendicité) ou illégal. En été 20078, représentant 12% de la population étrangère, ils se trouvaient aussi en tête pour plusieurs types d’infractions commises par des étrangers : les vols de voitures (29,8%), les vols (37%) et les vols dans les maisons (19,8%) et les magasins (26,9%) ainsi que les escroqueries (15%), les homicides (15,4%) et les viols (16,2%). En 2017, ils représentent 23% de la population étrangère enregistrée en Italie et plus de 13% des étrangers incarcérés.
En 2015 en Belgique, 45% des personnes incarcérées est d’origine étrangère. Selon le Rapport annuel de l’administration pénitentiaire belge (2012), depuis 2008, les Marocains arrivent en tête du nombre de détenus de nationalité étrangère. En 2015, ils sont suivis par les Algériens (5,4%), les Roumains (2,7%), les Français (2%), les Néerlandais (2%), les Italiens (1,7%), les Turcs (1,6%) et les Congolais de la République Démocratique du Congo (1%).
Depuis le début des années quatre-vingt-dix, les trafics de documents via les postes diplomatiques belges au Maroc défrayent les chroniques de presse de manière récurrente. Sur l’ensemble de l’année 2011, les ressortissants marocains représentent 10,7% de l’ensemble des détenus (2012), soit une moyenne de 1.175 détenus.
L’Image Policière Nationale de Sécurité 2011 observe que les organisations criminelles bulgares en Belgique sont depuis 2001 particulièrement actives dans le secteur de la traite des êtres humains, organisées en réseaux qualifiés de particulièrement « fermés » par la police fédérale belge. Elles y ont pris la place de la mafia albanaise depuis que cette dernière s’est « reconvertie » dans les trafics d’armes et de drogue.
De fait, les organisations criminelles bulgares (comme bien d’autres d’ailleurs) ont eu tout loisir de s’implanter dans un pays où, pendant les années’90, il était « interdit » à un tribunal de remonter leurs filières criminelles, vu le « risque » de se retrouver en présence de trafics de documents au bénéfice de tous réseaux criminels qu’il « fallait à tout prix » occulter.
En 2009, la ville de Sliven9 servait donc toujours de point de départ pour la gestion de la traite des êtres humains à destination de la prostitution non seulement à Bruxelles10 mais aux Pays Bas, en France et en Allemagne.
Comme déjà évoqué précédemment à propos du secteur des transports (2017), le problème fut assez similaire concernant les polonais, les mêmes filières clandestines s’étant activées dans les années’90 pour introduire clandestinement dans le pays des travailleurs destinés à l’exploitation économique.
Quelqu’un s’est-il jamais demandé comment M.D., condamné en juin 2004 dans un contexte de réseaux de pédophilie, faisait entrer, au milieu des années’90, ses victimes slovaques en Belgique ? Et quels étaient ses contacts institutionnels, ainsi que ceux de M.N. (condamné pour association de malfaiteurs dans le même contexte) pour programmer un réseau de prostitution en provenance des pays d’Europe de l’Est comme ils en avaient l’intention selon plusieurs procès-verbaux. Deux diplomates qui auraient pu en dire davantage sont morts (prématurément ?) l’un à la fin de l’été 1997 au plus chaud de ces enquêtes, et l’autre quelques mois plus tard …
C’est donc une faute politique de retarder l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, comme à nouveau décidé au Conseil Européen de ce 18 octobre 2019. Ce n’est pas l’adhésion de ces futurs nouveaux Membres de l’UE qui pose problème. C’est l’incapacité de l’Union Européenne de prendre le contrôle des puissantes organisations criminelles qui les traversent. Des organisations qui ne sont pas actionnées au départ de ces Etats mais sont intégrées dans un « système criminel » qui étouffe les Etats Membres de l’Union Européenne … avec l’appui et la protection de personnalités notamment politiques mais aussi économiques d'Etats d’Europe de l’Ouest.
Les gouvernements de ces jeunes candidats à l’adhésion se voient ainsi refermer les portes devant eux, alors qu’ils ont démontré une confiance inébranlable et ont eu le courage d’affronter des vents contraires, tant politiques que criminels, depuis des années pour rallier le paquebot Europe, même lorsque ce dernier semble à présent prendre eau de toutes parts.
Tant que le contrôle sur ces organisations criminelles ne sera pas récupéré, nos démocraties resteront en danger. Et il ne faudra plus beaucoup de temps pour qu’elles tombent aux mains de l’extrême droite « anti-immigration » … Les prochaines élections européennes leur serviront de porte d’entrée. Cette mouvance « politique » s’en occupe, en continuant à déverser des clandestins dans l’Espace Schengen.
1 Ainsi, le rapport Caritas Italie Immigrazione, dossier statistico 2007 déclare (p. 27) que les Etats dont le pourcentage de population étrangère était le plus élevé (parmi lesquels la Belgique, les Pays Bas et le Danemark) ont accru moins que les autres ce pourcentage (respectivement 0,4, 1,2 et 0,1% tandis que l’Allemagne enregistre une diminution de 0,6%) durant les cinq dernières années (2001-2005). Il précise toutefois ensuite que ces chiffres ne comprennent plus les centaines de milliers d’immigrés qui ont été naturalisés durant ces années (UK 161.800, France 150.000, Allemagne 117.000), occultant en réalité aux citoyens le taux réel de population d’origine étrangère présent dans le pays. En Suède, par exemple, 5,3% de la population est « étrangère », mais 12% sont nés hors du pays.
2 MYRIA, La Migration en chiffres et en droits, 2016 « Migrations en Belgique, Données statistiques », passim, Bruxelles, 2016.
3 Avec des élections fédérales tenues en Belgique en même temps que les Européennes, le 26/5/19, le pays est dès lors depuis cinq mois déjà sans gouvernement.
4 En 2005, en ITALIE, 60% des vols étaient commis par des étrangers, phénomène qui a fortement augmenté dans les villes suite à l’arrivée des clandestins (source : « Furti, un reato d’importazione, ‘in manette quasi sempre stranieri’, La Repubblica, 18/5/05).
5Ce 20 octobre 2019, Boris Johnson, le Premier Ministre du Royaume Uni, un Etat qui a toujours été dur négociateur mais cohérent et loyal au sein de l’UE, a simultanément envoyé une lettre NON signée à l’Union Européenne déclarant vouloir prolonger la période de négociation au-delà du 31 octobre 2019 et une autre lettre signée déclarant vouloir les clôturer ce 31 octobre 2019, de fait dès lors par une sortie de l’Union Européenne sans accord. … Ce que pensent, diront et feront les secteurs économiques des deux côtés de la Manche concernant cette situation, on n’ose l’imaginer.
6 En France en 2014, 11,6% des habitants étaient d’origine étrangère et 6,4 % des habitants avaient la nationalité étrangère.
7 153.950 roumains ont été identifiés entre 1999 et 2006 en Italie ; selon Caritas, ils étaient toutefois 271.000 fin 2005 et, en 2007, leur nombre avait doublé.
8Source “L’invasione dei romeni”, L’Espresso, 26/7/07.
9 Divers dossier du parquet fédéral belge, dont les affaires « MANDEV » et « DIMOV »
10Voir aussi CLESSE Charles Eric, La Traite des êtres humains, ed Larcier 2013 (Chapitre III, note 24) “70% of Prostitutes in Belgium Come from Bulgaria”, Novinite, 7/4/2009
& “Ze zijn nog altijd zo lief meneer”, Canvas, 2009.