Laurent Brayard a été journaliste à la Voix de la Russie. Historien et « journaliste par hasard » comme il le dit lui-même. Son portrait est à découvrir ici dans un entretien. Intéressé par la condition humaine, ses textes sont proches de nos vies. Il nous offres une nouvelle vision de la guerre, des enjeux et des intérêts en Ukraine.
Pourquoi l'Ukraine est le royaume de la désinformation ?
A la base il y a vingt ans, je militais dans les milieux libertaires dans la sphère de la CNT. Par la suite, au sein d’une association de jeux d’histoire, j’ai eu la chance autour d’une passion commune d’être en relation avec des adhérents de différents partis, il y avait le président des jeunesses RPR de Bourgogne, des socialistes militants, des apolitiques et même des frontistes et même des monarchistes. J’ai appris à leur contact à écouter et à respecter les opinions et ce fut une chance. J’ai toujours regretté de voir la société française parsemées de fossés entre les citoyens français et cette expérience m’a beaucoup marqué. Je n’ai jamais fermé la porte au dialogue, cultivant les rapports humains. Plus tard, j’ai écrit pour Palestine Solidarité en ayant des contacts avec Dreuz Infos. J’ai pris des positions fortes contre l’extrême droite, l’extrême gauche (dont je venais), comprenant l’intolérance générée par ceux qui m’entouraient au départ. J’ai un fond d’origine juive, j’ai toujours gardé à cœur la lutte contre le négationnisme et le racisme, cause qui m’importe beaucoup. J’ai pris des positions fortes par exemple contre Dieudonné et regarde la mouvance Soral d’un mauvais œil, même si (rires) mes articles ont été régulièrement « volés » et publiés sans mon autorisation chez Egalité et Réconciliation ou encore par la radio d’Etat iranienne Irib (et par tant d’autres !). Dans les méandres des médias et de la toile, des gens malintentionnés m’étiquettent régulièrement comme « facho », ce qui me fait rire vu mes origines, mes neveux sont aussi métis et j’ai toujours eu des amis de toutes les origines ethniques. J’ai finalement trouvé ma place à l’UPR de François Asselineau, avec qui par ailleurs je ne suis pas toujours d’accord. J’aime beaucoup des penseurs comme Etienne Chouard ou encore Pierre Hillard. Alors pour le livre sur l’Ukraine, étant russophone, ayant été en Russie (où je vis) et en Ukraine (ainsi qu’en Moldavie), je me suis dit que je devais écrire ce livre pour réinformer et pour combattre le régime du fascisme minimum de Porochenko. Un retour au combat originel contre les bruns.
Que vont apprendre les lecteurs ?
C’est un livre d’histoire, je présente le cheminement historique de l’Ukraine, de la Russie et même en fait de la Pologne et plus largement de l’Europe de l’Est en partant du Xe siècle jusqu’à nos jours. Un citoyen lambda qui ne connaît pas l’histoire de la région ne peut comprendre la situation présente et se trouve désinformé par les propagandes des deux camps. Il est alors sans les connaissances nécessaires une victime malléable à toutes les manipulations et les faux combats et diverses arguties avancés dans nos médias de masse.
Nous sommes vraiment si désinformés ?
Tellement que comme je l’ai écrit dans un article sur l’engagement du Parti socialiste (cf l’ineffable Quentin Guillemain) ou sur celui d’Hervé Maurey de l’UDI, des gens au parcours nous dirons politiquement respectable se fourvoient avec l’Ukraine brune de Porochenko et de ses soutiens des partis néonazis du Pravy Sektor et de Svoboda. Un comble ! Cette désinformation touche l’Ukraine particulièrement au vu des enjeux internationaux et me touche aussi. Dernièrement on me prêtait le poste de « chef de Sputnik », ou encore « de créateur de TV liberté », je n’ai été ni l’un ni l’autre (je ne connaissais même pas le deuxième média !), c’est aujourd’hui hélas à mon modeste niveau jusqu’au sommet le quotidien de la situation en Ukraine, le commun de chacun. Une désinformation massive règne dans notre pays, en Europe et dans le Monde générée artificiellement sur le mode du « téléphone arabe » ou intentionnellement à des fins plus ou moins pendables.
Votre avis sur la politique française vis à vis de l'Ukraine ?
Totalement irresponsable, contraire à nos intérêts et supportant même une frange ukrainienne nationaliste néonazie extrêmement dangereuse. Elle promeut également une russophobie ambiante et une haine de l’autre condamnable ainsi que la banalisation des idéaux bandéristes en Europe en les vulgarisant et en brouillant les pistes. Nous avions vu cela durant la collaboration en France durant l’occupation allemande, avec des pacifistes comme Robert Jospin, des radicaux socialistes comme Pierre Laval et René Bousquet et d’autres comme Déat ou Doriot, tous hommes de gauche finir par faire allégeance à l’Ordre Noir. C’est d’ailleurs le titre du dictionnaire que j’écris en ce moment et qui aura pour thème l’Ordre Noir fasciste et nazi du IIIe Reich à celui du IVe Reich, notre Union européenne présentée comme un paradis démocratique. En réalité les voyants sont tous au rouge, en Europe et en France, et l’Ukraine démontre que sa complexité incomprise chez nous peut avoir des conséquences sur notre société et notre pays.
Comment vois-tu l'avenir de l'Ukraine ?
Un avenir radieux à partir du moment où l’Ukraine brune aura été mise en minorité mais je ne rêve pas. Plutôt un avenir séparé, trop de sang déjà, rappelons le russophone crucifié et brûlé vif, il y a quelques jours par le bataillon Azov dans le Donbass, sans compter les milliers de civils et de soldats morts. Dans la culture slave, la mémoire n’est pas un vain mot, rien ne sera oublié et je ne vois pas comment faire cohabiter le gaz et le feu dans un même creuset. Tout passera par de vraies négociations, avec les russophones de l’Est de l’Ukraine et sans pression internationale étrangère d’Outre Atlantique ou d’au-delà du Niémen.
Pourquoi la population française devrait avoir un autre regard sur ses médias et sur la Russie ?
Sur les médias car notre société meurt et souffre de leur emprise néfaste, l’histoire dira comment le Peuple, peut-être à la manière de 1789 mettra « cul par-dessus tête » à ce système. Mais le Peuple français dort et il est sévèrement manipulé. Sur la Russie parce que ce pays est notre allié naturel et un formidable partenaire qu’il faudrait se garder de mépriser.
Qu'est-ce qui te révolte le plus sur la guerre en Ukraine ?
Le réveil de la bête immonde, la barbarie, les enfants massacrés, les femmes violées, les répressions, les assassinats politiques, les paramilitaires qui font la loi, les oligarques de l’Est comme de l’Ouest gavés, la honte du support que nous apportons à la Révolution brune du Maïdan. Car l’orange a viré au brun et je le dis avec force et toute ma conviction, c’est d’ailleurs très bien expliqué dans mon livre. C’est une modeste contribution, peut-être sera-t-elle ignorée, mais je ne cherche pas la gloire, ni les richesses, seulement à servir une cause, une grande et belle cause. Les gens du Donbass, les Ukrainiens en général de tout le pays en valent la peine, c’est un tournant historique pour l’Europe.