Marcel Pagnol est mort.

Il y a cinquante ans déjà ?

Laissons un peu mesurer les autres. Car l’esprit marseillais est bien vivant.

Aujourd’hui, pour réussir et vivre de ses œuvres, le petit Marcel ne serait plus forcé de s’exiler à Paris.

Bientôt, tous les auteurs, non seulement ceux de la cité phocéenne mais aussi les grands noms de la littérature française et étrangère, ne sauront plus où donner de la tête sur la Cannebière, tant l’offre éditoriale est importante et de qualité. La Blanche, la Noire, l’Histoire, la BD… et bientôt, le nouveau temple de la SF ?

C’est Marseille, bébé.

L’on y dénombre plus de soixante maisons d’édition, indépendantes et florissantes. Au-delà des revues et publications de photos ou d’architecture, au-delà des structures historiques comme Parenthèses fondée en 1978, Le Mot et le reste, ces ouvrages musicaux -Rock et Pop- édités par Yves Jolivet depuis 1995, ou Le Bec en l’air lancé en 2001, de nombreux éditeurs sont venus s’installer là où le Pitalugue du lyonnais Monsieur Brun, tourne encore et toujours, autour du fériboâte d’Escartefigue.

Qu’il s’agisse du nouvel attrait des parisiens, ces blancs-becs qui voient tout en grand pour la Blanche, et qui font beaucoup de bruit. Puisque Marseille est, pour Marie-Pierre Gracedieu, une ancienne des éditions Stock et Gallimard, Adrien Servières, son compagnon, et Sergey Belikov, la « ville portuaire bouillonnante par laquelle on arrive » et « d’où l’on part ». Pour eux comme pour nous, elle est semblable à New York : un monde à elle seule. Où la statue de la Liberté est déboulonnée par la Bonne Mère.

Les éditions Le bruit du monde, nées en 2021, d’un pied de nez au covid, et de l’énergie que le bruit et le monde ne pouvaient plus contenir, symbolisent la belle écriture de notre temps. En trois parenthèses. Trois fenêtres ouvertes sur notre monde qui bouge.

Que l’on préfère les piliers noirs et cent pour sang marseillais, comme L’Écailler du Sud, lancé en 2000 et qui renaît de ses cendres cette année, en se nommant plus sobrement L’Écailler, sous la lancée complice de trois mousquetaires :

François Thomazeau, l’un des pionniers, avec Jean-Claude Izzo et Philippe Carrese, du “polar marseillais”; Patrick Coulomb, auteur de polars et de SF, éditeur, photographe et ancien journaliste à La Provence; et Bruno Richard, auteur de nouvelles avec un sens inné du raccourci, et correcteur infaillible.

Ou encore des très sérieuses Éditions Gaussen, fondées en 2008 par un certain David du même nom, auteur pour des collections encyclopédiques, ancien maquettiste pour différents éditeurs, et fondateur dans les années 1990, des Éditions de Cardinal. La ligne éditoriale demeure ancrée dans l’histoire et la littérature, autour de Marseille et de la région provençale.

Et si vous ne jurez que par la BD, pensez aux éditions Clair de Lune, fondées en 1999 et dirigées par Pierre Léoni. Elles ont publié plus de 900 albums de bande dessinée.

Mais la grande Nouvelle, celle venue d’ailleurs(s), est née d’un chat. Et pas n’importe lequel. Un chat qui n’avait plus sa place sur Melmac, la planète fictive de la série télévisée Alf, découverte il y a vingt-trois mille ans : Welcome to Melmac, the best place to eat a cat.

Pas étonnant qu’elle soit devenue le refuge de nombreux récits de science-fiction. De la Nouvelle au Roman SF. Depuis 2016, l’on peut donc lire dans la collection ailleurs(s) de The Melmac cat : L’illusion du belvédère (un homme, une île, un chat. Qui dérape ?); La porte des dragons (livres un et deux. Si vous préférez à la cousine chinoise ses dragons, laissez-vous envahir…); Julia, une île (se battre pour un véritable caillou dans une chaussure nommée « terre »); L’éveil du Philalèthe (un pavé dans la mare de la SF); 1m976 (un pop roman descendu tout droit du Bronx); Coureurs de nuages (c’est dans le film ou c’est ailleurs(s) ?); Ibomiran (vingt nouvelles qui font voyager dans les temps et les espaces.); Blast (avec ce titre, j’entends d’ici chanter IAM : «Oh cousine, tu danses ou je t’esplose ?»).

Neuf perles avant-gardistes. Qui ont puisé leur source non loin du Garlaban.