Tout l’ensemble des bâtiments de la « Pilotta » marque puissamment l’espace du centre ville. Près du cœur religieux (place de la Cathédrale) et du cœur municipal et commercial (place Garibaldi), ce Palais représente le troisième pôle du pouvoir local, c'est-à-dire celui des Ducs de Parme, à partir de la deuxième moitié du XVI siècle. Le Pape Paul III Farnèse, grand mécène et passionné d’art, mais surtout grand politicien, voulut pour sa famille et ses descendants un duché indépendant et loin des jeux de pouvoir de Rome et pensa aux territoires de Parme et Plaisance.
Dans chacune de ces deux villes, ses neveux firent construire un Palais grandiose et imposant par rapport aux dimensions de la ville et des autres bâtiments de l’époque. A Parme, on choisit donc cet endroit, à la limite du centre ville et qui relie ce dernier au Parc Ducal au-delà du fleuve, et pour ériger la Pilotta on abattit un entier quartier médiéval, puisqu’on avait besoin d’une superficie énorme. Les Farnèse, famille aux origines militaires, voulurent un palais non pour y habiter mais pour réunir tous les services de la cour et des soldats : le duc Ottavio confia très probablement le projet à Pietro Francesco Tagliapietra, dit le Paciotto, architecte civil et militaire qui avait déjà travaillé pour la famille à Caprarola, Plaisance, Anvers, aux Flandres et qui avait travaillé aussi pour Philippe II d’Espagne pour le monastère de Saint Laurent de l’Escorial.
Le premier corps, bâti entre 1580 et 1583, fut un « Corridore » (grand couloir ou galerie), qui joignait l’ancienne « Rocchetta » des Visconti (près du fleuve) au Palais Ducal (vers l’actuelle rue Garibaldi et qui n’existe plus). Ensuite, pendant la deuxième phase des travaux, au début du XVII siècle, avec Ranuccio I, on ajouta la plupart des édifices : de magnifiques écuries avec le « Guazzatoio », cour à une fontaine centrale, appelé en origine cour « de la pelota », une sorte d’ancêtre du tennis joué ici par les soldats espagnols, d’où le nom « Pilotta » ; puis encore les casernes, deux autres cours (celles de San Pietro et de la Racchetta), la remise aux carrosses, le vestiaire, les logements des écuyers etc. Un ensemble jamais vraiment terminé, qui a gardé surtout à l’extérieur un aspect sobre mais un peu rude et essentiel comme l’est l’architecture militaire, à partir de la couleur de sa pierre, d’un marron clair qui tend au gris, changeant selon la lumière jusqu’à un gris très foncé.
Cet édifice a des traits qui rappellent Saint Laurent à El Escorial, près de Madrid, comme par exemple l’assemblage des corps autour des cours carrées, les grandes voûtes et les porches qui relient les galeries et les cours, les arcs et les fenêtres aveugles, mais surtout le grand escalier : modelé sur la « escalera a la imperial » du monastère espagnol, premier exemple en Italie d’escalier à trois rampes, couvert d’une coupole octogonale, il donne accès au Théâtre Farnèse et aujourd’hui aussi à la « Biblioteca Palatina » et à la Galerie Nationale. Son exécution a été presque sûrement confiée à Simone Moschino, architecte et sculpteur de formation toscane et latiale, qui avait travaillé aux sculptures du « Jardin de Bomarzo » pour la famille Orsini, mais on se demande si le goût d’expérimentation et d’innovation de cet artiste n’a pas eu par hasard inspiration de vieux projets pour la Pilotta du Paciotto, qui avait collaboré à la réalisation des premiers dessins du Monastère de El Escorial…
A l’intérieur, on retrouve donc l’aspect monumental et essentiel du Palais, mais on peut aussi y découvrir des espaces au goût beaucoup plus fin, qui ont pourtant toujours gardé la fonction initiale du projet, c’est-à-dire des services pour la cour sans jamais en être la résidence: alors le superbe Théâtre en bois (en origine grand salon d’armes) inauguré en 1628 pour les noces de Odoardo Farnèse et Marguerite de Médicis, ou bien les galeries où les Farnèse avaient situé leurs trésors (les collections d’anciennes monnaies, les statues romaines, le cabinet des globes etc., trésors qui malheureusement furent transportés à Naples par les Bourbons à la fin de la dynastie précédente), galeries réaménagées au XVIII siècle par Don Ferdinando de Bourbon, qui voulut la Bibliothèque Ducale et l’Académie de Peinture, Sculpture et Architecture. D’autres espaces très élégants sont ceux réalisés au XIX siècle par la Duchesse Marie Louise d’Habsbourg : ses travaux changèrent encore l’intérieur du Palais, où trouvèrent place les musées, le nouveau Archive d’Etat, une Bibliothèque et une Académie de Beaux Arts agrandies et embellies. L’extérieur ne fut presque jamais touché par les différentes rénovations et en effet, aujourd’hui, le Palais a encore l’aspect d’œuvre inachevée, d’autant plus que pendant la Deuxième Guerre Mondiale des bombardements alliés l’ont sérieusement endommagé dans plusieurs endroits, dont seulement quelques uns ont été restaurés, comme le Théâtre Farnèse.
La Pilotta, comme on l’appelle familièrement ici, même si son aspect n’est pas harmonieux ou proprement beau au sens traditionnel, reste certainement une des institutions culturelles de la ville, pas seulement pour les expositions temporaires qui y sont aménagées (les plus récentes sur le Corrège ou sur le Parmigianino) ou pour les évènements accueillis par le Théâtre, mais aussi parce qu’on peut visiter et admirer les collections de la Galerie Nationale et du Musée Archéologique (qui abrite une exceptionnelle série de pièces de l’art égyptien) et parce que la « Biblioteca Palatina » est un des lieux préférés par les étudiants de l’Université qui, malgré internet et les infos numériques, aiment se rendre dans le calme de ces salles, magnifiquement décorées, pour étudier, rechercher et pour consulter les documents précieux qui y sont conservés… Cœur de la culture locale depuis des siècles, cachée parfois derrière les pierres sobres et dépouillées de l’extérieur, ce Palais s’ouvre aujourd’hui démocratiquement à tous ceux qui y veulent accéder, comme l’été, quand, dans la cour centrale, un grand parterre en plein air est monté pour les spectacles et les concerts, qui donnent nouvelle vie à cet ancien centre du pouvoir des Ducs d’antan…