L'intelligence artificielle (IA) a révolutionné de nombreux domaines, y compris l'art. Des artistes, des chercheurs et des entreprises du monde entier explorent les possibilités offertes par l'IA pour créer des œuvres artistiques uniques. L'intelligence artificielle (IA) apporte de nombreux avantages significatifs à l'art et à la créativité. Cette nouvelle forme d'expression défie sans conteste les conventions artistiques établies, ouvrant ainsi de nouveaux horizons créatifs.
Voici quelques-unes des contributions clés de l'IA dans le domaine de l'art :
Exploration de nouvelles formes d'expression artistique : l’IA offre la possibilité d’explorer de nouveaux domaines en un temps record pour générer rapidement des œuvres musicales, visuelles et littéraires et créer des ponts inédits entre les différents médias.
Collaboration entre l'homme et la machine : Utilisé à bon escient, L’IA est un excellent outil pour stimuler la créativité. En exploitant ses capacités, on peut générer des concepts ou des éléments visuels qui pourraient difficilement être accessibles autrement.
Exploration de l'interaction entre l'homme et la technologie : nos actions sur les outils D’IA ouvrent de nouvelles voies de compréhension des relations que nous entretenons avec les machines et leurs impacts sur nos vies et nos capacités.
Création de contenu personnalisé : les algorithmes d’apprentissage automatique peuvent recommander des œuvres d’arts en fonction des goûts et intérêts spécifiques de tout un chacun.
Démocratisation de l’art : Les plateformes d'IA, prenant de l’ampleur chaque jour, permettent aux personnes sans formation artistique de créer des œuvres de haute qualité, sensibilisant ainsi de nouveaux publics à la création artistique.
Exploration de vastes ensembles de données artistiques : L'IA est capable d'analyser et de comprendre de vastes ensembles de données artistiques. En examinant des milliers d'œuvres d'art, l'IA peut identifier des tendances, des motifs et des styles, offrant ainsi de nouvelles perspectives aux artistes et aux chercheurs.
L’IA est donc loin de présenter que des points négatifs comme pourraient le prétendre une partie de la communauté artistique, extrêmement réfractaire à son usage.
Néanmoins, nous nous rendons très vite compte avec le dernier point que je viens de mentionner plus haut - à savoir que l’IA se base sur des données artistiques réelles pour créer ses œuvres - que les tendances alarmistes sont loin d’être infondées. En effet, cette capacité de l’IA à étudier les œuvres d’arts humaines est à la base même du fonctionnement des outils de générations d’images et constituent également la source de la grande majorité des questionnements que soulèvent cette technologie.
Alors que l'IA devient de plus en plus capable de produire des œuvres qui rivalisent avec celles des artistes humains, il est crucial d'examiner de près les implications juridiques et éthiques de cette évolution.
Traditionnellement, les lois sur les droits d'auteur protègent les œuvres créées par des auteurs humains, mais lorsqu'une œuvre est générée par une IA, il devient difficile de déterminer qui devrait détenir les droits sur cette œuvre. Actuellement, la plupart des systèmes juridiques considèrent que seules les créations humaines peuvent être protégées par des droits d'auteur, ce qui signifie que les œuvres produites par des algorithmes ne bénéficient pas de ces protections.
Cette situation pose des défis majeurs, surtout lorsque les œuvres d'IA sont utilisées à des fins commerciales. Si une entreprise utilise une œuvre d'IA pour des campagnes publicitaires, des produits dérivés ou d'autres types de commercialisation, il est difficile de déterminer qui devrait percevoir les redevances et comment les droits d'auteur devraient être attribués. Mais cela est malheureusement un moindre problème comparé à ce qui suit.
Considérons que les outils d’IA fonctionnent en collectant des données qui peuvent inclure des informations, des créations ou des inventions protégés par des droits de propriété intellectuelle. Se pose alors la question de savoir si la collecte des données et leur intégration dans les outils d’IA constituent des actes de contrefaçon. Plusieurs contentieux sont d’ailleurs en cours sur ce point dans le monde, notamment une action qui oppose la banque d’images Getty Images à Stability AI.
Les plateformes de génération d’images et de sons les plus utilisées peuvent, à partir d’une simple note de commande envoyée par l’utilisateur, copier entièrement le style artistique ou la voix d’un individu en particulier afin de créer une œuvre.
Si une IA crée à partir de ces données, peut-on considérer que la protection juridique des œuvres a été contournée ? De même, si une IA crée une œuvre qui ressemble étroitement à celle d'un artiste humain, qui devrait être considéré comme l'auteur original ?
Dès lors, les questions liées à ce sujet se présentent à la fois comme des questions d’ordre juridique, mais aussi d’ordre éthique. Jusqu’où la machine peut-elle copier l’homme ? Pourquoi aurait-elle davantage le droit de « s’inspirer » d’une œuvre que nous ?
La contrefaçon est-elle en voie de s’anonymiser dans un flot d’informations et de création artistique de plus en plus dense, dans lequel l’auteur d’un plagiat sera de plus en plus difficile à localiser ?
Nous savons que depuis quelques années, la tendance est au deepfake, cette pratique mise en place à l’aide d’outils IA sophistiqués en mesure de reproduire des voix et des expressions faciales à partir de quelques images et fichiers audios.
L’utilisation d’IA peut donc facilement conduire à une violation des droits de la personnalité et à des dérives allant jusqu’à l’usurpation d’identité. Des chansons entières circulent régulièrement sur les réseaux sociaux en utilisant les voix d’artistes internationaux afin de créer des chansons inédites et les faire passer pour des « leaks », une fuite non autorisée d’un single de l’artiste.
Dans ce cas, qui est le coupable si un procès est mis en place ? Est-ce le contrefacteur qui a généré l’œuvre ou la boîte ayant développé l’IA qui a recueillie les données nécessaires à la contrefaçon ? Si les responsabilités sont partagées ? À quelle hauteur le sont-elles ?
Pour répondre à tous ces questionnements, certains juristes et défenseurs des droits d'auteur prônent une révision des lois existantes pour inclure des dispositions spécifiques concernant les œuvres d'IA. Cela pourrait impliquer la création de nouvelles catégories de droits d'auteur pour les œuvres générées par des algorithmes, ainsi que des mécanismes pour attribuer la paternité et les droits de propriété intellectuelle.
Concrètement, que dit la loi française actuelle à ce sujet ?
Le droit d’auteur français protège les « œuvres de l’esprit », si elles sont « originales ». Les tribunaux considèrent qu’une œuvre est originale lorsqu’elle porte « l’empreinte de la personnalité de son auteur », résultant de choix libres et créatifs.
Une machine ou un logiciel ne peut donc pas se voir reconnaître comme l’auteur d’une œuvre au sens du Code de la propriété intellectuelle. La situation est différente au Royaume-Uni par exemple.
Le contenu généré par l’IA est obtenu par l’intervention d’un être humain qui va lui donner des instructions. La personne qui donne des consignes à l’outil d’IA peut-elle se voir reconnaître la qualité d’auteur au sens du Code de la propriété intellectuelle ? Il semble difficile de répondre positivement à cette question en ce qui concerne les résultats bruts générés par l’outil. Ceux-ci sont imprévisibles pour l’utilisateur puisqu’il suffit qu’un ou deux mots clés diffèrent pour que le contenu généré par l’IA soit drastiquement différent.
Ainsi, dans la mesure où l’utilisateur n’a pas la maîtrise des résultats qui seront générés par l’IA, il est difficile de considérer que ceux-ci sont empreints de sa personnalité. En revanche, si le résultat généré par IA est retravaillé par l’utilisateur, celui-ci peut être protégé par un droit d’auteur s’il répond à l’exigence d’originalité du Code de la propriété intellectuelle.
D’autres projets de lois sont en cours de discussions, notamment au niveau européen avec l’IA ACT, un projet de Règlement visant à encadrer l’usage et la commercialisation des intelligences artificielles au sein de l’UE. Son adoption est prévue pour la fin 2023, début 2024 avec une application différée de 18 à 24 mois après son entrée en vigueur.
L’IA ACT prévoit notamment d’imposer aux plateformes d’IA spécifiquement destinées à générer du contenu textuel, visuel et sonore, à communiquer au public un « résumé suffisamment détaillé » de l’utilisation des données d’entraînement protégées par le droit d’auteur. Cette disposition du projet semble imposer aux IA de citer leurs sources, ce qui n’est actuellement pas le cas. Reste à voir si cela est réalisable…
Malgré ces mesures législatives, et quelques autres - que je ne compte pas toutes citer dans cet article - les recours juridiques pour les créateurs face à l’IA demeurent extrêmement faibles.
La première difficulté pour les titulaires de droits d’auteur va être de prouver que ses œuvres ont permis de « nourrir » et entraîner l’IA. Ensuite, il convient de définir contre qui agir ; l’exploitant de l’œuvre généré par IA, ou la plateforme IA en elle-même ?
Toujours est-t-il que les difficultés que posent cette nouvelle technologie ont encore de beaux jours devant elles. Comme pour la plupart de nos inventions, celle-ci peut mener à des dérives lorsqu’elle n’est pas utilisée à bon escient.
Alors en attendant que l’univers juridique autour de l’IA se précise, exhortons-nous à être collectivement conscients et responsables dans la manière dont nous les utilisons.