Contrer la guerre, c'est ne plus cautionner les mauvaises inclinaisons, ne pas fermer les yeux sur les agressions - insignifiantes soient-elles -, c'est apprendre la maîtrise de soi. Parce que la nécessité de contrer la guerre soutiendrait un élan de solidarité et de fraternité qui participerait plus à des projets constructifs qu'à des réalisations héritées d'une pulsion de mort.
Guerre juste et injuste
Une guerre - quand bien même justifiée et conduite pour répondre à une cause juste- peut être menée de la pire des façons. C'est en cela que l’on peut considérer la guerre comme une immoralité. Ceux qui résistent à l’agresseur en arrive à imiter, voire à dépasser, la brutalité de l’agresseur, écrit Michael Walzer dans Guerre juste et injuste.
Jean Dubois, maître de conférences des facultés de droit, qui en a commenté les propos dans Les Échos, souligne que même s’il (Michael Walzer) constate que les « nécessités de la guerre » laissent presque toujours une marge de jeu où l’individu exerce sa responsabilité morale (ne pas s’en prendre à des civils innocents, ne pas exécuter des prisonniers ou ne pas achever les blessés, etc), il n’exclut pas qu’existent des situations de « suprême urgence » où « les commandants doivent commettre un meurtre ».
En philosophie, discipline attachée à la raison et à la morale, tous s’accordent pour dire que :
Toute guerre fait parler l’animal en l’homme condamnant ainsi la voix de la conscience et de la raison au silence, que la guerre est une boucherie qui n’a aucun respect de l’intégrité physique de l’homme : en temps de guerre, l’être humain est complètement désacralisé, profané par cet effroyable ravalement de son corps.
Elle fait toujours déchaîner les passions les plus négatives de l’homme : haine, désir de vengeance, violence extrême. Marie Denieuil écrit pour Philosophie Magazine
dans la réalité, les hommes qui composent l’espace politique [ceux par qui la guerre est généralement programmée] ne sont pas purement rationnels (conquête du pouvoir, désirs, frustrations, effets de foule). Il peut y avoir conflits d’intérêts particuliers et donc mise en jeu des passions.
Les élites de tous les horizons sont nombreuses à avoir soutenu son propos. Benjamin Franklin, écrivain, physicien et diplomate disait : il n'y a jamais eu de bonne guerre ni de mauvaise paix. Dans le contexte de la première guerre mondiale, en février 1914, Rosa Luxemburg avait déclaré devant le tribunal de Francfort :
Les guerres sont un phénomène barbare, profondément immoral, réactionnaire et contraire aux intérêts du peuple, etc.
L’anarchie : une voie vers la guerre
Les anarchistes prônent une société sans classe sociale, refusant la domination d’un individu ou d’un groupe d’individus sur l’organisation sociale. N’étant nullement antimilitaristes, ils se confrontent néanmoins, si nécessaire, aux forces armées. Un réflexe d’auto-défense crée des tensions et un climat insécure pouvant finir par les faire basculer dans le déclenchement d’une guerre. Selon Hobbes, philosophe anglais :
La nature anarchique du système international a pour conséquence de plonger les États dans une guerre perpétuelle pour leur survie, et que seule l’improbable sortie de l’anarchie, par la création d’un État mondial, serait à même de mettre un terme à la guerre et de permettre l’arrivée de la paix.
L’anarchie offre des moments de répit - des états de guerre - qui, pourtant, n’excluent pas d’éventuels conflits armés. La pérennité de ce système révolte autant les élites que les peuples, mais l’Homme n'est toujours pas parvenu à se protéger de sa propre violence.
Théodore Monod, scientifique français, dont on avait recueilli les propos pour la publication d’Écologie et spiritualité aux éditions Albin Michel, accompagne cette révolte anti-guerre :
Très (je suis pessimiste) ! Tant que les hommes aimeront la guerre (ce qui est le cas malheureusement), leur avenir sera très menacé. Il serait temps qu'ils acceptent de s'hominiser. Mais ils refusent. Ils préfèrent la barbarie ancestrale. C'est absurde, parce que les menaces grandissent au fur et à mesure de l'avancée technologique.
Comme le titrait un média en ligne (Atlantico), sur le terrain, selon l’expérience des Français, l’anarchie gagne : les rues s’embrasent et chacun tombe dans les griffes de l’autre. Une barbarie ancestrale qui ressort sur le progrès comme les mauvaises herbes repoussent sur un goudron craquelé. Nous savons de l’anarchie qu’elle refuse la guerre en optant pour une résolution des conflits pacifique et coopérative. Pourtant, en l’absence de structures de gouvernance solides, certains groupes peuvent chercher à exercer leur pouvoir par la force ou à exploiter les faiblesses du système.
Guerre et maîtrise de soi
Là où la maîtrise de soi fait défaut, la porte est ouverte à tous les conflits - de la simple verbalisation d’une injure au port d’armes. Sun Tzu, un général chinois du VIème siècle av. J.C., disait :
Le meilleur savoir-faire n’est pas de gagner cent victoires dans cent batailles, mais plutôt de vaincre l’ennemi sans combattre.
La maîtrise de soi joue donc un rôle crucial dans la prévention et la résolution des conflits en canalisant les émotions telles que la haine, la peur et la colère. Des émotions pouvant induire des réactions irrationnelles et impulsives et, par extension, des conflits violents.
En situation de guerre, rien de plus salutaire que l’esprit de clarté et de prendre des décisions réfléchies en vue de limiter les dégâts et trouver une issue de secours. La maîtrise de soi y contribue.
Martin Luther King, pasteur, baptiste, militant non-violent afro-américain en savait quelque chose. Il formulait son idéal politique par ce postulat :
Il n’est pas très facile d'admettre que la force morale possède autant de pouvoir et de vertu que le coup de poing; et que la maîtrise de soi qui refuse la riposte requiert plus de volonté et de courage que le réflexe automatique de rendre coup pour coup.
La maîtrise de soi aide à la gestion des émotions et à résoudre les conflits pacifiquement, mais aussi à rester empathique et compréhensif, à communiquer efficacement et à prévenir la violence.
C’est aussi le message du président Macron et ce à quoi il avait convié les commandos français dans sa lettre du 28 février 2022 :
Je sais pouvoir compter sur vous pour faire preuve, dans l’exécution de vos missions, d’une grande vigilance et de la retenue nécessaire lors des possibles interférences.