Je croyais avoir, tout compte fait, obtenu le droit à l’oubli de mon vivant, question obsèques, s’entend. Une disposition légale que les pouvoirs publics essaient de transformer en droit en matière d’assurance de personnes 1.

Très probablement, est-ce le fait d’avoir cherché, un jour de 2020, le prix d’une pompe (à vélo) et celui d’un coffre en sapin bio pour l’un de mes proches sur Internet, qui ont conduit des distributeurs à me harceler de messages du même acabit que celui-ci : Soulagez vos proches du coût de vos obsèques ? Sans compter l’avalanche de réclames vantant les bicyclettes électriques et la crémation low-cost, entre autres joyeusetés à masquer ou à dénoncer... Mais, concomitamment, j’ai reçu récemment, via Internet, une proposition d’assurance obsèques émise par un comparateur, accompagnée de la photo de deux seniors (alertes, souriants, botoxés et en bonne santé, c’est sûr) dévorant la vie à pleines dents, heureux de jouir d’un contrat du genre, j’imagine. Les web-marketeurs n’ont pas eu la délicatesse de me mettre en scène dans leur publicité en compagnie d’une senior model de plus de 50 ans en extrayant mon portrait de l’imagerie d’un réseau social ! Mais un start-upper s’y attellera, un jour, je le pressens...

Que faire pour s’éviter un enterrement de première classe en préfinançant l’organisation de ses obsèques, de son vivant ? Tout d’abord, soulignons la créativité des assureurs. Ils sont parvenus à populariser un produit d’assurance sur la vie, relativement complexe, fortement chargé en émotion et également en frais de gestion récurrents. Le souscripteur ignore souvent que la majeure partie de sa cotisation sert à financer les frais d’acquisition et de distribution du contrat ainsi que les cadeaux publicitaires et prestations gratuites, attachés. Comme chacun sait, il est nécessaire de taper sur le clou du cercueil pour que le prospect admette comme inéluctable son passage sur terre !

À défaut, préférez un contrat d’assurance-vie traditionnel ou, si vous disposez des fonds, les placer. Mais si vous souhaitez partir l’esprit tranquille et avoir droit à des funérailles honorables (doutant de la générosité de vos proches), alors ça vaut le coût de souscrire un contrat obsèques car on ne meurt qu’une fois dans sa vie... Mais dans ce cas, n’oubliez-pas de prévenir les bénéficiaires de votre louable initiative afin de leur épargner de remettre au pot (de fleurs) en pure perte 2. En cas de regret, sachez que vous bénéficiez d’un délai de rétractation de 30 jours !

Deuxièmement, présageons que ce produit d’assurance spécifique est susceptible de compter de nouveau de nombreux adeptes à l’avenir avec l’ajout éventuel de services complémentaires lucratifs. Je pense à la possibilité de reposer ad vitam æternam dans un ou plusieurs cimetières virtuels de son choix, par exemple, à l’instar du choix d’un parcours de golf en ligne, avec hologrammes, vidéos, portrait et biographie, par exemple. Avec entre autres, l’envoi régulier de fleurs et une playlist des musiques qui ont bercé la vie du défunt à télécharger... Ce qui permettrait de solutionner les problèmes d’embouteillage dans les concessions perpétuelles et de vous rendre visite, de jour comme de nuit, sans avoir à se déplacer.

Pour terminer, rappelons que selon une enquête Odoxa, près de trois Français sur quatre jugent les assurances affinitaires chères, pas faciles à comprendre, pas claires et peu transparentes ! Néanmoins, avant de souscrire, assurez-vous que votre mutuelle santé ne couvre pas tout ou partie de vos frais d’enterrement, certains contrats pratiquant le tiers payant auprès des pompes funèbres.

Cela dit, après un léger tassement, la croissance du marché des contrats obsèques devrait se poursuivre avec la remontée des taux d'intérêt dans la zone euro, due, notamment au retour de l'inflation.

Notes

1 Le droit à l'oubli est un dispositif qui permet au souscripteur de ne pas mentionner son ancienne pathologie dans sa proposition d'assurance. Il permet d'effacer de son dossier médical tout élément qui témoigne d'un cancer vaincu. Le droit à l'oubli est un des éléments majeurs du dispositif AERAS, qui facilite l'obtention d'un crédit immobilier pour les personnes qui ont été atteintes d'un cancer.
2 Suite à une critique récurrente des associations de consommateurs, les assureurs ont mis en place un dispositif de recherche des contrats Obsèques de l'Agira (Association pour la Gestion des Informations sur le Risque en Assurance) qui permet à toute personne proche ou à l’entreprise funéraire de connaître l’existence d’un contrat Obsèques souscrit par le défunt.