L’assurance sur la vie, la mienne, la vôtre...
On assiste, chaque année, à une véritable foire aux « best taux » entre assureurs pour empoigner l’euro zappeur du « bon père de famille » qui se contenterait benoîtement de sauvegarder la valeur de son bas de laine, chèrement acquis…
Vais-je vous surprendre en prétendant qu’un contrat d’assurance sur la vie l’est aussi pour l’assureur 1? À n’en pas douter, le marronnier historique « L’assurance vie, placement favori des épargnants français », entonné par toutes les gazettes, l’est aussi pour les preneurs de risques sur la vie humaine. Servi à toutes les sauces aux vivants quel que soit le taux servi, aussi pingre soit-il, ce placement, résistera-t-il aux contraintes fiscales, nombreuses et labyrinthiques, associées aux différentes formules commercialisées par les acteurs au cours du temps 2?
La commission de gestion, une rente à vie pour l’assureur !
Il y a belle lurette que l’ADN des assureurs-vie n’est plus dans le taux de rendement nominal, alloué à chaque clôture des comptes, ni d’ailleurs, dans la garantie du capital placé au terme du contrat, mais dans les commissions de gestion, prélevées automatiquement à chaque versement et/ou à chaque échéance, et ce, même en cas de rendement négatif3. Une rente à vie du contrat pour l’assureur ! Lors de la communication des performances des contrats aux médias, phase printanière de pavane, au cours de laquelle c’est au paon qui affichera le taux le plus élevé ou son augmentation par rapport à l’exercice précédent… dans l’espoir que les souscripteurs remettent au pot pour un tour supplémentaire, évitent les rachats et surtout ne changent pas de fournisseur lorsque son produit n’est plus commercialisé. Dans ce cas, le contrat est souvent frappé d’un rendement médiocre, voire discriminant pour inciter l’assuré à transférer les fonds sur un nouveau contrat !
Dans ce contexte anxiogène pour le bas de laine de l’épargnant, certains assureurs et non des moindres, ont pris les devants en se contentant d’offrir contractuellement un taux de telle sorte qu’il couvre les frais de gestion annuels du contrat (sic). Certaines associations, partenaires indépendantes des assureurs (sic), se sont dépêchées d’avenanter unilatéralement leurs contrats collectifs 4 lors d’assemblées prétendues générales où le nombre de procurations dépasse largement le nombre d’adhérents présents, prosélytes ou rebelles. Une pratique largement ignorée de l’épargnant lambda, membre cotisant et vieillissant qu’on convoque, parfois à plusieurs centaines de kilomètres de son domicile pour le prier de voter démocratiquement par correspondance...
Notons que, parfois, certains administrateurs de ces associations captives sont d’anciens dirigeants retraités de la marque, censés ou plus à même de connaître les arcanes de l’assurance-vie. L’occasion pour ces bénévoles défrayés, acceptant de monter à Paris, une fois par an pour la bonne cause, de faire une bombance étoilée à trois chiffres aux frais de la princesse tout en évoquant le temps béni des rendements à deux chiffres à l’époque des Trente Glorieuses 5!
Les incontournables, contrat d’assurance et livret A, tous deux « pour la vie », se livrent depuis une dizaine d’années une lutte acharnée pour empocher l’euro du citoyen zappeur
Positif, le ratio de collecte nette de l’assurance-vie par rapport à celle de l’emblématique Livret A est porté aux nues. La profession, unanime pour une fois, pavoise et le fait savoir dans les chaumières et dans les médias. Mais, en cas de dévissage, même véniel, les lobbies assurantiels hurlent de douleur à l’endroit du gouvernement en place en vue d’impacter les lois de modernisation de l’économie nationale. À ce titre, le seuil de rémunération du Livret A fixé à 3 % dès février 2023 (et au-delà, vraisemblablement à la rentrée), a incité l’épargnant à transférer sans scrupules et sans préavis, son pécule d’un support vers l’autre...
La communication non-contractuelle des assureurs
L’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), vérifie les communications des assureurs-vie afin d’éviter les promesses imprécises ou trop optimistes. Ces précautions, ne sont-elles pas de nature à alarmer davantage l’épargnant frileux, et ce, malgré l’article L. 132 - 27 du code des assurances qui précise que les communications à caractère publicitaire relatives à un contrat d’assurance sur la vie ou à un contrat de capitalisation doivent présenter un contenu exact, clair et non-trompeur et doivent être clairement identifiées comme telles ? Exercice délicat quand l’assureur mentionne que son message publicitaire est à caractère non-contractuel, masque les frais de gestion, ce qui peut rebuter les plus enthousiastes.
Le livret A, c’est du cash immédiat...
Rien de plus simple, en effet, que de prélever sur son compte d’épargne l’appoint pour faire son marché ou son shopping quand le retrait partiel sur un contrat d’assurance-vie est pour certains citoyens une opération complexe et le virement de fonds dans son escarcelle à date de convenance de l’assureur... après, parfois, plusieurs relances exaspérantes. De plus, en matière de feed-back informationnel, le relevé de compte d’un livret ne tient qu’en une seule ligne alors que le relevé de situation d’un contrat vie (et ses encarts financiers pour boursicoteurs avertis) relève du parcours du combattant (de la complexité). Croyez-moi, le livret A, présente un intérêt incomparable aux yeux de la majorité nos concitoyens, mathématiquophobes et pressés de palper leur liquide... J’invite, par ailleurs, les contradicteurs à consulter l’enchevêtrement de textes fiscaux en matière d’imposition des revenus issus des contrats vie : un labyrinthe, même pour les fiscalistes et les actuaires avertis, comparativement à la luminosité d’emploi d’un livret !
Pour une assurance dolce vita !
À défaut, la communication assurantielle ne différerait nullement de celle des produits de grande consommation proposés dans les foires et salons. À la différence près, qu’on ne peut les goûter avant de succomber. À moins qu’un acteur du marché, innovateur en diable, ne propose un essai gratuit de sa formule magique en prenant en charge la cotisation correspondante, par exemple ! Cela dit, on est loin de la réclame lapidaire de l’ex-leader du marché, la CNP en l’occurrence, qui, en 1992, se contentait de promettre « un instant de bien-être, vivez bien assuré… », pour tout slogan racoleur. Plus de trente ans après, dans un contexte international fortement chamboulé et anxiogène, cette injonction, propice à la dolce vita, a gardé, me semble-t-il, toute sa fraîcheur. Sans recommandation d’une quelconque autorité, c’est toujours un vœu d’actualité…
PS. Selon S&P Global Ratings, « un scénario d’une soudaine hausse du taux de rachats est peu probable. Bien que les contrats d’assurance-vie français ne disposent pas de garanties matérielles de performance à long terme, ils bénéficient d’un traitement fiscal favorable, ce qui réduit le risque de rachat. De plus, ces derniers sont historiquement restés stables – ils n’ont pas augmenté au cours de la période 2017-2021, malgré une réduction significative des taux de crédit. » (Avis de mai 2023)
Notes
1 En France, chaque année, près de 2,5 millions de souscriptions sont réalisées, pour un total de près de 50 millions de contrats d’assurance vie individuels répertoriés, selon la FAA.
2 Le Conseil d’État autorise les opérations d’assurance sur la vie depuis 1818.
3 La baisse des rendements des fonds en euros au sein des contrats d'assurance vie est passée en moyenne de 2,80% en 2013 à 1,28% en 2021. Ce qui a poussé les assureurs à une garantie du capital en brut de frais.
4 Contrats à adhésion facultative ou obligatoire. Dans le cas d'un contrat d'assurance-vie collectif, l'assuré n'est donc pas lié à la compagnie d'assurance et laisse la personne morale prendre l'ensemble des décisions et négocier le contrat d'assurance-vie.
5 De 1950 à 1973, la croissance annuelle des douze pays qui adhéreront à la Communauté européenne a été en moyenne de 4,6 %. Au cours de cette période, certaines compagnies honoraient leurs contrats d’un taux avoisinant les 8 %, plusieurs années de suite !