Penser la sculpture comme un risque où tout, à tout instant, peut se défaire. Pas de socle, pas de dessin préparatoire. C’est le corps de l’artiste qui sert de socle, qui imprime un mouvement au fil de fer qui se déploie dans l’espace en formant un graphisme labyrinthique qui finit par circonscrire les ailes d’un papillon, leur battement. Squelette fragile, flottant, sans assise à partir duquel la sculpture trouve son extension spatiale, prend son envol sans faire encore volume.
Tout le sens de la démarche de Pascal Pistacio est contenu dans ce premier temps d’élaboration de l’objet sculpté. Penser la sculpture comme mouvement. Le mouvement détermine l’œuvre à venir, cette mobilité et l’énergie qu’elle nécessite créant un effet de surgissement. Renoncer au socle, c’est essentiellement renoncer à tout positionnement définitif afin de laisser la forme se développer. Le mouvement comme condition de son déploiement selon des possibilités inattendues.
Ce n’est pas un hasard si les travaux récents de Pascal Pistacio font penser à Matisse ; Une danse dans laquelle sont entraînées de petites figures apparaissant comme métaphore du processus de création. Laisser le temps à la sculpture de se constituer. Celle-ci résulte d’un condensé de facteurs et de matériaux divers qui se sont convertis en quelque chose de différent au cours du travail de réalisation. Celui-ci passe par plusieurs phases qui constituent autant d’éléments de la formation de la pièce sculptée.
Il entre une grande part d’aléatoire au cours de celle-ci. Une fois certaines parties rigidifiées à l’aide du plâtre, Pascal Pistacio agrège des objets de récupération de toutes sortes qui vont donner configuration à la sculpture en même temps que sa masse. On devine que c’est au cours de cette opération de recyclage que la question de l’échelle intervient, d’abord incertaine avant que la pièce s’impose par rapport à l’espace, y trouve son équilibre, fût-il instable. Le jeu avec l’échelle, emblématique de la sculpture contemporaine, est indissociable dans le travail de Pascal Pistacio de la question de la forme et de ses accidents.
Celle-ci ne se révèle véritablement qu’au moment où il procède à l’application au pinceau de la résine qui confère à la sculpture l’aspect d’une peau. Moment où, selon l’artiste, elle se « rassemble », prend corps, dévoile son modelé. Moment où les pleins et les vides se mettent à jouer de telle sorte qu’elle n’apparaît pas comme un objet statique mais comme un objet qui, en gardant en lui le mouvement qui a présidé à son élévation, témoigne du caractère non clos du monde.
« Avec la sculpture, on est dans une poétique absolue et en même temps on est cerné par le concret », fait remarquer Pascal Pistacio. Ses sculptures placent le spectateur au contact d’un ordre de réalité différent de celui auquel nous accédons ordinairement. Elles font surgir le réel sous une forme inconnue, silhouettes fantomatiques, insectes fossilisés… laissés volontairement dans une sorte d’inachèvement donnent l’impression d’une transformation à venir.
Ce qui nous touche en elles ne provient pas seulement de leur élégance fragile mais aussi de ce mélange de maîtrise créatrice et d’humilité dont elles témoignent.