Le motif du « bocal anatomique », récurrent dans le travail de Stéphane Belzère, se décline de manière nouvelle dans cette série d’aquarelles récentes.
Des bocaux qu’il a observé pendant plusieurs années au Musée d’histoire naturelle, dans lesquels se trouvent des organes conservés dans le formol, et face auxquels il a éprouvé à la fois attraction et répulsion.
Leur observation l’a conduit à réfléchir à la capacité de conservation et de transformation propre à l’art.
La transposition dans l’espace de la toile ou du papier de ces fragments de chair morts, leur incarnation dans la matière colorée, n’apportent-elles pas, en quelque sorte, un degré supplémentaire de conservation ? Il semble que ce questionnement traverse l’œuvre de Stéphane Belzère.
A la différence des peintures de bocaux anatomiques caractérisées sur le plan formel par une gamme chromatique froide visant à accentuer l’aspect clinique des organes ainsi que leur apparence informe, les aquarelles frappent par l’harmonie et la douceur des couleurs. Le cerveau, contenu dans les bocaux perd son caractère organique et apparaît comme une substance légère qui flotte en suspension.
De même, le rendu de la transparence du verre du bocal instaure une relation de contiguïté entre l’intérieur et l’extérieur d’autant plus que celui-ci est disposé dans un décor végétal constitué de feuillages et de fleurs. Deux univers entrent ainsi en relation, le vivant et le mort, la forme et l’informe.
Cette disposition de la composition contribue à créer un va-et-vient du regard.
Ce jeu avec la transparence, entre l’intérieur et l’extérieur, est également présent dans la série d’aquarelles ayant pour thème l’autoportrait.
Intitulés Reflet, ils sont littéralement la transposition de son reflet dans une fenêtre. La légèreté de la touche que permet l’aquarelle, opère, à l’instar de la série de bocaux, une sorte de superposition du corps et du paysage qui semblent se mêler.
Ce parti pris formel vise à faire affleurer la présence du corps dont la nudité s’accorde et se fond avec celle du paysage hivernal.
Stéphane Belzère qualifie la série d’aquarelles réalisées à partir de diapositives de sa famille ou de proches de « voyage immobile ».
Un voyage dans le passé, tant une photographie est chargée de temps. A l’instar des autoportraits, il s’agit de faire affleurer la présence du passé et, dans le même temps, de réactiver le temps figé par le cliché, dans le présent de la représentation. Au cours du processus de transposition, la mémoire du passé surgit de nouveau, des images enfouies s’inscrivent sur la surface sensible aux couleurs volatiles.
Là encore, il s’agit de sauver des traces en les dotant d’une durée infinie.
Artiste franco-suisse, Stéphane Belzère (Stéphane Kreienbühl dit.), est né en 1963 à Argenteuil. De 1985 à 1990, il est élève à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts. Il séjourne régulièrement à Berlin de 1991 à 2013. Aujourd'hui il vit et travaille à Paris et à Bâle. Son travail sera montré cet été à la Fondation Fernet Branca, Saint-Louis (Alsace), de juillet à septembre ainsi que dans le cadre de l'exposition Vitraux d'artistes à l'abbaye royale Notre-Dame de Fontevraud du 26 juin-1er novembre 2020.