Tracés à l’encre noire, des mots et des lignes se partagent le blanc de la feuille de papier composant un univers de signes intime et fragile. « Tout », « Rien », « Ici », Là-bas », « corps » sont les mots récurrents dans les dessins de Natalia Jaime-Cortez, dispersés sans ordre sur la surface du support que traversent quelques traits verticaux et obliques, tantôt isolés, tantôt superposés, par un geste que l’on devine répétitif, dans un processus envisagé comme épreuve du temps. Un geste qui, même réduit au minimum, même suspendu - à l’instar de ce dessin où des lignes formant une sorte de tissage recouvrent partiellement la surface - implique le corps.

Comment inscrire le vide ? La pratique du dessin est liée, dans le travail de cette jeune artiste, à l’expérimentation sensible de l’existence du vide, de l’ineffable : « La terre se vide, l’âme se vide, silence » dit-elle.

Les dessins constituent les traces de cette expérience. Ils manifestent une sorte de dessaisissement face au réel tout en se faisant captation du temps.

Le geste, dans cette pratique s’inscrit en effet dans l’instant. C’est un geste spontané, instinctif, sur lequel l’artiste ne revient pas, ce qui confère aux dessins cette charge émotionnelle particulière.

Aucune méthode, aucune règle, aucun procédé formel n’entrent dans la réalisation des dessins de Natalia Jaime-Cortez qui réduit volontairement l’expérience esthétique à un presque rien afin de transmettre au spectateur la sensation du vide. « Mes traits ne construisent rien. Ils vident encore plus la feuille » dit l’artiste.

Cependant la ligne, dans sa dynamique opère en tant que résistance au vide. Elle se tend, donne une impulsion, insuffle vitalité au geste artistique qui se déploie ainsi d’une autre manière. Il n’est pas surprenant que Natalia Jaime-Cortez fasse référence au concept deleuzien de Pli qui fait appel à l’espace, au mouvement de pli, de dépli et de repli et à l’idée d’infini que celui-ci engendre. Le pli permet de penser l’œuvre en devenir, d’ouvrir d’autres champs qui mobilisent le corps.

C’est ainsi que le dessin, la performance, la sculpture, la danse se combinent et se complètent dans le travail de l’artiste. Ces modes d’expression, nourris d’émotion, pétris de mémoire sont liés à cette expérience sensible de l’espace à laquelle invite le concept de pli.

« L’image déborde ou est ailleurs » souligne Natalia Jaime-Cortez. L’image affleure dans les dessins puis revêt d’autres formes, mouvantes, afin d’explorer le réel qui se dérobe dont elle restitue les traces éphémères.

Biographie
Alors étudiante à l’Ecole Nationale Supérieure Beaux Arts de Paris (atelier Richard Deacon), Natalia Jaime-Cortez - née en 1983 - découvre le Butô auprès de la danseuse Maki Watanabe. Cette rencontre décisive l’amènera très rapidement à travailler le corps et la danse pour la création de performances tout en développant un travail plastique de dessin lié à la mémoire et au temps. En 2013, elle présente sa première exposition personnelle PLI à la Galerie Vincenz Sala à Paris. C’est lors de résidences importantes qu’elle développe pleinement ses recherches comme à L’H du Siège à Valenciennes (2013), au Musée Saint Roch D’Issoudun (2015) et au Domaine de Kerguehennec (2016). En 2015 elle est présentée en artiste Focus au Salon Drawing Now. En 2016, elle présente sa seconde exposition personnelle Pans à la Galerie Vincenz Sala, puis Papiers au Château de Ratilly. Enfin elle participe à la 25ème édition de l’art dans les Chapelles. Elle s’engage pour la performance en créant en 2012 un festival dédié à cette pratique, Still moving, qu’elle organise dans différents lieux. Au printemps 2018 le festival a eu lieu au Théâtre de l’étoile du Nord à Paris.