L’art 1 n’est pas toujours vu à sa juste valeur. On le discrédite souvent face à d’autres disciplines essentielles telles que la médecine ou l’ingénierie. Oui évidemment, nos vies seraient bien différentes sans ces dernières tandis que les bienfaits de l’art sont peut-être plus implicites, mais tout autant considérables. L’art ne prend pas la place de la mère ni du père de notre bien-être, elle prend plutôt celle de notre marraine - la bonne fée - pour les plus rêveurs·ses d’entre nous ; elle enseigne, elle soulage, elle inspire et elle innove.
Dès l’enfance, l’art stimule nos émotions les plus intimes et profondes. C’est une introduction douce et secrète à la recherche et à la compréhension psychanalytique de notre psyché, qui commence grâce aux contes. Le travail de Bruno Bettelheim dans son livre Psychanalyse des contes de fées, nous offre une compréhension accrue de l’impact bénéfique des contes sur ses jeunes lecteurs·rices. Ces histoires aux allures merveilleuses dialoguent de manière sous-jacente avec leurs pressions et combats intérieurs en leur donnant une juste place, légitime. À l’instar de la psychanalyse, les contes délivrent un cœur de message essentiel à leur construction ; les aléas et les difficultés de la vie sont inévitables mais, c’est seulement en les affrontant qu’on peut les dépasser et accéder au dénouement heureux. Même si les contes sont avant tout destinés aux enfants, ils n’ont en vérité pas d’âge butoir puisqu’ils traitent de sujets existentiels en les posant dans un cadre bref et précis.
Tout au long d’une vie, l’art est à consommer sans modération pour ses nombreux bienfaits autant sur la santé mentale que sur la santé physique. Selon une étude du British Journal of Psychiatry, les sorties culturelles telles que les musées, le théâtre et le cinéma réduisent de 48% les risques de dépression. Tandis que sur le corps, les conséquences positives sont indéniables dans la lutte contre les maladies ; une séance de chimiothérapie en musique permet d’atténuer ses effets secondaires (douleurs, fatigue, nausées, malaises, etc). Elle permet également, aux côtés des arts visuels, de raviver les souvenirs des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. De manière plus globale, la consommation d’œuvres sécrète des substances comme la sérotonine, la morphine endogène et la dopamine 2. Les personnes atteintes de Parkinson sont en déficit de cette dernière substance, fondamentale au sein du cerveau notamment pour le contrôle de la motricité.
Les artistes ont la possibilité de s’exprimer librement à travers leurs créations, aucun sujet n’est laissé pour compte. Les messages véhiculés sont infinis et trouvent une résonance avec un public, qu’il soit large ou restreint. Iels informent, iels questionnent, iels dénoncent, iels modifient les perceptions sur la société, la politique, l’économie, la guerre, la santé physique et mentale, le romantisme, l’environnement, les technologies, etc. Une fois exposées ces productions se confrontent au public et déclenchent en elleux, des idées et des pistes de réflexions qui évoluent vers une nouvelle voie, un nouveau cheminement.
Quelques exemples :
- La peinture Le Cri de Edvard Munch datant de 1893 a énormément influencé notre compréhension de la santé mentale et, par ailleurs, a inspiré des avancées importantes dans des études cliniques sur la psychologie et la recherche des troubles anxieux.
- Les œuvres de Leonardo da Vinci ont notamment inspirées des développements en imagerie médicale grâce aux détails anatomiques et aux techniques de rendu subtil.
- Le film The Matrix de Lana et Lilly Wachowski réalisé en 1999 a modifié la perception de la réalité virtuelle et de la simulation, engendrant de grands développements dans ces domaines ainsi que dans la réalité augmentée.
- La peinture Guernica de Pablo Picasso datant de 1937 a permis de mettre en avant les horreurs de la guerre civile espagnole dans le but de sensibiliser le public aux conséquences de la violence, ce qui a déclenché des mouvements pacifistes en faveur des Droits de l’Homme.
Dans son ouvrage Poétique écrit en 335 av JC, Aristote a été le premier à théoriser la notion de catharsis dans l’art de la tragédie. Depuis l’élaboration de son concept, ce dernier n’a cessé de se développer et de prendre de l'ampleur, à l’instar d’une graine qui donne naissance à une multitude de racines. L’art dans sa globalité est devenu un outil indispensable dans le bien-être humain, que ce soit à travers des œuvres existantes ou dans l’exercice d’une pratique personnelle. L’émergence de l’art thérapie en France commence dès les années 1900, il est pourtant illusoire de penser qu’elle n’était pas déjà utilisée avant cette date.
La processus de création est avant toute chose extrêmement personnel et libérateur, chaque personne, qu’iel en soit conscient·e ou non, produit quotidiennement afin de s’exprimer à travers n’importe quel médium, qu’il soit question d’un gâteau pour apporter du bonheur à ses proches, d’une phrase mélancolique gravée sur le bois d’un banc à l’arrêt de bus ou d’un joli poème sur une carte d’anniversaire. Toutes ces petites choses sont les témoins d’une émotion à libérer, qui chemine de son intériorité jusqu’à sa matérialisation extérieure, donnant naissance à un lâcher prise plus grand que nous.
Notes
1 Cet article a été écrit avec comme inspiration musicale la merveilleuse mélodie du podcast All Day I Dream Podcast 008 : Viken Arman - Dreaming Is All I Do.
2 Dr. Pierre Lemarquis, Neurologue - Neurosciences : Comment l’art nous guérit - Radiofrance