La Tunisie a été le premier pays à tirer la sonnette d’alarme face à une dictature qui rongeait son système depuis des années. La révolution du jasmin n’était rien d’autre que le ras-le-bol d’une génération fatiguée de la restriction de ses droits et épuisées par des conditions de vie pénibles. Les pays du Maghreb, jadis félicités pour leurs aisances économiques, leurs structures touristiques de luxe et leur stabilité politique, sont devenus en un clin d'œil, le théâtre de bataille entre la démocratie et la tyrannie, la justice et le dictat. La colère populaire survenue après l’immolation de Mohamed Bouazizi a eu raison des autorités en place. Ce pouvoir qui aimait si tant museler les médias, n’a pas vu venir cette rage du peuple assoiffé de liberté, de travail et de paix sociale. La jeunesse tunisienne faisait face à un chômage grandissant qui ne faisait pas de différence entre diplômés et profanes. La cherté de la vie et la frustration des chômeurs ont eu raison d'un régime autoritaire en place depuis 1987.
Aujourd'hui, sur le continent africain, beaucoup de pays reflètent les mêmes syndromes qui ont poussé à bout la société tunisienne : chômages des jeunes, cherté de la vie, mauvaise gouvernance et manque d'imagination des autorités. La jeunesse africaine faute d'appui et de financement ne s'adapte pas aux réalités du nouveau siècle et même l'auto-emploi est brimé par des taxes exorbitantes ou des concurrences déloyales. L'existence seule d'agences nationales de l'emploi ou de sociétés auxiliaires calquées sur le modèle de l'hexagone, ne suffit plus à orienter la jeunesse, force active d'un continent très jeune et qui compte le plus de jeunes au monde.
La moitié de la population a moins de 25 ans et cela doit pousser à régulariser la question de la scolarisation, largement défaillante, ainsi que celle de l'emploi des jeunes arrivant sur le marché du travail. Pour sortir de ce malaise, il faudra mettre en place à travers les pays selon les spécificités, des plans idoines prenants en compte chaque couche sociale et les apports des jeunes diplômés bouillonnant d’idées, les diplômés venus de l’étranger et ceux désireux d’amener leurs pierres à l’édifice. La mauvaise gouvernance doit faire place à des institutions fortes et à des plans de développement stratégiques qui manquent cruellement en Afrique.
Le continent de l’avenir, celui d’un monde émergeant, est miné de nos jours par des crises multiples : insécurité au niveau des frontières, systèmes économiques et monétaires déficitaires (vestiges du colonialisme), terrorisme et manque de leadership au niveau des diverses institutions régionales pour unifier la voix du continent.
Le dialogue a un rôle primordial à jouer pour surmonter ces handicaps et c’est en cela que nous saluons le prix Nobel de la paix 2015 du quartet pour le dialogue national tunisien. Cette structure de la société civile qui n’a œuvré rien que pour le bonheur du peuple et sans compter ses propres intérêts personnels, a permis la naissance d’une démocratie plurielle dans un pays qui en rêvait. En récompensant le dialogue, le peuple et l’élite courageuse, le comité Nobel norvégien montre également la voie de sortie des crises qui minent la Libye ou la Syrie. La mauvaise gouvernance et les mauvaises stratégies politiques ont toujours eu des effets révolutionnaires, mais le dialogue et la gestion concertée de la chose publique demeurent les meilleures armes pour un développement durable.