Depuis l'arrêt de sa carrière, Roger Federer a laissé un vide immense dans un monde tennistique voué à l’hyperpuissance. Esthète à la technique parfaite, le joueur suisse symbolise une certaine idée du beau jeu, tandis que les possesseurs de revers à une main peinent désormais à figurer dans le Top 10.

Au commencement était Sampras

Qui est le plus beau joueur de tous les temps ? Dans les années 90, le nom de Pete Sampras fait l’unanimité. Grand serveur, attaquant virevoltant, très complet, Sampras incarne le tennis total. Jamais titré à Roland-Garros, il accumule les trophées à Wimbledon et à l’US Open. Son départ à la retraite et en fanfare sur un ultime succès à Flushing Meadows, en 2002, coïncide avec l’avènement de son successeur.

Federer imperator

Roger Federer s’impose à Wimbledon en 2003 et prend les commandes du circuit ATP l’année suivante. S’il avait converti une balle de match en demi-finale de l’Open d’Australie en 2005 face à Marat Safin, Federer aurait probablement enchaîné quatre Petits Chelems entre 2004 et 2007. Ce quadriennat est une dictature à visage esthète. Rien ni personne ou presque ne résiste aux envolées de l’envahisseur helvète, si ce n’est un village gaulois, Roland-Garros, défendu par un irréductible Ibère, Rafael Nadal.

À partir de 2008, Federer doit composer avec Rafa, l’ami belliqueux, et Novak Djokovic, l’ennemi intime. L’histoire donnera le nom de Big 3 à ce triumvirat tyrannique dont l'ère perdure jusqu’au début des années 2020. Plus en difficulté au fil du temps, le maestro suisse parvient néanmoins à perpétuer sa légende grâce à un retour de flamme en 2017-2018. Fort d’un palmarès sans égal, Djokovic apparaît aujourd’hui comme le plus grand joueur de tous les temps1. Néanmoins, Federer, modèle de fluidité et d’élégance, demeurera aux yeux de beaucoup comme le plus beau. Qui sont les héritiers du père de quatre enfants ?

Grigor Dimitrov, le fils légitime

Grigor Dimitrov est probablement le plus grand imitateur de l’histoire du tennis. Si l’intéressé se réclame de Pete Sampras et d’Andre Agassi, il fut formaté par des entraîneurs zélateurs de Federer. En résulte un mimétisme saisissant entre le Suisse et le Bulgare. Loin d’égaler son aîné, Dimitrov a su être brillant au bon moment. Il a notamment atteint trois demi-finales en Grand Chelem, en parvenant enfin à « tuer le père » grâce à son succès sur Federer à l’US Open en 2019. Lors de sa grande année 2017, Dimitrov conquiert le titre au Masters 1000 de Cincinnati et surtout aux ATP Finals pour terminer la saison à la 3e place mondiale. Toujours capable de coups, il aborde la dernière partie de sa carrière avec l’envie de (se) faire plaisir.

Denis Shapovalov, le fils naturel

La paternité technique de Denis Shapovalov est à chercher chez Henri Leconte. Gaucher flamboyant, le prodige canadien s’est révélé au monde entier en battant Nadal devant son public au Masters 1000 de Montréal en 2017. Ses principaux faits d’armes sont une finale au Masters 1000 de Paris en 2019 et une demi-finale à Wimbledon en 2021, où il bute à chaque fois sur Djokovic. S’ensuit une période de doutes et de blessures durant laquelle Shapovalov plonge au classement avant de renaître depuis quelques mois. Toujours plus aérien et délié, il vient de remporter l'ATP 250 de Belgrade puis l'ATP 500 de Dallas et semble prêt à de nouvelles conquêtes sur surfaces rapides.

Stefanos Tsitsipas, le fils prodigue

L’héritage gréco-romain du beau jeu s’incarne en Stefanos Tsitsipas et Lorenzo Musetti. La victoire du premier nommé contre un Federer vieillissant à l’Open d’Australie en 2019 s'apparente à un passage de témoin. En fin de saison, le joueur grec remporte son plus beau trophée aux ATP Finals. C’est néanmoins sur terre battue que Tsitsipas s’affirme comme une valeur sûre du circuit en s’imposant à trois reprises au Masters 1000 de Monte-Carlo. Au printemps 2021, il fait l’effet d’un Kuerten massif et aborde Roland-Garros dans la liste des principaux favoris. Djokovic lui barre la route d’un premier titre du Grand Chelem en finale, tout comme à l’Open d’Australie 2023.

Lorenzo Musetti, le fils adoptif

Bellâtre italien, à l’image de ses aînés Fabio Fognini et Matteo Berrettini, Lorenzo Musetti brille sur les surfaces naturelles du tennis que sont la terre battue et le gazon. Vainqueur de l’ATP 500 de Hambourg contre Carlos Alcaraz en 2022, il décroche la médaille de bronze aux Jeux olympiques de Paris 2024 disputés à Roland-Garros. Durant la même année, Musetti se qualifie pour la finale de l’ATP 500 du Queens et les demi-finales de Wimbledon. Solidement installé dans le Top 20 mais limité en puissance, il paraît plus à même de créer de belles surprises que d’atteindre les sommets.

Henry Bernet, le dernier-né ?

Il est suisse, joue son revers à une main et a remporté un tournoi du Grand Chelem chez les juniors. Cela ne vous rappelle rien ? Lauréat de l’Open d’Australie junior en 2025, Henry Bernet porte les espoirs du beau jeu et des lendemains qui chantent. Il lui faut désormais s’aguerrir sur le circuit secondaire afin de progresser au classement et de viser, peut-être, les plus grands titres chez les professionnels.

Notes

1 Top 16 des plus grands joueurs de l’ère ATP.