Comme on se retrouve. Le Real Madrid et Manchester City vont à nouveau croiser le fer dans le dernier carré de la plus prestigieuse compétition européenne. Pour ce faire, les espagnols, tenants du titre, ont éliminé un bien triste Chelsea - deux fois sur le même score (2-0) - tandis que le club mancunien est allé chercher son ticket en Bavière, tenant en échec le Bayern de Thomas Tuchel (1-1, 3-0 à l’aller). Le 9 mai prochain aura lieu la première manche, cette fois au Bernabeu et le retour une semaine plus tard à l’Etihad Stadium. Alors que chaque suiveur du ballon rond a encore en tête le véritable feu d’artifice de la saison dernière au scénario hitchcockien, celui de cette année va probablement encore nous réserver un sommet, car avec ces deux mastodontes, entraînés par ce qui se fait mieux actuellement sur les bancs, deux cultures et philosophies différentes dont chacune arrive à marquer l’histoire du jeu, il y a fort à parier que l’on en ait (encore) pour notre argent.
Carlo Ancelotti ou Pep Guardiola ? Le jeu de possession (ou de position) plutôt que de transition ? L’affiche fait saliver tout le monde, et certains avaient même déjà coché cette possible confrontation avant même le tirage des huitièmes de finale. Et bien, nous l’avons. Cette affiche, véritable ôde au football, va donc rassembler les deux grands favoris à la victoire finale, mettant ainsi dans l’ombre l’autre choc des demies, un Milan-Inter non moins intéressant mais bien moins alléchant.
Matchs dans le match
Un an après leur dernier affrontement, les choses ont quelque peu évolué des deux côtés. Chez le Real, Karim Benzema a terminé meilleur buteur de l’exercice précédent et sacré Ballon d’Or. Dans le onze, le Brésilien Rodrygo a explosé et est désormais titulaire. De l’autre, Pep Guardiola a arraché la Premier League à Liverpool comme seul trophée de la saison et surtout poursuivi sa refonte d’effectif. Terminé le fameux faux numéro neuf dont il vante les mérites depuis l’époque Lionel Messi au FC Barcelone (2008-2012). Pour la première fois depuis qu’il s’est assis sur le banc des Citizens (2016), l’espagnol a décidé de miser sur Erling Haaland pour occuper la pointe de son dispositif. Un sacré retour en arrière pour lui, qui n’avait plus composé avec un joueur de ce profil depuis Zlatan Ibrahimovic en 2010. D’un dogmatisme affiché et assumé, Guardiola a donc revu ses plans pour mieux s’adapter au football moderne avec le doux rêve d’enfin soulever sa première Ligue des Champions depuis douze ans (la dernière avec le Barça en 2011 face à Manchester United). En 2021, il a bien regoûté au plaisir de disputer la finale, mais battu par Chelsea (0-1), il était reparti bredouille.
Son homologue, quant à lui, a eu la chance de soulever deux fois la coupe aux grandes oreilles (2014 et 2022) avec le Real, dont la saison dernière. Recordman du nombre de C1 en tant qu’entraîneur (4), le technicien italien est aujourd’hui considéré pour beaucoup comme la référence à son poste. Un cinquième sacre le 10 juin prochain à Istanbul le placerait tout en haut de la hiérarchie mondiale.
Un football champagne
Si le football a parfois été bercé par des classiques, (Real-Barça des années 2010, PSG-Barça plus récemment), l’opposition entre Merengues et Citizens n’est pas nouvelle, mais moins récurrente. Les deux formations se sont rencontrées à huit reprises pour trois victoires chacune et deux matchs nuls. En opposition directe, Carlo Ancelotti et Pep Guardiola se sont affrontés deux fois (la saison dernière), pour une victoire chacun et la qualification au final pour l’italien.
Si les fameux Real-Barça ont émerveillé les fans du ballon rond lors de la dernière décennie avec une génération de talents exceptionnels, la vision prônée par les deux techniciens a aussi évolué. Ne parlez pas de tiki-taka à Guardiola, mais de jeu de position. Ne parlez pas non plus de transition à Carlo Ancelotti, mais de jeu direct. L’espagnol est armé pour confisquer le cuir à son adversaire comme il a jadis si bien su le faire en Catalogne alors que le natif de Reggiolo joue davantage sur un jeu de contre-attaque en s’appuyant sur son taulier Karim Benzema. Bien que moins en verve que la saison dernière, le français reste l’élément clé du Real Madrid. Tandis qu’en face se tiendra le meilleur buteur actuel de la compétition en la personne de Erling Haaland (12 buts).
Selon certains de mes confrères, le Real serait meilleur que la saison dernière, à l’image d’un Eduardo Camavinga désormais bien installé dans le couloir gauche, ce que Didier Deschamps a permis de révéler lors de la dernière finale de Coupe du Monde au Qatar. Tant mieux pour le (futur) spectacle, Manchester City aussi a monté le son. Intenable depuis quelques semaines, revenu à quatre longueurs d’Arsenal en championnat - à l’heure où j’écris ses lignes - le changement tactique de “Pep” n’y est pas étranger. Le fait de sortir Riyad Mahrez du onze titulaire a permis à Bernardo Silva de retrouver son poste de prédilection et surtout à Jack Grealish d’enfin s’imposer sur son aile. Avec le cyborg norvégien devant, ce City-là ressemble désormais à un véritable rouleau compresseur.
La question est aujourd’hui de savoir si le club Galactique, du haut de ses 14 titres en Ligue des Champions, saura à nouveau faire parler son expérience ou bien si Josep Guardiola va enfin parvenir à faire franchir le fameux cap qui lui manque afin d’aller chercher son premier trophée européen le 10 juin prochain, face à l’un des deux Milan.