La galerie Perrotin est ravie de présenter Exonaut horizon, la deuxième exposition personnelle de l’artiste français Jean-Marie Appriou à la galerie, et sa première dans l’espace parisien. Puisant son inspiration dans les cultures anciennes telles que la mythologie égyptienne et grecque, Jean-Marie Appriou repousse les frontières des techniques sculpturales traditionnelles en mélangeant des matériaux divers tels que l’aluminium, le bronze, le marbre, le verre et la lave. À travers son processus de création, l’artiste commence par utiliser de l’argile, où chaque pièce est méticuleusement modelée à l’échelle, laissant ses empreintes comme une marque durable de son approche pratique. L’exposition, qui rassemble des œuvres de diverses tailles—des pièces plus petites aux sculptures monumentales— cristallise plus d’une décennie de recherche technique et conceptuelle. La galerie se métamorphose en une mise en scène immersive, invitant les visiteurs à pénétrer dans l’univers énigmatique d’Appriou.
Cosmonautes russes, astronautes américains, spationautes européens, taïkonautes chinois... Chaque culture possède son nom pour dire les visiteurs du ciel. Exonautes, c’est ainsi que Jean-Marie Appriou appelle les siens. Des êtres fascinants, au corps de chrysalide, ou de momies cosmiques. Leur tête, c’est un crâne de cristal, au centre duquel fleurissent des visages, démultipliés comme sous l’effet d’une mitose—une division cellulaire qui rappelle l’éclosion de la vie initiale. Ces visages, fractales s’amusant à rejouer l’humanité, tiennent aussi des atomes, activant dans leur sphère leurs réactions élémentaires, évocation de celles énergisant la soupe primordiale, le tohu-bohu des premières choses. Ces voyageurs, si futuristes, sont-ils témoins du Grand Commencement? Leur espace est le mélange des temps et les créatures qu’ils rencontrent tiennent de tous les mondes.
Les exonautes sont les explorateurs de l’ultime, de l’au-delà de l’horizon. Exo, c’est une sonorité de notre temps. Exo, comme les exoplanètes que découvre encore notre puissant télescope, James Webb, nous faisant rêver à une autre vie dans le cosmos. Comme Exosquelette aussi, l’ossature externe des insectes et des crustacés, qui nous sert aujourd’hui à imaginer des formes extraterrestres, et de nouveaux corps pour flotter dans le vide intersidéral. Exo, c’est tout ce qui nous projette à l’extérieur, l’extérieur ultime, ce qui se cache derrière l’horizon. Chaque époque a son ciel. On y a caché des dieux, des sphères cristallines, le mouvement des astres, des petits hommes verts, le Paradis. Et aujourd’hui? Aujourd’hui, jamais le ciel n’a donné tant de promesses : nos origines, la dilation du temps et de l’espace, la formation de la matière et de l’anti-matière, les dimensions cachées, les multivers, les métamorphoses éternelles. Notre horizon désormais, c’est l’autre bout des galaxies. L’Event horizon, l’horizon des évènements, c’est ainsi qu’on appelle l’énigme insondable, celle qui s’entrevoit sur les bords des trous noirs. La lumière, la matière y sont absorbées. Tout disparaît en une fusion parfaite. Est-ce une apocalypse ? Une Genèse ? Une porte ? Un réagencement des éléments? Une Divinité cachée? Notre seule certitude : Ici coule la source des secrets.
Dans cet Exonaut horizon, plus haut que le septième ciel, Jean-Marie Appriou place le berceau cosmique, creuset des énigmes passées et futures. Là, les temps et les formes s’hybrident, les créatures mythiques peuplent des civilisations à venir. Êtres fabuleux et matières ignées, façonnés par l’artiste, en suspens, ensemencent des mondes à naître, ou se laissent façonnés par la respiration de l’univers, entre inspiration créatrice et expiration entropique... Les formes se cherchent, vacillent, se recomposent. Rien ne s’éternise. Seul le mouvement est perpétuel. Des confins des multivers parviennent des matières élémentaires qui jouent de nouvelles combinaisons. Les débuts et les fins des mondes ne sont ni commencement ni destruction. Ils rythment le souffle, le flux et le reflux du Tout. L’espace se dévoile comme Océan du dessus. Et son fascinant bestiaire, c’est celui des grandes marées du cosmos.
Ce qui se rêve lorsque nous levons la tête c’est le suprême voyage, celui qui nous libèrera de notre petitesse, de l’indigence de notre imagination, de la conspiration de notre réalité. Grâce à cette exploration, nous deviendrons immenses. Pas plus puissants, mais plus profonds.
(Texte de David Wahl, écrivain et dramaturge)