Dans un premier temps, il s’agit d’expliquer à la génération TikTok-Instagram de qui l’on parle. Eugène Saccomano, ce fut cinquante-deux ans de radio (Europe 1 puis RTL), un personnage haut en couleurs à l’impressionnante culture footballistique. Également écrivain, auteur notamment de Bandits à Marseille, adapté au cinéma par Jacques Deray (Borsalino) en 1970, Sacco de son surnom était LA voix du foot hexagonal, couvrant toutes les compétitions officielles internationales. Instigateur du talk-show en France, il a aussi su créer des vocations dans l’univers radiophonique. Décédé à Suresnes, ce passionné de l’OM laisse derrière lui un héritage inestimable.

La légende de la radio nous a quitté il y a donc déjà une demi-décennie. Dans ce monde, il y a ceux dont le timbre de voix vous porte et vous transporte, jusqu’à rester des heures le son à fond dans les écouteurs. Sacco fait, à ce niveau-là, ou plutôt à fait, l’unanimité. Sa voix tirant dans les aigus, parfois même assourdissante, témoigne de la passion qu’a voué ce féru de l’OM tout au long de sa carrière. Le football n’a jamais eu de secret pour lui, d’où sa connaissance profonde de ses arcanes, avec des amis de longue date comme Bernard Tapie ou Roland Courbis.

C’est en 1952 que tout commence, quand l’adolescent Eugène, 16 ans, se lance dans un concours du meilleur reporter junior pour le magazine l’Equipe qu’il remporte devant un certain Thierry Roland. Cette distinction lui permettra d’assister aux Jeux Olympiques d’Helsinki cette même année. Ses origines sont locales, il grandit dans le Gard à Salindres où son père est boulanger, puis à Saint-Martin-de-Valgalgues. Il s’installe ensuite à Nîmes de ses douze à vingt ans, où il joue avec les Crocodiles.

Sa carrière en tant que journaliste, elle, s’amorce après son service militaire, en 1959 quand il décroche son premier job en tant que reporter au Provençal (journal le plus lu de la région). Et ce n’est qu’un an plus tard que les choses sérieuses commencent puisqu’il est nommé correspondant permanent d’Europe n°1 (ancien nom d’Europe 1) à Marseille. En 1970, l’année de la sortie sur grand écran de Borsalino (avec Alain Delon et Jean-Paul Belmondo), soit onze ans plus tard, il rejoint la rédaction de la station parisienne, pignon sur rue à l’époque, pour présenter les journaux.

En 1972, il intègre le service des sports dirigé par Fernand Choisel et devient la voix officielle des plus grandes compétitions de football, officiant également pour les Jeux Olympiques et c’est en 1996 qu’il crée Europe Sport, première émission entièrement consacrée à l’actualité sportive sur les ondes. Après la Coupe du Monde 1998 arrive le fameux « Match du Lundi », sous forme de débat, directement inspiré de son homologue italien « Il processo del Lunedi » où la maison mère du football envoyait quelques-uns de ses plus émérites chroniqueurs afin de prendre la température avant de venir installer ce modèle d’un nouveau genre dans l’Hexagone.

L’OM au coeur des débats

Réunis dans l’émission culte qui rassemblait les journalistes sportifs de l’époque (Gilles Verdez, Hervé Penot, Alessandra Bianchi, Daniel Riolo), diffusée sur l’équipe TV puis i-Télé le lundi soir à l’issue du week-end foot sur Canal Plus, Sacco a progressivement fait de ce programme la grand-messe du ballon rond, avec échanges endiablés et points de vue parfois emballants, parfois divergents. Evidemment, son club de coeur était au menu et nombreuses étaient ses enflammades à l’antenne, quand Fabrizio Ravanelli obtenait le pénalty de la discorde au Parc lors du Clasico de novembre 1997, ou encore quand Didier Drogba envoyait, un jeudi soir de 2004, le club phocéen en finale de la Coupe de l’UEFA en mettant Newcastle au tapis.

Avec l’exagération marseillaise qui lui était propre, Eugène poussait à rester sous la couette les soirs de Coupe d’Europe, l’oreille collée à la radio pour ne pas réveiller les parents, à une heure où tous les jeunes de mon âge étaient censés dormir profondément. Une époque où l’OM de son ami Courbis s’extirpait du Celta Vigo en quarts de finale grâce à un doublé de Florian Maurice, avant le pénalty de la dernière minute de Laurent Blanc à Bologne qui emmenait les ciel et blanc en finale au stade Lujniki face au grand Parme de Lilian Thuram et Hernan Crespo. Autre temps, autre moeurs.

1998 : « inoubliable, inimaginable »

Mais c’est sûrement sans évoquer ce qui est peut-être sa meilleure sortie. Le soir du 12-Juillet, il se lance dans une diatribe dont lui seul à le secret, illuminant certains de ses auditeurs qui avaient, pour l’occasion, coupé le sifflet du mythique duo Rolland-Larqué sur TF1 pour ne laisser que la voix d’Eugène. Un Aimé Jacquet tant décrié par ses confrères de L’Equipe, un Zidane critiqué pour son rouge face aux Saoudiens et une finale en apothéose qui a marqué à tout jamais l’histoire du foot français.

C’était ça, Sacco.