Il aura fallu un compromis proposé par la présidence du conseil de l’UE pour qu’après 8 mois de débat, les 27 ministres de l’énergie se mettent d’accord sur la réforme du fonctionnement du marché de l’électricité. Cet accord doit désormais passer le trilogue, discussion entre le Parlement européen, le conseil de l’union, et la commission. En cas de validation, il permettra aux États membres d’avoir recours à des contrats sur la différence (CFD) pour les investissements dans de nouvelles installations de production d’énergie renouvelable et nucléaire.
L’Allemagne et ses voisins anti-nucléaires Luxembourgeois et Autrichien ne souhaitaient pas étendre l’utilisation de ces CFD aux installations nucléaires existantes, mais les ministres se sont finalement mis d’accord sur un recours facultatif à ces contrats pour les centrales actuelles. La guerre en Ukraine et la hausse des taux d’inflation ont poussé ces pays dépendants au gaz, précédemment satisfais des mécanismes du marché de l’énergie, à accepter une modification des règles.
Paris envisage d’utiliser ces CFD pour augmenter la capacité et prolonger la durée de vie des centrales du parc nucléaire français. Ces contrats d’écart compensatoire bidirectionnels engagent le producteur d’électricité à verser une compensation à l’État lorsque le cours du marché de gros dépasse le prix fixé par le CFD, et inversement lorsque le prix de l’électricité baisse.
Les recettes perçues par l’État quand le prix du marché est inférieur au prix défini par les contrats pourraient servir de bouclier tarifaire, et permettre aux particuliers et aux entreprises d’acheter aux coûts de productions, plutôt que de se baser sur celui de la dernière centrale appelée pour produire l’électricité comme c’est le cas aujourd’hui. L’électricité française serait donc accessible à un prix modeste, qui reflète le mix énergétique national. La France gagnerait en attractivité grâce à sa politique nucléaire qui assure aujourd’hui 70% de sa production d’électricité, au grand dam du voisin allemand.
Cet accord pourrait aussi enterrer l’ARENH, en vigueur jusqu’en 2025, et mettre la France à l’abri des flambées de prix comme celle d’Août 2022 lorsque le prix du MWh d’électricité avait dépassé les 600 €. En cas d’entente entre le conseil et le Parlement, L’UE tiendrait enfin son accord pour stimuler l’investissement en énergies décarbonées, et répondre à l’Inflation Reduction Act américain et ses investissements énergétiques conséquents.
En parallèle, le gouvernement a mené des discussions avec EDF pour déterminer la régulation des futurs prix de vente du nucléaire. Elizabeth Borne et son interlocuteur Luc Rémont, PDG du premier fournisseur d’électricité français, ne semblait pas sur la même longueur d’onde. La première ministre souhaitait adopter un prix proche de ce qu’EDF paie, ce que ne semble pas accepter l’entreprise dont l’état est le seul actionnaire mais qui détient toujours une unité de commande totale. Les deux parties ont finalement trouvés un accord le mardi 14 novembre, fixant le prix du mégawattheure (MWh) d’électricité nucléaire aux alentour de 70 € à partir de 2026.
Depuis 2011 et le dispositif d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), ce prix est plafonné à 42 € ce qui force EDF à vendre une partie de son énergie à des prix nettement moins élevés que ceux du marché, qui oscillent entre 90 et 120 € par MWh. L’état français s’est montré raisonnable envers EDF dans le but d’assainir les finances de l’électricien qui sort d’une période difficile mais qui doit penser à ses investissements futurs comme l’a rappelé Bruno Le Maire lors de la présentation de l’accord.
De nombreux détails doivent encore entre réglés à l’échelle nationale. Il faudra aussi garder un œil sur les discussions européennes qui s’avèrent déterminantes pour l’avenir du prix l’électricité française, et donc de l’attractivité nationale.