Comme nous l’avons développé dans la première partie, les comparateurs d’assurances, outils peu coûteux de pérennisation de la relation client, sont loin de lui apporter une réponse répondant à ses besoins et à ses attentes. Par conséquent, que cachent-ils réellement ?

Cet outil de communication et de prospection permettrait aux assureurs de toutes les familles (sociétés, mutuelles et Instituts de prévoyance) de détecter ceux de leurs assurés potentiellement infidèles ! C’est l’assuré qui sonne l’alarme à son insu… C’est sans doute le but recherché par les marketeurs pour harponner ou fidéliser un client au moindre !

Se connecter volontairement à un comparateur d’assurance ou y être incité, est un des warnings qui va inciter votre assureur à tenter de vous garder dans son portefeuille au cas où vous souhaiteriez changer de crèmerie. La raison en est simple : il est nettement moins coûteux de fidéliser un client que d’en acquérir un nouveau ! Dans un marché saturé et hyper concurrentiel, le coût d’acquisition d’un nouveau client est rédhibitoire, tant pour la compagnie que pour un intermédiaire. Dans ce cas, la probabilité pour qu’il prenne contact avec vous, d’une manière ou d’une autre via le Net, dès le premier clic est élevée.

La fidélisation de la clientèle est une stratégique globale, un ensemble de pratiques visant à satisfaire et à leur donner confiance afin qu’ils ne résilient pas leur contrat pour un mieux-disant. Comme tout commerçant, votre assureur a mis en place un panel de solutions marketing pour se rappeler à votre bon souvenir et vous inciter à ne pas le quitter. Voici un catalogue de solutions proposées sur Internet.

1- Vous offrir des avantages exclusifs, par exemple :

  • un taux de crédit préférentiel si vous souhaitez changer de véhicule.
  • des réductions et des bons d’achat chez des sociétés partenaires.
  • une réduction de tarif en cas de souscription d’un second ou d’un troisième contrat.
  • un cadeau si vous parrainez un nouvel assuré.

2- S’intéresser à la qualité de votre parcours client, via des enquêtes de satisfaction lors d’une demande de devis, d’une souscription, d’une intervention d’assistance ou d’un sinistre et tentera de remédier à une déception née lors d’une étape du processus… Au cours de celui-ci, il s'attachera à savoir si vous le recommanderiez à un ami, un proche ou à un collègue de bureau… Une façon discrète de savoir, en fait, si vous avez pardonné son éventuelle impéritie !

3- Vous informer régulièrement :

  • contractuellement avant chaque échéance de cotisation et trimestriellement si vous avez souscrit un contrat d’assurance sur la vie.
  • via une newsletter commerciale avec un contenu technique et qualitatif, des informations sur votre actualité, des offres promotionnelles, des témoignages d’assurés satisfaits, etc.
  • en vous donnant la possibilité de télécharger des guides ou des livres blancs sur des sujets sociétaux (l’environnement, la climatologie, la pollution, la prévoyance, la retraite, la prévention, etc.).

NB. L’information communiquée a également pour but de sensibiliser le consommateur au risque. La peur de l’accident, l’éventualité d’un préjudice, les conséquences de la maladie et la perte d’un être cher, font partie de l’ADN de l’assureur. Ainsi, manipuler l’insécurité des biens et des personnes pour assurer leur légitimité est d’une grande habileté 1.

4- Construire une véritable relation d’échange en communiquant directement avec vous via :

  • un conseiller personnel, un intermédiaire d’assurance, un délégué local, un bus itinérant, un robot, etc.
  • une communauté virtuelle qui partage vos préoccupations, vos intérêts ou vos hobbies.
  • des webinaires sur des sujets sociétaux (la santé, la pratique du sport, l’alimentation, la nutrition, etc.).
  • des assemblées locales.
  • des clubs-services.

5- Améliorer en permanence la relation multicanale, grâce à :

  • de nouvelles applications pour smartphones et tablettes.
  • au design de son site web et de sa messagerie.
  • la personnalisation du contenu pour faire comprendre à l’assuré que son assureur l’estime à sa juste valeur (prénom, date d’anniversaire, type de logement, marque du véhicule assuré, etc.).

6- Proposer des offres de parrainage ciblées ouvrant droit à des réductions immédiates.

7- Anticiper les attentes des clients en tenant compte :

  • des nouveaux mode de déplacement (vélo, trottinette), de travail (télétravail, coworking, semaine de 4 jours).
  • des contraintes résultant du réchauffement climatique et de la montée du niveau des océans.
  • de leurs addictions (tabagisme, alcoolisme, etc.).

Comme vous le voyez, les assureurs et les banquiers ont développé des outils de connaissance en ligne de leurs prospects et de leurs assurés de plus en plus pertinents et automatisés, dès que l’un d’eux met le petit doigt dans un comparateur en ligne.

Démarchage à domicile abusif

Cette évolution a incité certains distributeurs d’assurance à enfreindre les lois sur le démarchage à domicile. Grâce aux informations recueillies lors d’une connexion à un comparateur, certains distributeurs ne respectent pas les obligations du démarchage téléphonique en assurance 2.

Certaines pratiques sont interdites par l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) dans le cadre des communications et pour la conclusion du contrat. En effet, les distributeurs (assureurs, mandataires, courtiers et grossistes) ont l'obligation de s’interdire :

  • de créer, en lieu et place du prospect, une adresse électronique pour lui permettre de recevoir la documentation précontractuelle et contractuelle. Si la création d’un espace sécurisé, mis à la disposition du prospect, est tout à fait possible, son utilisation est à l’initiative du prospect.
  • de présenter le droit de renonciation comme une absence d’engagement.
  • d’appeler ou de rappeler les prospects ne souhaitant pas recevoir des appels de nature commerciale.
  • de ne pas proposer au prospect de souscrire un contrat pour un risque déjà couvert, s’il ne s’est pas assuré de la possibilité de résiliation.

Ainsi, la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) prononce des sanctions administratives à l’encontre des contrevenants pour manquement aux dispositions du Code de la consommation relatives à la liste d’opposition au démarchage téléphonique.

Comment faire pour comparer valablement ses assurances ?

Souscrire le contrat qui répond parfaitement à votre situation n’existe pas, vous l’avez compris. Il convient donc de choisir celui qui répondra le mieux à vos priorités du moment, à votre situation familiale et à votre situation professionnelle. Pour un primo-assuré, choisir un contrat pour la première fois en recourant aux sites des comparateurs d’assurance est une aubaine dont il ne faut pas s’abstenir, mais c’est également une gageure pour un novice, eu égard à certains écueils que nous avons mis en exergue plus avant dans cette chronique.

Il importe, avant tout, de choisir le bon niveau de garantie, par exemple :

  • pour une assurance auto jeune conducteur, l’option « tous risques » n’est pas forcément la meilleure solution, surtout si votre véhicule a déjà quelques années et beaucoup de kilomètres au compteur.
  • pour une assurance habitation, estimez à sa juste valeur, le montant du mobilier.
    Ne pas hésiter à vous informer auprès d’amis, de collègues ou de proches… et de leur demander qu’ils vous communiquent leurs contrats.

Pour un assuré aguerri, il est pertinent de comparer toute nouvelle offre au contrat possédé (garanties, franchises, services, etc.). De plus, sachez que le montant des franchises influe significativement sur le montant de votre cotisation. N’hésitez pas à les moduler en fonction de l’état de vos finances, voire à les racheter, ultérieurement. En cas d’avenant, il importe de lire les conditions générales du nouveau contrat par rapport à l’ancien (Ce qui entraîne une modification de la référence des CG successives : 2023 H, contre 2023 G, auparavant, par exemple).

Comparer son assurance, une posture de salon ?

En conclusion, certains pros de la comparaison assurantielle, prétendent que l’important pour le consommateur, en quête d’un tarif plus compétitif chez un concurrent, est de consulter par principe les comparateurs, avant d’opter pour un assureur mieux-disant bien que déplorant un manque de transparence des sites en ligne. Ils insinuent également que, ce faisant, certains assurés se flattent, par ailleurs, d’avoir exhumé le contrat le moins cher du marché, ignorant tout des économies réalisées et des garanties souscrites à cette occasion, afin de ne pas passer pour des has-been. Dans les deux cas, ce faisant, l’assuré a comparé et a communiqué, en l’occurrence, une foule d’informations stratégiques aux assureurs consultés.

Allez comprendre une telle posture, alors que les critiques pleuvent, à juste titre, sur les sites de comparaison des offres d'assurance en ligne 3? Faut-il en être un des promoteurs pour dénoncer en ligne les sites gratuits de ses concurrents ?

L’in comparateur en ligne gratuit, est-il mort ?
Vive le comparateur payant ou une version de ChatGPT plus perspicace !

Notes

1 "Maintenir les hommes dans la peur, c’est les maintenir sous un grand pouvoir", écrivait Machiavel dans Le Prince (2007).
2 Le décret n° 2022-34 du 17 janvier 2022 contraint les distributeurs d’assurance réalisant une activité de démarchage téléphonique, à recueillir le consentement de l’adhérent ou du souscripteur éventuel afin de pouvoir poursuivre l’appel (paragraphes IV et V de l’article L.112-2-2 du Code des assurances et l’article R.112-7.
3 Les comparateurs d’assurance auto : amis ou ennemis des conducteurs ? et Arnaques à l’assurance : un nouveau registre pour vérifier l’identité des assureurs.