Depuis quelques décennies, beaucoup, hommes et surtout femmes se sont mis à l’ouvrage pour exhumer des figures féminines qui ont brillé dans le domaine des arts, de la littérature ou des sciences. Bénédicte Flye Sainte Marie en fait partie. Dans Je suis née au son du violon (éditions Infimes), la journaliste met en lumière une des plus grandes violonistes de son temps. L’auteure d’une biographie riche et bien renseignée, nous rappelle ce qu’a été Camille Urso :une violoniste virtuose qui s’est battue, dans une époque où la parité n’était pas encore de mise, pour que le violon devienne un instrument à la portée de toutes.
Camille Urso, née le 13 juin 1840, se découvre très tôt une passion pour le violon. Sa mère, Marie-Émilie Girouard, essaie de freiner cet enthousiasme. Impensable pour elle que sa progéniture, née femme, puisse jouer de cet instrument qu’on dit taillé pour le corps des hommes. Camille tente alors de convaincre son père Rosalin-Salvatore Urso, flûtiste d'origine italienne, de la nécessité vitale pour elle de savoir jouer de l’instrument à corde. Touché par la volonté de sa fille, et malgré le refus de son épouse, il accède à sa demande. Il ressent chez son enfant une exaltation et une détermination qu’il refuse d’entraver. Un professeur est difficilement trouvé qui accepte enfin de prendre en charge l’apprentissage de Camille, sous condition. « Félix Simon ami de Salvatore et premier violon dans l'orchestre du théâtre de Nantes accepta de lui enseigner les rudiments de sa discipline. Il avait exprimé, si dans un an le don de Camille pour le violon ne s'était pas confirmé, le maître et son étudiante en resterait là ».
Félix est le premier que Camille éblouit par sa persévérance, « l'équilibre des forces s'inverse ; l'homme expérimenté » est impressionné par « cette bambine dont la virtuosité n'avait d'égal que son obstination ». L’aventure de Camille Urso peut alors commencer. « Cet elfe au pupilles noires », donne son premier concert à Nantes et c’est pour elle et ceux qui ont cru en elle, une première consécration. Le public l’acclame comme une grande, il ne fait aucun doute pour son père, il faut offrir à Camille les chances de confirmer son talent auprès des grands maîtres du violon.
Le génie de Camille doit se déployer ailleurs, décision est prise par Salvatore, d’offrir à sa fille la possibilité d’intégrer le Conservatoire de Paris, quitte à faire le choix d’abandonner un temps une partie de sa famille à Nantes et de s’installer « dans une misérable mansarde du faubourg Saint-Marcel ou dans le cloaque malodorant des chiffonniers de la rue Mouffetard ».
Camille va-t-elle pouvoir perfectionner son jeu de violoniste au contact des plus grands maîtres de l’époque ? Le directeur du Conservatoire de musique de Paris, Daniel-François-Esprit Auber, refuse catégoriquement qu’elle soit admise au sein de sa prestigieuse école. Depuis sa création en 1795, le Conservatoire n’accepte de dispenser aux femmes l’enseignement quasi exclusif du piano ou du chant. Mais, Salvatore ne s’avoue pas vaincu pour autant, épaulé par Félix Simon, il va réitérer plusieurs fois sa demande. Il souhaite pour sa fille une instruction à la hauteur de son génie. Avec un acharnement à la limite du harcèlement, il finit par convaincre le directeur d’accepter que Camille soit auditionnée. Ils seront soixante-dix garçons à concourir ce jour-là de 1851 et elle sera la seule et unique fille. Camille Urso subjugue le jury, ils sont tous d’accord, elle a toute sa place dans la prestigieuse institution parisienne. C’est alors, le début d’une reconnaissance qui emmènera Camille Urso vers un destin incroyable, comme nous l’explique tout au long de son récit Bénédicte Flye Sainte Marie.