Comme je le soulignais dans le précédent article concernant ce sujet, la médecine traditionnelle africaine se définit comme l’ensemble des connaissances et pratiques explicables ou non, pour diagnostiquer, prévenir et éliminer un déséquilibre physique, mental ou social.
L’art médical y est tant curatif que préventif. La maladie, qu’elle soit physique ou mentale est bien souvent le fruit d’un manquement de l’individu ou de la communauté. Ainsi, pour la soigner il est nécessaire d’accomplir des rituels adaptés afin de calmer les forces qui ont été agitées par ces manquements.
Chez les mandingues par exemple, notamment les Bambaras, l’homme est né sous l'un des groupes d'étoiles suivantes : Gamarr ou Gamarrou (lundi), Mariech (mardi), Outaridou (mercredi), Moustarii (jeudi), Zouhourath (vendredi), Zoual (samedi), Sainsou (dimanche).
Lorsqu'une personne tombe malade, la récolte de la ou des plantes destinées à lui rendre la santé doit se faire à un moment propice bien particulier. Ce moment correspond au jour de naissance de l’individu et à une heure qui varie avec le groupe d'étoiles sous lequel il est né. Un exemple : Mamadou, né sous Zouhourath, est souffrant. Le médicament qu'on lui destine est cueilli un vendredi au cours de la période qui va de deux heures à trois heures de l'après-midi. Lorsqu'on ignore le jour de naissance d'un malade, on se base sur celui du début de sa maladie. Chez d’autres populations qui ignorent totalement ce qui est relaté ci-dessus, la récolte des plantes médicinales a lieu, d'une façon générale, le dimanche, le mardi et le jeudi de six heures à sept heures du matin.
Chaque groupe d’étoiles apparaît 3 ou 4 fois en 24h. À leur première apparition, les étoiles se présentent « blanches », à la seconde, elles sont noires et à la troisième mélangées. La récolte des plantes doit se faire au cours de cette troisième période « mélangée » (c’est à dire noire et blanche). En magie, quand on souhaite le bien de quelqu’un, on travaille pour lui sous son étoile blanche, au contraire, lorsqu’on lui souhaite un malheur, c’est sous son étoile noire que l’on agit.
Toujours d’après les croyances mandingues, toute la flore terrestre dérive de sept plantes. Si on connaît le jour du début de la maladie, il suffit d'effeuiller la plante dont la création correspond à ce jour. Faire infuser ces feuilles et se baigner dans l'infusion pour être guéri.
Le lundi, le nzaba (Landolohia owariensis); mardi, le néré (Parkia biglobosa); mercredi, le routou (Parinari curatellaefolia); jeudi, le diaro (Securidaca longipedunculata); vendredi, le mana (Lophira alata) ; samedi, le youroukouraoun (non déterminé faute d'échantillon) ; dimanche, le nkounguié ou ngounguie (Guiera senegalensis).
Ces remèdes sont dits généralistes, dans le sens où ils ont les vertus de traiter n’importe quelle affliction. Cependant, si le mal est déterminé, par conséquent le remède connu, il faut introduire dans le médicament ordinaire de la maladie, une poignée des feuilles de la plante appropriée, choisie parmi celles mentionnées ci-dessus, pour obtenir une guérison encore plus sûre et plus rapide.
Pour connaître l'issue d'une maladie grave, le guérisseur se livre souvent à des expériences qui lui permettent d'affirmer, sans se tromper, du reste, si le malade doit survivre ou non à sa maladie.
Il existe plusieurs manières de faire ces expériences qui varient avec les diverses communautés, en voici une :
Le guérisseur, armé d'un couteau, fait trois fois le tour d'un très jeune nbouréké (Gardenia triacantha) en disant : « Souroukou dafabélé, adafa nionmougou ». Il coupe d'un seul coup de couteau quelques rameaux feuillus avec lesquels on confectionne trois paquets. Il revient à la maison chargé de ceux-ci. Il prend un récipient, répète sur le fond de celui-ci le verset mentionné plus tôt avant d'y introduire une eau et les trois paquets de rameaux feuillus de mbouré (Gardenia triacantha).
Il fait bouillir et transvase le liquide bouillant dans un mortier profond sur le fond duquel on récite encore « Souroukou dafabélé adafa nionmougou ». Il plonge un des deux bouts du pilon dans le liquide et lui imprime de rapides mouvements de rotation. Au bout d'un certain temps qui n'est pas long, le pilon utilisé s'arrête net, en équilibre au milieu du mortier profond. Bon signe qui signifie que le malade que l'on se propose de soigner survivra à sa maladie qui est, par suite, curable. Si le pilon perdait l'équilibre et tombait sur le bord du mortier parce que le liquide n'est pas assez épais pour le maintenir debout, cela signifierait que tout soin demeurerait inutile. Dans ce dernier cas, le guérisseur refuse ses soins au malade ou soigne celui-ci sans lui prendre d'argent.
Comme nous pouvons donc l’observer, la guérison d’un mal qui touche l’individu a tant à voir avec son propre organisme qu’avec toutes les influences extérieures qui auraient pu être à l’origine de son mal. La terre, les étoiles, les ancêtres, les esprits, les plantes, les animaux, sont autant d’éléments qui peuvent être à l’origine du mal et donc autant d’éléments à consulter pour résoudre celui-ci.