J’ai récemment visionné un épisode d’une série d’animation assez populaire. Cet épisode intitulé « Zima Blue » m’a particulièrement touché.
On y suit l’histoire d’un artiste mondialement connu : Zima, qui ne cesse de surprendre son audience de par la réalisation d’œuvre de plus en plus grandiose et sophistiquée.
Le récit nous dévoile que Zima a commencé sa carrière artistique en réalisant des portraits. Cependant, sa quête de sens l’a poussé à regarder plus loin. Il commença à réaliser de grandes fresques représentant le cosmos lui-même. Ces œuvres gigantesques avaient toutes quelque chose en commun : le fameux Zima Blue. Ce bleu bien reconnaissable apparaissait en aplat de couleur sur toutes les œuvres de Zima.
Les dimensions variaient mais le concept demeurait le même. Cette couleur bleue si particulière apparaissait toujours sous forme géométrique en plein centre des œuvres de Zima. Jusqu’au jour où la toile qu’il dévoila était entièrement couverte de bleu. Il commença donc à peindre directement de couleur bleue dans l’espace.
Nous apprenons au fil de l’œuvre, que Zima prépare l’œuvre qui est censée être l’aboutissement de sa carrière artistique. La narratrice de l’histoire, une journaliste, est invitée dans sa demeure pour l’occasion afin de raconter son histoire.
Nous apprenons grâce à cette dernière, que l’artiste s’est rendu sur une planète nommée Karkov-8 et y a fait subir diverses modifications à son corps. Cela lui permit de résister à des températures et survivre à des environnements absolument inimaginables pour le commun des mortels. C’est ainsi qu’il partit à la conquête du cosmos dans le but ultime d’atteindre la béatitude derrière laquelle il a toujours couru. Grâce à ce corps impénétrable par les forces de la nature, Zima put devenir l’observateur ultime et se plongea avec ardeur au sein des forces qui composent l’univers. En effet, cette obsession pour l’art qui l’animait, l’a poussé à aller aux confins du monde à la recherche de réponses qui pourraient combler ce vide inexplicable qu’il ressentait malgré l’ampleur de ses accomplissements.
Zima conduit donc la journaliste devant une piscine qui sera selon lui, l’aboutissement de son œuvre artistique. D’apparence anodine, cette piscine est en réalité le lieu où débute son histoire.
Zima nous apprend qu’il était en réalité un robot nettoyeur créé il y a très longtemps par une femme passionnée de robotique. Sa seule tâche était de nettoyer la piscine. Au fur et à mesure, sa propriétaire lui ajouta des fonctionnalités et un cerveau capable de prendre ses propres décisions afin de toujours opter pour les meilleures options de nettoyage. La créatrice finit par décéder et Zima passa de propriétaire en propriétaire, subissant toujours plus d’améliorations jusqu’à prendre une forme humanoïde et quitter la piscine qu’il avait toujours connue.
Le jour de sa prestation, devant un public médusé, Zima plonge dans la piscine et se déconstruit progressivement, se séparant des éléments qui lui donnaient l’apparence humanoïde, pour retrouver la forme originelle sous laquelle il nettoyait inlassablement les carreaux de cette piscine privée afin de lui faire retrouver sa couleur bleue originelle.
Ce bref résumé que je viens de dépeindre ne rend pas justice à la qualité de l’histoire qui est racontée dans cet épisode. Je recommande vivement à tous d’aller visionner cette œuvre qui nous parle à tous à différents degrés. Bien que Zima Blue, nous raconte l’histoire d’un robot, cette histoire fait écho à l’histoire individuelle de chaque être humain en quête de sens et dans un certain sens, à l’histoire de l’humanité dans sa globalité.
Lorsque nous cherchons un sens à nos actes ou à notre identité, nous commençons, pour la plupart à chercher ce sens dans des éléments extérieurs. C’est précisément ce que fait Zima en tournant son art vers le portrait puis la représentation du cosmos. Zima est allé jusqu’à devenir l’observateur parfait, modifiant son corps afin de parcourir l’univers et se plonger au sein des éléments qui le composent. La journaliste émet un commentaire à ce sujet qui a particulièrement attiré mon attention : « Ce que Zima a éventuellement réalisé, c’est que le cosmos racontait déjà sa propre histoire, d’une bien meilleure manière que lui n’aurait jamais pu ». Zima put ainsi, après tant de sacrifices, se rendre compte par sa propre expérience du caractère dérisoire de cette quête qu’il s’était fixée, car non seulement elle ne lui procurait pas le sentiment qu’il recherchait, mais de surcroît, il était incapable de l’aboutir.
Zima, après tout ce qu’il a traversé, toute la connaissance qu’il a pu accumuler et toutes les montagnes qu’il a pu gravir, considéra que le parachèvement de son art se situait dans un retour à son état premier, celui d’un vulgaire robot nettoyeur de piscine. « Et en le faisant je vais graduellement fermer mes plus hautes fonctions cérébrales ». Pour nous, l’audience qui visionnons cette œuvre, le plongeon dans la piscine peut être vu comme la matérialisation du retour à l’enfant qui sommeille en chacun de nous. Cet enfant qui, plongé dans son microcosme, ne se pose pas la question de ce qu’il y’a au-delà, car tout ce dont il a besoin se trouve déjà là, dans ce petit cocon qui constitue son existence. La piscine peut aussi être vue comme l’idéal de l’accomplissement d’une vie. Ce geste ultime de Zima, soulève de nombreuses questions philosophiques que je ne pourrais exhaustivement citer ici.
Cependant, il est bon de rappeler que Zima n’est à l’origine qu’un robot nettoyeur aux fonctions limitées. Sa vie se résumait à rendre à cette piscine, la fameuse couleur bleue qu’il a longtemps reproduite inconsciemment dans son œuvre. Il n’avait pas d’autres problèmes à penser et il avait avec lui, tous les outils dont il avait besoin. Cette simple tâche fut pendant longtemps ce qu’il avait toujours connu et ce qui constituait le fondement de son existence. Années après années, il fut amené à accomplir de plus en plus de tâches. Les gens qui ont connu sa forme originelle disparurent les uns après les autres, et la mémoire de ce qu’il fut autrefois disparut avec eux. Zima lui-même avait donc pendant peut être plusieurs siècles, perdu cette mémoire qui formait l’origine de son identité.
L’intelligence qu’il gagna au fil des améliorations ne furent que des obstacles à son seul désir : avoir sous ses yeux le Zima Blue qui attestait du bon accomplissement de sa tâche. Ainsi enfoui sous des couches d’informations qui virent parasiter sa conscience, Zima oublia la raison de son obsession pour ce bleu et se tourna vers l’art pour retrouver ce qui pouvait combler le cœur de son « système ». La quête d’aboutissement qu’il poursuivit à travers son art, n’était en réalité que la matérialisation d’un mal être plus profond, l’oubli de ce qui était essentiel en lui, ce qui constituait la fondation de son existence. Allant de folies en folies, Zima alla jusqu’à peindre en bleu la couronne d’astéroïdes qui entourent la Terre.
La folie des grandeurs apparente de cette œuvre et le contraste qu’elle oppose à la simplicité de son bouquet final nous démontre nettement que Zima a expérimenté un éveil spirituel. Mais son histoire ne s’arrête pas pour autant car tant que la piscine sera à nettoyer, et elle le sera toujours, Zima continuera de rester en mouvement et trouvera de quoi tirer fierté de son travail.
En tant qu’humains, peut être avons nous tous cette fameuse piscine originelle ? Peut-être est-ce cette piscine qui constitue la source de notre constante insatisfaction face à notre condition ? Que cherchons nous à travers ce que nous accomplissons ? Le pouvoir ? La consécration ? La reconnaissance de nos pairs ? Le surpassement de nos limites ? Ou bien tout cela n’est -il qu’un prétexte à quelque chose de plus profond ?
Beaucoup de figures spirituelles à travers les âges, et ceux, peu importe les cultures, racontèrent que pour atteindre l’illumination, il fallait se délester des plaisirs de ce monde. Zima fait écho à cette leçon car en retournant dans l’eau, il accepte ainsi de revenir définitivement à cette simple condition d’existence, loin de tous les tumultes qui l’assaillirent depuis le moment où il avait quitté cette piscine. Il accepte également d’oublier tout ce qu’il a appris sur le monde, d’oublier toutes les informations qui ne lui servent pas et revenir à l’essentiel : le seul savoir qui lui permet d’assurer son existence et d’accomplir sa tâche.
C’est précisément cela, l’illumination, et Zima Blue nous le raconte magnifiquement bien…
Cette œuvre est un rappel au Zima qui est en chacun de nous. Celui qui nous souffle « Concentre toi sur ce qui t’apportera la santé et le sens et extirpe le reste de ton existence ».