Arsenal y va tout droit. Après sa nouvelle démonstration face à Crystal Palace ce dimanche (4-1), prenant huit longueurs d’avance sur Manchester City (qui a un match en moins) et en profitant pour soigner son goal-average (+40), le club londonien a fait un nouveau pas vers le titre de champion d’Angleterre. Mais avec encore dix matchs à jouer, soit trente points à glaner, ce matelas va-t-il suffire pour décrocher le premier sacre du club depuis vingt ans ?
On commence sérieusement à y croire du côté de l’Emirates, et à raison. En ce dimanche 20 mars, les Gunners viennent de concasser Palace, modeste douzième du championnat, grâce à son armada offensive. Saka et Martinelli ont marqué puis Xhaka a participé au festin. Dans une ambiance de fête, évidemment. Et ça sent bon pour eux, pour ces joueurs, pour Arteta, pour tous les fans. Il faut dire que les Gunners n’ont désormais plus que cela à jouer. Éliminés de l’Europa League jeudi soir par le Sporting Lisbonne à l’issue de la séance des tirs aux but, les protégés du coach espagnol devaient réagir face à ceux du nouveau nommé chez les Eagles, l’ancien défenseur du club Patrick McCarthy. Et ils l’ont fait avec la manière en faisant parler leur force de caractère, cette même force qui leur a permis de renverser Bournemouth au début du mois, quand la frappe du gauche de Reiss Nelson est allée chercher la lucarne droite de Neto au bout du temps additionnel (3-2). C’est dans ce genre de scénario que l’on peut remarquer la progression de cette équipe, et surtout de ne pas oublier d’où elle vient.
Le crunch du lendemain de Noël, pour éviter le crash
Car si Arsenal s’est aujourd’hui donné les moyens de rêver, il faut rappeler les origines du mal et remonter quelque temps en arrière pour comprendre cette remontée incroyable. Nous sommes le 26 décembre 2020 et Arsenal coule inexorablement. Chelsea se pointe alors à l’Emirates avec Frank Lampard sur le banc. La victoire est impérative pour les Gunners, sous peine de voir débarquer un Mikel Arteta qui n’est là que depuis… un an. Assez peu pour s’y habituer, mais suffisant pour le juger. Ses joueurs auraient pu le lâcher et laisser le club à un autre prétendant. L'Ibère a su faire front et s’imposer ce soir-là (3-1), remporter le derby et ensuite faire carton plein dans ce “Boxing Day de la peur”. La chance - ou hasard - du calendrier a voulu que les Gunners n’ont joué que des relégables. On ne saura jamais ce qui se serait passé si les adversaires avaient été d’un autre niveau, mais le résultat est maintenant là : Arteta a su sauver sa peau, celle de ses adjoints, de ses joueurs et a même réussi depuis, et brillamment, chacun de ses mercatos, au point d’être aujourd’hui à dix matchs de remporter le premier titre de champion d’Angleterre depuis l’époque des Invincibles de la légende Arsène Wenger. Sacré parcours et résilience de l’ancien adjoint de Josep Guardiola à Manchester City, qui, aujourd’hui et ironie du sort, se trouve non pas dans la position du chassé mais du chasseur et avec toutes les peines du monde à suivre le rythme imposé par son ancien poulain. Parce que voilà, si Arsenal en est là aujourd’hui, c’est qu’il a retrouvé ce qui lui manquait les saisons précédentes : de la constance, de la maturité et ce mental si propre aux plus grands clubs européens. Le 13 février dernier, quand le City de Erling Haaland est venu s’imposer à l’Emirates (3-1) et prendre les commandes du championnat, cela n’a duré que trois jours. Faute à des Skyblues incapables d’enchaîner à Nottingham Forrest (1-1), pendant que les Gunners faisaient le boulot chez Aston Villa (4-2). Depuis, Arsenal grappille chaque point possible et est devenu la locomotive de la Premier League. Totalement impensable pour chaque suiveur du club en début de saison, où l’on préférait parler de Ligue des Champions, de podium. Jamais le titre ne fut sorti de la bouche d’aucun des fans à ce moment-là. Nous étions alors en août 2022 et les Gunners venaient de signer Gabriel Jesus ainsi que Oleksandr Zinchenko. Ce sont ces deux-là, fraîchement arrivés, qui ont tout de suite indiqué leurs ambitions et donné le tempo du déroulement des événements. L’Ukrainien le disait alors ouvertement : “On ne joue pas l’Europe, mais le titre.” pendant que son coéquipier Brésilien enchaînait dans la presse anglaise : “Je suis ici pour gagner des trophées.”
Dernière ligne droite
Du côté des journalistes, le ton était bien plus mesuré. Comment gagner la Premier League face à des monstres comme City et Liverpool, et à degré moindre United et Chelsea ? Avant cet exercice 2022-2023, scindé en deux par le mondial qatari, on voyait - tout comme les supporters - les Gunners capables d’accrocher le podium, en se basant sur leurs forces et leurs limites, mais à aucun moment n’aurions pu prédire le déclin des Reds, et à fortiori celui des Blues. United a bien remonté la pente depuis le départ de Cristiano Ronaldo et fera certainement un solide troisième larron, mais l’écart de points semble à présent insurmontable et a préféré la victoire en Carabao sur le nouveau riche Newcastle pour sauver sa saison. C’est donc dans les prochaines semaines que le championnat va se décider et probablement bien avant le mois de mai. Car cet Arsenal-là a désormais les clés. Leur avance, si les Citizens venaient à remporter leur match en retard face aux Hammers (date encore à définir), pourrait se réduire à cinq unités. Un peu moins à l’aise mais encore confortable, car la bande à Guardiola a aussi un quart de finale de Ligue des Champions à jouer contre le Bayern Munich et la FA Cup à cueillir. Soit sur le papier, un potentiel triplé à réaliser. Si les derniers résultats des Skyblues tendent vers l’optimisme (6 victoires d’affilée, 23 buts marqués, un seul encaissé), seront-t-ils capables de maintenir ce rythme ? On rappelle que les derniers titres du club ciel et blanc ont été acquis dans la douleur, au terme d’incroyables mano à mano comme la saison dernière, arraché lors de l’ultime journée. Chaque fois, City a fini par soulever le trophée en réalisant une folle série pour y parvenir, comme le titre de 2019, avec quinze victoires consécutives au finish. A l’époque, Liverpool avait fini par craquer, se consolant avec la victoire en Ligue des Champions. Cette saison, l’adversaire n’est pas le même, le contexte est différent et à moins d’un improbable effondrement, Arsenal aura une (ou plusieurs) occasions de plier l’affaire. 2023, l’année des Gunners ?