C’est donc terminé pour cette coupe du monde qatarie, ce dimanche 18 décembre s’achève sur la victoire de l’Argentine de Lionel Scaloni face à l'Équipe de France de Didier Deschamps au terme d’un match au scénario assez incroyable et même irrationnel avec cette fin épique aux tirs au but, où le talent d’Emiliano Martinez a fait la différence face à la maladresse des tireurs français. Dans l’histoire de la Coupe du Monde, je n’ai pas souvenir d’une finale nous ayant donné autant de rebondissements et c’est tant mieux pour le spectacle, même s’il ne valait mieux pas être cardiaque quant à l’issue de ce match.
Alors, question : quand on s’appelle l’Équipe de France, que l’on a six joueurs sur onze ayant déjà disputé une finale de Coupe du Monde quatre ans auparavant, comment peut-on autant passer à côté de son sujet pendant soixante-quinze minutes ? Des argentins bien organisés ayant réussi à museler Kylian M’Bappé les trois-quarts du match, mais faute à des Bleus totalement apathiques - peut-être le syndrôme viral contracté cette semaine par certains les a t-il paralysés - enchaînant les mauvaises relances et déchets techniques en tous genres, la bande à Messi n’en demandait pas tant. Un premier pénalty obtenu par le virevoltant Angel Di Maria, transformé par le maître à jouer argentin et un second but de l’ailier de la Juventus Turin sur une contre-attaque emmenée par son capitaine. À 2-0 et sans la moindre occasion de but à se mettre sous la dent, on se dit que la soirée va être compliquée. À tel point que Deschamps sort pour la première fois du mondial Giroud et Dembélé avant la mi-temps. Ambiance…
Le coaching « quasi-gagnant » de la Desch’
Suite à cette première période ratée dans les grandes largeurs, il fallait un sursaut. D'orgueil, au moins. Car quand les Bleus se ratent, c’est souvent sur une période, et lorsqu’ils se réveillent, c’est fréquemment sur une parade salvatrice d’un Lloris ou exploit de notre Kylian national. Eh bien en cette journée dominicale dans un stade Lusail rempli aux trois-quarts d’argentins, il a fallu attendre la sortie d’El Fideo (64’), pour voir l'Albiceleste descendre en régime et atténuer son pressing. Si on revient aux tours précédents, face aux Pays-Bas en quart, cette tactique les avait poussés jusqu’aux tirs au but alors qu’ils avaient le break en poche. Et bien bis repetita ce soir, car comme prévu, Mbappé a remis les compteurs à zéro en deux minutes. D’abord sur un pénalty obtenu par Kolo Muani, puis sur une offrande de l’attaquant de Francfort. Incroyable et implacable « Kyk’s » qui n’avait plus scoré depuis le huitième de finale face à la Pologne. L'Argentine n’est alors pas loin du K.O technique. On doit souligner le coaching de Deschamps avec les entrées de Coman, Marcus-Thuram et Randal Kolo-Muani. Davantage de fraîcheur, un meilleur repli défensif pour plus de puissance offensive. Coaching gagnant, mais pas suffisant pour stopper les vagues ciel et blanches. La prolongation commence, Messi est à la manœuvre et avec l’entrée de Lautaro Martinez, finit par reprendre l’avantage sur un contre rondement mené et conclu par ses soins. La France va, comme à son habitude, répondre et obtenir un nouveau pénalty (le troisième de la partie). Justifié ou pas, Monsieur Marciniak - qui écopera d’un 2/10 dans les notes d’un grand journal sportif français après le match - a désigné le petit point blanc et surtout permis à Mbappé d’inscrire le premier triplé de sa carrière en finale de Coupe du Monde… nouveau record pour le Bondynois, le tout à seulement 23 ans, signalons-le.
Les pénalties : loterie ou fruit d’un travail en amont ?
C’est là que les choses se gâtent. Après une prolongation aussi stressante que les 90 premières minutes où chaque équipe a eu l’occasion de tuer la rencontre, vint donc cette fameuse séance de tirs au but. Loterie pour certains, résultat d’une préparation de base à l'entraînement pour d’autres, chacun à, évidemment, son avis sur la question. La dernière fois que la France s’est retrouvée dans pareille configuration en finale de Coupe du Monde, c’était comme chacun sait en 2006 face à l’Italie pour le résultat qu’on connaît. La sentence s’étant répétée au dernier Euro face à la Suisse, on est en droit de se demander si Didier Deschamps et son équipe ont pensé à faire de cet exercice une spécificité en cas de besoin. A l’évidence de la séance de ce soir, la réponse est non. Assez étonnant quand on sait l’importance de ce genre de coups de pieds arrêtés qui décide du vainqueur d’une finale d’un aussi grand rendez-vous. Sans préparation dans l’exercice = mauvais résultat, ou peu satisfaisant. Difficile de compter à chaque coup sur la chance pour s’en sortir. Les jeunes Coman et Tchouaméni ont raté, Martinez en a arrêté deux, comme en quart. C’est donc l’argentine qui soulève un Graal qu’elle attendait depuis 1986 et l’époque Maradona.
Scaloni - Aimar : le ticket gagnant, pari manqué pour Deschamps
Au terme de ce mondial qatari qui aura tant fait parler (que ce soit sur le plan énergétique ou politique), je pense qu’il est temps de rendre hommage au staff Albiceleste qui a réalisé un travail remarquable pour mener cette équipe là au titre suprême. Au regard de la situation sanitaire globale au pays, cette victoire finale va apporter du réconfort à une nation qui en a bien besoin aujourd’hui. Rappelons que Lionel Scaloni a été intronisé en intérim après le Mondial russe de 2018, sorti justement dès les huitièmes par les Bleus de « DD » en remplacement du fantasque Jorge Sampaoli, et qui, à peine débarqué sur le banc, avait été copieusement moqué par Diego Maradona, arguant à l’époque qu’il « n’était même pas capable de faire la circulation ».
Quatre années ont passé, Pablo Aimar - ancien feu follet du FC Valence et adoré par Messi - s’est installé comme adjoint et l’Argentine a remporté l’année dernière sa première Copa America depuis 1993 au Brésil face à la Seleçao de Neymar en finale, au Maracana. Au-delà de la victoire, c’est peut-être le plafond de verre de la fameuse Maquina 87 qui a sauté ce jour-là. Ce dimanche de fin Décembre est donc la suite logique du travail accompli par l’ex milieu du Deportivo La Corogne qui remporte ce Mondial du désert.
En ce qui concerne le banc d’à côté, évidemment l’analyse n’est pas la même. Les Bleus ont réalisé un parcours tel qu’on ne l’attendait pas, plusieurs journalistes et supporters tablant avant le début de la compétition davantage sur une sortie précoce qu’une potentielle finale. Force est de constater que Didier Deschamps a su mettre en place un onze type cohérent en un temps record après les forfaits de cinq joueurs majeurs et la blessure de Lucas Hernandez dès le premier match. Le parcours est salutaire avec un Kylian Mbappé installé dans les meilleures dispositions et terminant meilleur buteur du tournoi. Non, il n’y a toujours rien de magique dans le jeu proposé par l’ancien entraîneur de l’OM, « l’homme des titres » comme certains aiment l’appeler, mais il faut souligner aujourd’hui son épatante capacité d’adaptabilité à son environnement et ce quelque soit le contexte. C’est une énorme qualité qui fait de lui aujourd’hui à mon sens, le seul homme capable de diriger une sélection comme la France. Et tant pis pour les autres qui pensent que le tour leur est venu, aujourd’hui son objectif est atteint, à lui seul appartient désormais la décision de continuer ou pas et l’Argentine de Lionel Messi tient, elle, dans ses mains, sa première Coupe du Monde depuis 36 ans.