La pratique artistique de Javier M. Rodríguez s’articule autour de la compréhension de l’imagemouvement comme langage. Elle questionne la manifestation de cette expression, à travers l’emprunt et la conversion d’un contenu cinématographique par l’artiste. Il met en lumière la souplesse d’un scénario de film. Pour sa première exposition personnelle à la galerie “I Prefer to Look Back” Javier M. Rodríguez présente un ensemble de travaux construits sur les mêmes principes qu’un montage de film, tels que les enchainements de scènes, les raccords, ou les mouvements de caméra.
Dans I’ll Be There (2019) Javier M. Rodríguez reproduit une image du film de Yasujiro Ozu, Early Summer (1951) à l’aide d’une technique qu’il utilise régulièrement : une photo est imprimée à l’aide d’une laque translucide comme un négatif sur un verre recouvert d’argent. Tandis qu’une partie du métal est recouverte de laque, l’autre partie reste intacte, l’ensemble est finalement comparable à un miroir. Grâce aux propriétés naturelles de l’argent, et avec les effets du temps, les parties non retouchées finissent par s’oxyder et s’assombrir, laissant apparaitre une image monochrome. Également présenté dans l’exposition, Penny for your Thought (2019) est un diptyque présentant deux scènes de film d’Ozu. Pour cette pièce, l’artiste a utilisé des plaques de cuivre, et non d’argent. Quand l’une des images est à peine perceptible, l’autre nous apparait de manière très nette. La première image se développe complètement au bout de cinq ans, tandis que la seconde voit son image disparaître à travers un procédé d’oxydation.
A travers l’exposition, l’artiste dévoile des pièces dont le mouvement est créé à partir d’images empruntées à la filmographie de réalisateurs du XXème siècle. Le mouvement ne résulte pas du mécanisme cinématographique, mais bien d’un procédé chimique.
Cette exploration formelle à travers les propriétés chimiques du cuivre ou l’argent permet à Javier M. Rodríguez de reconstruire des récits à partir d’éléments puisés dans le répertoire du grand cinéma, “pour recréer des histoires brèves”. D’un point A à un point B, une trajectoire temporelle réside dans chaque œuvre et une intrigue simple en découle. À l’instar des montages classiques d’Ozu où les personnages quittent la scène, le champ n’est pas pour autant dépourvu de valeur. Le spectateur quitte le schéma narratif pour la contemplation. À travers ces différentes explorations plastiques autour du temps, Javier M. Rodríguez nous rappelle qu’une nouvelle matérialité pour un média est envisageable.
Né en 1980, Javier M. Rodríguez vit et travaille à Guadalajara, au Mexique.