La galerie Perrotin a le plaisir de présenter la deuxième exposition de Josh Sperling à Paris. So It Goes explore deux ambitieux développements dans le style de l’artiste, qui investit pour l’occasion les espaces du 10 impasse SaintClaude. L’architecture du lieu occupe ici une place centrale dans l’intervention du plasticien américain.
Cette exposition personnelle révèle une dimension inédite du travail l’artiste, tendant vers le minimalisme. Sa pratique référencée et spontanée, entre peinture et sculpture, repose sur une exploration intuitive et dynamique de la forme. Josh Sperling décide habituellement de l’emploi de la couleur au dernier moment, après la production des œuvres qu’il « compose », selon ses termes. En affinant leur fabrication et leur mise en place, il déploie habilement sa technique et s’ouvre à de nouveaux possibles.
Dans une première salle, cinq ensembles circulaires se répondent par une logique qui leur est propre et imbriquent tour à tour des motifs familiers arborant une variété de couleurs a priori dissonantes. Ces cinq tondi présentent le résultat des expériences menées récemment par Josh Sperling. La juxtaposition de différentes toiles puis le décalage et la démultiplication de ces surfaces a pour objectif de constituer des volumes systématiques.
L’exercice de ce geste s’observe dans cette série de facture monumentale où ces grands formats arborent des anneaux, des entrelacs et des spirales générés par cette action à la portée sculpturale.
Le monochrome en all-over est dans un second temps utilisé pour la première fois par l’artiste afin de mettre en place le motif du squiggle. Ce « tracé libré » évoque le jeu éponyme inventé par le pédopsychiatre et psychanalyste Donald Winnicott. Après une mise en scène multicolore à la galerie Perrotin de Tokyo, il est ici présenté en noir intégral, rythmant l’entièreté des murs. Le tout participe à immerger le spectateur dans un momentum d’ordre quasi psychédélique. Ces lignes dansantes remémorent les contours appuyés et les formes vives du graphisme en vogue dans les années 1980. Une ère où les innovations dans le domaine technologique s’accélèrent, investissent la création et toute la société. Elles rappellent d’autre part les symboles d’un langage ancestral, à l’instar de celui des iroquois, d’où proviendrait Oneonta, le nom de la ville natale de l’artiste située au pied des montagnes Catskill, devenue depuis un repère de la communauté hippie. Né en 1984 à Oneonta New York, Josh Sperling est marqué par l’abstraction géométrique et la peinture minimale américaine des années 1960 et 1970 avec la découverte de grandes figures comme Ellsworth Kelly et Frank Stella, mais aussi de la pop culture. L’artiste fusionne ces influences en des combinaisons de formes et de couleurs dans l’esprit de collages. L’artiste s’inspire également de courants historiques comme le Googie, une architecture communément qualifiée d’atomique, née en parallèle de la conquête de l’espace et propre aux signalétiques des commerces et services autoroutiers de la Californie des années cinquante. Également attiré par des références visuelles liées au postmodernisme, comme les zig-zags du mouvement Memphis, repris par les fameux logos caméléons de la chaîne MTV durant les années 1990, l’artiste compose une imagerie composite et personnelle.
Formé à l’ébénisterie, puis au graphisme, Josh Sperling s’intéresse enfin au design pour son caractère formel et l’empreinte de son esthétique dans la culture visuelle. L’interface numérique, le châssis et la toile constituent l’essentiel des outils qui définissent son mode opératoire tenant à la fois de la conception et de la création. Ses peintures sont d’abord dessinées sur ordinateur avant de devenir des toiles étendues au maximum non sur des châssis en trois dimensions. Ce formalisme souligne en outre l’insatiable curiosité de l’artiste, tant pour la mathématique et l’artisanat de haute volée que les archives d’architecture et de design diffusées via Internet.
Si le processus par lequel Josh Sperling imagine et assemble ces images-objets est ainsi calibré, leur présentation tenait jusqu’ici de l’aléatoire. L’artiste tire désormais partie de l’espace d’exposition de la galerie Perrotin dans une réflexion ouverte entre la culture dans laquelle s’inscrit l’image et l’espace-temps dans lequel s’inscrit l’objet. La synthèse chromatique enjouée de ses compositions se double aujourd’hui d’une sensibilité lyrique et d’une plénitude tangible à l’heure du tout-digital et des désirs d’utopie révolus. Josh Sperling vit et travaille à Ithaca, dans l’État de New York.