La galerie Perrotin a le plaisir d’accueillir une exposition personnelle de Paul Pfeiffer. Connu pour sa façon innovante de manipuler les médias numériques, Pfeiffer transforme le langage visuel du spectacle populaire a n d’étudier la manière dont les images façonnent notre perception de nous-mêmes et du monde. Cette exposition est consacrée aux œuvres créées entre 2015 et 2018, avec notamment plusieurs séries en cours, illustrant ainsi toute l’étendue du travail de l’artiste.
L’installation audio-vidéo multicanale de 48 minutes, Three Figures In A Room (2015-2017) reprend des images télévisées du match de boxe très lucratif et médiatique opposant Floyd Mayweather et Manny Pacquiao au MGM Grand de Las Vegas en mai 2015, considéré comme le « combat du siècle ». Pfeiffer y a supprimé le son original du combat, qu’il a remplacé par une bande-son Foley1 étrangement silencieuse qui isole l’effort physique des boxeurs et les mouvements du public : le bruit sourd et rythmique des pas des boxeurs, le claquement aigu du cuir sur la chair, le râle sif ant des souf es exténués, la clameur colossale d’un millier de spectateurs ramenée à seulement quelques applaudissements tronqués. Une seconde vidéo montre les ingénieurs du son et les bruiteurs en train de distiller et de recréer ses effets sonores dans leur studio à l’aide de nombreux accessoires. Accompagnant les gestes athlétiques et la concentration des boxeurs, le canal de la bande-son Foley est synchronisé avec celui du combat, chacun placé aux extrémités opposées de la galerie.
Le playback audio passe d’un canal à l’autre, chacun se répondant mutuellement à travers la pièce et intégrant le spectateur au minutieux processus de la production sonore.
Cinq nouvelles œuvres de la série Desiderata sont également exposées. L’artiste y manipule les images télévisées de The Price is Right, le jeu télévisé, lancé en 1972, qui a duré le plus longtemps dans l’histoire des États-Unis. Pfeiffer efface numériquement de l’image le présentateur, les prix et autres signes extérieurs narratifs pour se concentrer sur les expressions du visage et le langage corporel des candidats, illustrant ainsi leur vulnérabilité. Recontextualisée comme un paysage aux couleurs vives et aux proportions kaléidoscopiques, comme sorties de la comédie musicale Seussical, l’absurdité de la scène re ète l’isolement des participants et la folie inaccessible de leurs désirs matériels. Étagères vides et accessoires préfabriqués témoignent de décennies de consommation, soulignant le sentiment de fausses promesses, systématiquement créées de toutes pièces.
Dans une autre série, Pfeiffer transforme l’image de Michael Jackson en une «créature d’une impétueuse symétrie. Baptisée Live Evil, cette œuvre évoque une sorte de cyborg kabuki faisant virevolter son arme, ou encore un bodhisattva cubiste. Superbement transculturelle, elle est instantanément accessible visuellement. »2 Les enregistrements sont issus de la tournée mondiale HIStory World Tour de Michael Jackson, très grosse production ayant rassemblé près de 4,5 millions de fans entre 1996 et 1997. Ces créations présentent un Michael Jackson sans tête, dansant sur scène vêtu d’un costume scintillant. Sa silhouette est si étincelante qu’il ne reste plus que les contours de son corps et ses membres dégingandés. L’homme dissocié performe à la demande des spectateurs, effectuant une imitation caricaturale de la chorégraphie signature de l’artiste.
Dans une autre salle sont exposées trois œuvres issues de la série en cours Caryatid que Pfeiffer a débutée en 2003. Diffusées sur de luxueux téléviseurs chromés de différentes tailles, les vidéos reprennent des extraits en slow-motion de matchs de boxe dans lesquels les adversaires ont été effacés numériquement. Plongé dans une performance solo lente mais intense, le boxeur restant à l’image est scruté à la loupe.
Des détails corporels obscurs sont mis en évidence, soulignant la brutalité de l’impact d’un assaut invisible, tandis que la présentation de l’œuvre en tant qu’objet sculptural sert à pousser davantage le visionnage méditatif. Leur titre, Caryatid, fait référence aux colonnes grecques classiques prenant la forme de vierges drapées qui, d’après la légende, se trouvent sur l’Acropole en pénitence d’une ancienne trahison.
Paul Pfeiffer est né à Honolulu, Hawaï. Il vit et travaille actuellement à New York. Ses expositions personnelles ont été organisées par le Whitney Museum of American Art (2001), le MIT’s List Visual Arts Center et le Musée d’art contemporain de Chicago (2003), la National Gallery of Victoria de Melbourne (2005), le MUSAC de León en Espagne (2008), le musée de la Hamburger Bahnhof de Berlin (2009), la galerie Albright- Knox de Buffalo (2010) et il a fait l’objet d’une rétrospective à la Sammlung Goetz de Munich en 2011. Les œuvres de Pfeiffer ont également intégré des expositions internationales de grande envergure, parmi lesquelles les Biennales de Venise, de Sydney, de Busan et du Caire ou encore la Whitney Biennial. L’artiste a reçu un grand nombre de prix et de bourses, notamment la bourse Fulbright-Hayes ainsi que le Bucksbaum Award décerné par le Whitney Museum.
L’artiste est au centre du projet MCA Screen, au MCA Chicago, jusqu’au mois de mai 2018 et sera au pavillon solo à Inhotim, Brumadinho, au Brésil à l’automne. Il participera aux expositions collectives suivantes : Private Lives at Centrale d’art contemporain, Bruxelles ; A Beast, A God, And A Line pour le Dhaka Art Summit 2018, Bangladesh ; Michael Jackson: On the Wall à la National Portrait Gallery, Londres ; et Art in the Age of the Internet, 1989 to Today à l’ICA de Boston.