D’une fragmentation technique à d’autres plus oniriques ou sensibles, l’exposition Fragment [s] regroupe un corpus d’artistes de la région Grand Est.
Le fragment ici semble indissociable de la notion de souvenir et de mémoire.
Lié à l’art et aux artistes, il n’évoque pas seulement la fracture mais également le souvenir, ceux d’échantillons prélevés pour leurs individualités plastiques et gestuelles à notre mémoire collective. L’omniprésence aussi, à travers certaines œuvres, d’une réminiscence toute proustienne où la mémoire affective paraît tantôt comme un réconfort, tantôt comme un moyen de retrouver un passé perdu. « La meilleure part de notre mémoire est hors de nous, dans un souffle pluvieux, dans l’odeur de renfermé d’une chambre ou dans l’odeur d’une première flambée, partout où nous retrouvons de nous-même... » ( Marcel Proust, Jeunes filles en fleurs). Par- fois plus formelle pour certaines pièces de l’exposition, la fragmentation n’en reste pas moins inerte, figée, pétrifiée.
Présente dans l’œuvre, articulée à d’autres fragments, elle s’impose par son dynamisme. Elle met en tension, crée des échos, des frictions, des frottements, des articulations, des dialogues.
Au regard des œuvres présentées dans l’exposition, le fragment n’apparaît plus comme les restes d’une unité perdue mais il est alors perçu comme faisant partie intégrante d’un ensemble. Chacune des œuvres présentées dans l’exposition questionne tout à la fois l’intime, le rapport au monde et aux autres, mettant ainsi le fragment au service d’une ouverture, d’une rencontre.
Au-delà du lien géographique, cette sélection d’artistes use d’une certaine poétique du fragment : il fait naître la musique chez Eline Dussart quand il nous rassemble dans les oeuvres de Yanina Isuani. Des espaces rêvés d’Odile Jager-Poirel aux méticuleux morcellements de Clément Schmit, du rapport au monde à la dichotomie nécessaire de Laura Battistella en passant par les réminiscences festives ou populaires de Joachim Biehler et de Gerson Bettencourt Ferreira, tous ici donnent à voir une vision sensible d’un monde kaléidoscopique.
La scénographie des oeuvres permet ici de questionner ces individualités pour ensuite interroger notre mémoire commune. L’exposition Fragment[s] est une invitation à aller d’un fragment à l’Autre.