NextLevel Galerie a le plaisir de présenter pour la première fois une exposition de Liz Nielsen et de fait à Paris. L’exposition ‘Force Fields’ réunit un ensemble d’œuvres photographiques récentes dans la continuité formelle et conceptuelle de son travail.
Le travail de Liz Nielsen s’inscrit dans la tradition de la pratique photographique ’sans appareil’, travaillant même sur la matière photographique. Elle crée des photogrammes à partir de ses propres négatifs et ‘peint avec la lumière’ pour la citer.
Au départ, elle découpe des formes transparentes et construit des puzzles en carton faits à la main, puis elle rassemble les différentes formes dans l’obscurité, les superposant de manière précise pour permettre de multiples expositions sur le papier photosensible. Chaque image exige ainsi de longues préparations notamment dans le positionnement des lumières jouant avec leur diffusion et leur réfraction.
Sa manière de travailler en chambre noire s’apparente à une performance musicale dans laquelle elle mixe les gels colorés, créant des combinaisons abstraites de dégradés aux couleurs irisées et lumineuses. En se déplaçant physiquement autour du papier pendant qu’elle l’expose, Nielsen utilise diversement des lampes de poche, des lumières de vélo, de laser, de téléphone portable ou encore de jouet pour fabriquer ses images. Avec autant de variables dans le processus, il est impossible de créer la même image deux fois, rendant chaque photogramme unique.
Nielsen apporte aussi un soin tout particulier dans le choix du support papier, préférant les papiers Fuji, soit Lustre ou Flex - ce dernier à la surface ultra brillante « est tellement réfléchissant qu’il ressemble à du liquide. Il semble accentuer la transparence des couleurs, en les faisant paraître à la fois profondément à l’intérieur du papier et en surface », selon ses mots.
Liz Nielsen (américaine née en 1975) vit et travaille à Brooklyn (NY). Nielsen a étudié la photographie à l’Université de l’Illinois à Chicago (M.F.A.) et les beaux-arts à l’Ecole de l’Institut d’art de Chicago (B.F.A.). Nielsen fait partie de cette nouvelle génération d’artistes qui ont retrouvé les éléments essentiels de la photographie analogique et ses processus comme sujet, ré-imaginant le potentiel abstrait et pictural du médium. Son travail a été présenté lors d’expositions personnelles ou de groupe à Chicago (nota. Zolla/Lieberman Gallery), New York (nota. Danziger Gallery, Laurence Miller Gallery et David Zwirner), en Caroline du Nord (nota. Soco Gallery), Miami (Pulse et Untitled), Berlin, Dublin (sous le commissariat de Jessamyn Fiore) ainsi que récemment à Paris (Paris Photo)…bientôt Londres (solo show à Photo London) mais également à Budapest dans le cadre de sa dernière résidence d’artiste. Des articles sur son travail sont notamment parus dans The New York Times, The New Yorker, Artslant, the Wall Street Journal et dans Libération.
L’esthétique souffre d’une dualité déchirante. Elle désigne d’une part la théorie de la sensibilité comme forme de l’expérience possible; d’autre part la théorie de l’art comme réflexion de l’expérience réelle. Pour que les deux sens se rejoignent, il faut que les conditions de l’expérience en général deviennent elles-mêmes conditions de l’expérience réelle; ainsi l’œuvre d’art, de son côté, apparaît alors réellement comme expérimentation
(Gilles Deleuze, ‘Logique du Sens’ (The Logic of Sense), 1969)
Peindre avec la lumière ou l’art de l’invisible. Dans l’obscurité de la chambre noire, Liz Nielsen fabrique ses propres négatifs, ainsi que des objets tridimensionnels et des masques opaques et transparents tout en manipulant diverses sources de lumières colorées pour composer ses photogrammes. C’est un processus additif : des expositions de lumière se succèdent pour créer des zones de lumière et d’ombre de plus en plus denses, des dégradés et des couches aux contours irréguliers. De vibrants symboles – paysages, totems, lunes, bijoux à facettes biseautées – sont assemblés en simples formes. Mais, fondamentalement, ces images ne sont pas immanentes; elles renvoient vers un ailleurs au-delà de leur apparence. Elles sont, selon Nielsen, comme les portes d’un autre monde, une perception renforcée par la profondeur du papier photographique utilisé.
Si Nielsen élabore ses œuvres à l’aveugle, sans lumière, l’obscurité de la chambre noire est son allié. Comme dans la plupart des processus photographiques, le papier d’impression est blanc jusqu’à ce que l’image latente se révèle au cours du développement. Pourtant, même quand ces images ont atteint leur stade final et que leurs couleurs sont révélées, il s’y dégage comme une “présence absente”, de l’ordre de l’insaisissable. Ainsi une perception subjective se forme quelque part entre la surface de l’oeuvre et l’infini de l’esprit humain. Les oeuvres de Nielsen ne sont pas sans rappeler les hologrammes de James Turrell ou les installations de Dan Graham en verre et miroir sans tain, qui semblent donner de la profondeur à une image tout en déniant sa matérialité. De même dans les œuvres de Nielsen quelque chose se trouve dans l’espace entre moi-même et la surface de l’image. Comme une hallucination, j’essaie de m’y concentrer en déplaçant, tendant, mon cou ou même en plissant ou essuyant mes yeux. C’est à la fois déconcertant et fantastique, comme une découverte de quelque chose de nouveau en soi-même.
L’oeuvre de Nielsen complique l’affirmation que l’existence se définit par la présence matérielle. Son oeuvre est à la fois sur le support papier et, radicalement, ailleurs ; dans cet intervalle du perceptible et de l’imperceptible. Trouver cette « existence » est le grand mystère de cette œuvre, intangible, mais qui occupe néanmoins un espace philosophique important.