Avec les peintures de Marie-Anita Gaube (Française, née en 1986) on bascule dans des univers qui ont toute l’instabilité d’un conte fantastique, à la spatialité résolument plurielle où fourmillent d’infimes détails.
C’est une peinture de l’intranquillité fragmentée en saynètes dont la logique s’enfuit et où l’expérience du regard requiert une quête patiente, une lecture intimiste quasi-paradoxale au regard de ses grands formats. Une peinture du mouvement et du devenir, une image qui anticipe ou précède une scène, une invitation à voir au-delà de l’image, du cadre, à puiser dans notre propre imaginaire.
Nombre d’étranges activités s’y déploient où ses figures ne sont pas sans évoquer certains illustres peintres du fantastique de Jérôme Bosch à Peter Doig, en passant par Odilon Redon et James Ensor. Les corps morcelés, liquéfiés, éparpillés surnagent dans des environnements souvent démesurés pour mieux s’entremêler au fond. C’est, dit Marie-Anita Gaube “le théâtre de la toile“ : un hors-temps qui voit apparaître et disparaître des figures.
Cet état transitionnel se manifeste aussi par une construction complexe de l’espace : au-delà de ses jeux de juxtapositions, de superpositions d’éléments et de plans disparates permettant une circulation entre les objets et les lieux réunis sur la toile, Marie-Anita Gaube parvient à complexifier cette fiction picturale en accentuant les discordances d’échelles dans ses paysages ; hypertrophiant les différences entre premiers et arrière-plans pour mieux creuser de vertigineuses perspectives ascendantes.
De même, l’utilisation de la couleur intervient comme un perturbateur. “Elle est posée par contradiction, elle crée un écart“ dit-elle, un écart avec le vraisemblable. Ses dessins à la gouache et à la mine graphite sont, eux aussi, entre deux temporalités : monochrome pour un temps suspendu opposé à une éruption colorée marquant une temporalité plus actuelle.
Ainsi, l’artiste nous livre une œuvre faite de récits aux indices visuels à tiroirs et d’univers oniriques qui se télescopent, qui nous demande juste de passer à travers le miroir.
Marie-Anita Gaube (Française, née en 1986) vit et travaille à Biziat (France). Si au cours de sa formation aux Beaux-Arts de Lyon elle pratique l’installation, le dessin et la peinture ; c’est à l’issue d’un échange d’un an au Mexique (Centro National de las Artes, Mexico) et de son diplôme à l’Ecole Nationale Supérieurs des Beaux-Arts de Lyon, en 2012, qu’elle se consacre à la peinture. Très rapidement son travail est présenté en galerie et retient l’attention de la critique : « Tendu entre scène, scénographie et paysage, l’espace qui reste est dès lors un décor blessé, les objets qui l’habitent sont des idoles à la Francis Bacon, tandis que la perspective, les jeux d’échelles et de motifs se dressent en invitations à passer à travers le miroir. » selon Viviana Birolli. Lauréate en 2015 de la Fondation Colas, elle poursuit ses recherches actuellement en Résidence, aux ateliers du Plessix Madeuc (Dinan, France).