Tout ce que vous voulez ou ne voulez pas est susceptible d'être désiré ou rejeté par l'autre. Ceci est l'un des contextes où les échanges et les relations se produisent. La commercialisation des biens, des marchandises est toujours un échange, habituellement rendu possible par l'argent. La monnaie, les modes d'acquisition permettent la circulation des produits et des idées dans la société.
La commercialisation s’est amplifiée, atteignant également les relations humaines. Il est de plus en plus fréquent d’échanger l’affection et les expériences sexuelles, en les transformant en objets de consommation, où le prix varie en fonction des compétences et des erreurs admises. C’est une pratique existant dans le quotidien des sociétés, évidente dans la prostitution, moins explicites ou non identifiées dans d'autres relations. Beaucoup de mariages, d’unions stables, d’amitiés inébranlables, des engagements séculaires sont des arrangements établis sur des marchandages non explicites.
Le monde moderne au XXIe siècle, facilite ce qui avant était problématique, il brise les tabous, mais rend plus faciles les distorsions : le plaisir, le désir peuvent être réalisés en un clic de souris ou une frappe sur un clavier, pour obtenir ce dont on a besoin au moment où on le veut. Cette facilitation empêche souvent l'expérience authentique, l'expérience légitime. Tout est produit, jusqu’au désir. Il ne reste à l’individu qu’à gérer et créer des ressources : de l'argent aux motivations pour avoir des désirs les réaliser. Ce sont des machines désireuses, comme disent Guattari et Deleuze, sauf qu’elles ne sont pas la résultante d'un traumatisme et d’expériences précédentes, mais bien guidées par des sceaux de garanties, des slogans de bonheur, de liberté sans préjugé.
Ces paradis annoncés créent des demandes, des motivations. Les protagonistes ne sont pas seulement ce qui sont considérés comme pervers, ils sont, principalement des curieux motivés par le fait d’avoir des expériences sans continuité, sans compromis, presque anonymes, seulement marquées par le plaisir, où l'autre est transformé en un objet, en un produit de consommation, même si cela implique sa destruction après usage. L’être humain a réussi à raccourcir la distance entre la source de production et la consommation du produit, à devenir lui-même produit, produit pour produire. En vivant pour le plaisir qui le satisfait, par conséquent à peine pour accomplir ce qui donne du plaisir, il s’auto consomme par son positionnement d’auto-référencement, créé par la perte de la dynamique, par l'inexistence de l'autre, réduit à une seule dimension : source de plaisir. Il est l'équivalent du syndrome auto immune, où l’organisme lui-même se dévore.
Mercantiliser les affections, négocier les relations et désirer la satisfaction est paradoxal, cela casse le marché, crée des automates dépendants de l'autre, ainsi que des dépendants automatiques de la cotation aléatoire des marchandises : quoique ce soit sert et devient nécessaire. Les unions qui ont lieu en fonction des résultats, sont, par définition, contingentes donc fluctuantes, ainsi, pour les garder, apparait la nécessité de contrats, d’engagements et d’illusions. C’est une perversion qui crée aussi des points de résistance, comme par exemple, attendre la considération, attendre le plaisir dans ce qui est donné, dans ce qui est disponible, même si tout part d’une erreur. Entrer dans ce processus nécessite un contrôle permanent, exige des garanties pour de faire de nouvelles affaires ; il n'y a pas de liberté, il n'y a pas d'amour, il n'y a que l'anxiété et de l'engagement.
On ne peut pas donner ce que l’on n'a pas ; on ne peut pas s’attacher quand il n'y a pas de liens ; il n’est pas possible de continuer dans la dispersion ; il n’y a pas d’humanité possible quand celle-ci a été perdue dans des échanges réducteurs, dans les sédations aliénantes des désirs et des possibilités. C’est l’empire de l'automatisation, qui dirige la façon aliénée, réifiée de se situer par rapport à l'autre. Les drogues licites et illicites, les dépendances affectives, l'insatisfaction sexuelle, la peur et le désespoir sont les symptômes et les dénonciateurs de tout ce processus de déshumanisation.
Traduit du portugais par Gilda Bernard.