Géraldyne Prévot Gigant a écrit plusieurs ouvrages où en tant que psychopraticienne et conférencière, elle offre aux femmes une réponse à des problématiques qui leur sont propres. Elle déploie dans ses ouvrages des réponses pragmatiques et méthodiques sur l’amour, l’hypersensibilité ou la dépendance affective. C’est une voix experte, qui forte de ses années d’expérience en tant que thérapeute délivre ce que la société de surconsommation tente d’étouffer, le chemin vers la guérison, n’est pas un marathon mais une course d’endurance avec ses creux et ses monts.
Dans ses Groupes de Parole pour les Femmes® créées en 1998, elle a permis à des centaines de femmes, d’aller de l’avant. Cette méthode qu’elle a mise au point, donne aux femmes l’occasion de s’unir dans une sorte de sororité momentanée et d’exprimer ce qui les fragilise, pour ensemble trouver des solutions. Devant l’engouement de ces rencontres, elle a formé plusieurs animatrices de cercles de femmes.
Dans les histoires d’amour d’aujourd’hui, de nouveaux phénomènes émergent, par exemple le ghosting ou le zapping ? Lequel vous semble le plus difficile à surmonter ?
Tous les comportements qui nous déconsidèrent qui nous font sentir objet plutôt que sujet sont difficiles à vivre. Ils le sont encore plus pour les hypersensibles qui ont une générosité qui ne les font pas envisager ce genre de comportement.
Le ghosting, acte de disparaître d’une relation du jour au lendemain, est certainement la pratique la plus répandue ainsi que le zapping qui consiste à passer d’une personne à une autre, d’une conversation à une autre, d’une activité à une autre aussi vite qu’un clic sur nos smartphone. Le ghosting a ceci de cruel que nous n’aurons jamais la véritable explication du départ de l’être aimé. Nous ne pouvons que subir sans raisons aucunes. Le deuil sera donc plus long et douloureux. Certaines personnes ont la bonne idée d’oser se faire aider de professionnels comme moi pour surmonter cette douloureuse étape.
Comme je le dénonce dans mon livre, notre modernité vient fausser notre rapport au monde et rendre objet les sujets de notre entourage. A nous de nous discipliner, d’avoir une conscience de ce que nous faisons et de rester maîtres de nos objets connectés. La modernité a beaucoup à nous offrir mais nous devons rester maitres à bord.
Aujourd’hui, on demande aux femmes d’être puissantes, fortes, ambitieuses, conquérantes. Que pensez vous de toutes ces injonctions ?
Je ne fais pas vraiment le même constat. La société ne demande pas particulièrement aux femmes d’être puissantes, fortes ou ambitieuses et encore moins conquérantes. On leur demande surtout plein de choses paradoxales. Les injonctions contradictoires faites aux femmes se comptent par centaines. Nous pouvons aisément les repérer au cours des conversations, à la télévision, dans les publicités où on attend d’elles d’être belles, minces, intelligentes mais pas trop, libres mais pas trop, avoir des avis mais pas trop non plus. Un des messages récurrents est d’être en couple et de cocher toutes les cases : mariage, maternité, réussite professionnelle. Les injonctions contradictoires mettent une grande pression aux femmes qui ne savent plus où donner de la tête. Nous ne sommes véritablement libres que lorsque nous répondons à nos rêves et non aux injonctions de la société.
Vous avez publié au mois de septembre aux éditions Leduc, Les femmes et l’amour, quel en est le propos ?
La pression sociale nimbée de patriarcat s’immisce jusque dans les algorithmes de la rencontre. Elle fausse le parcours des femmes et vient renforcer les inégalités. Ce livre dénonce les pièges de la rencontre en ligne, les effets pervers d’une communication moderne mal gérée. Il invite à une éthique relationnelle dans ce monde moderne et ouvre le champs sur l’altérité et ce que la société de demain pourrait être si elle reposait sur le respect et l’équilibre des forces entre les hommes et les femmes. Mais ce livre s’adresse également aux hommes afin qu’ils comprennent dans quelle souffrance se trouve la majorité des femmes. Je parle de la virilité toxique mais pas seulement car je fais la part belle aux hommes respectueux, dans l’altérité, ceux qui portent en eux la modernité et qui peuvent de par leurs actes et leur présence aider à la transformation de notre société. Ils ont su éveiller en eux une part de sensibilité permettant de vivre à leur coté des relations saines.
Vous pratiquez depuis plusieurs années le Tango, que vous apporte cette danse argentine dans votre quotidien ?
Le tango argentin est souvent vu par les novices comme une simple danse à deux. Pourtant c’est toute une culture (inscrite au patrimoine de l’humanité) et une philosophie. J’ai raconté à travers Ana dans mon roman de développement personnel Écoute les signes que la vie t’envoie à quel point le tango argentin vient nous chercher dans les plus petits recoins pour nous révéler à nous-mêmes. Cependant il y a un travail de conscience nécessaire car il règne dans cette communauté, comme dans bien d’autres, une domination masculine révélatrice de là où en est la société. De nombreuses danseuses me témoignent chaque jour des situations de harcèlements, de violences psychologiques et dans certains cas des abus sexuels.
Cette année vos groupes de parole sont déjà complets, y voyez-vous une prise de conscience des femmes d’aller vers l’estime de soi avant d’aller vers l’autre ?
Depuis sa création les Groupes de parole pour les femmes® ont toujours été complets car ils répondent depuis de nombreuses années à un besoin des femmes : un espace de non-jugement, un espace de sororité, un lieu pour dire l’indicible et être comprises. Les femmes qui participent à mes groupes ont surtout besoin de penser et de panser leurs blessures de femmes, de se reconstruire et d’apprendre à oser être. Cependant cela ne pourra pas se faire sans la participation et l’éveil du masculin sacré chez les hommes. C’est la raison pour laquelle les derniers chapitres de mon livre invitent les hommes conscients à entrer dans la danse. Ceci pour une altérité salvatrice. A ce titre j’ai décidé de créer des groupes mixtes afin que les hommes sensibles et conscients puissent se joindre à nous, panser leurs blessures et co-créer avec nous le monde de demain.