Nosy Be c’est beaucoup de choses, pas seulement un Eden naturel, avec du monde souriant, folklore, couleurs, plages dorées, parfum d’ylang-ylang : dans cette île il y a beaucoup plus et ce plus est Manina Consiglio, l’âme de cet endroit extraordinaire. Prof. ès Belles Lettres à la rétraite, Manina habite ici depuis longtemps, présence populaire et respectée pour avoir offert une qualité de vie à la population, surtout aux enfants et aux jeunes.
Pendant mon séjour à Nosy Be, une amie reveille ma curiosité à propos de cette dame, jusqu’à me décider de me rendre chez elle. Tout le monde connaît son adresse et ce n’est pas difficile d’y arriver. Arrivé à sa maison, personne ne répond à mes appels et je rentre sur un terrain en pente douce parsemé de bungalows, lits de bronzage, fleurs, plantes, quartz, coquillages : tout invite à la relaxation !
Là-bas Manina habite et à côté de sa maison il y a un gazebo avec deux tables, des fauteuils en rotin, un petit frigo, des voiliers en miniature fixés aux appuis des fenêtres. Il fait très chaud et je n’ai pas de honte à me servir à boire. Personne ne se manifeste, je prends des photos de l’ensemble et je pars. Mais voilà, Manina est là, au milieu d’une sorte de cour, de retour de l’inauguration d’une école : musique et danses l’accompagnent. Elle avance vers moi, belle, l’allure d’une reine, souriante, le regard d’une mère. Nous revenons au gazebo, qui représente la salle d’accueil. Fatiguée mais toujours disponible, elle me montre la vidéo de la fête qui vient de se terminer et qui a marqué l’inauguration d’une nouvelle école : des filles en uniforme dansent avec elle, toutes, sauf une, qui reste à l’écart impassible . Manina m’en explique la raison : cette fille appartient à une tribu d’origine asiatique, les Merina, qui habitent les Hauts Plateaux et qui ne sont pas si ouverts comme les Sakalava, l’ethnie locale, mais en même temps elle s’étonne qu’on puisse rester figé au sol avec une musique si prenante.
A la table à côté, ses collaborateurs sont en train de bavarder entre eux et Manina en souligne la façon amicale, directe. Ca facilite le début du dialogue entre nous et elle commence à me raconter son « aventure » à partir de sa première fois à Nosy Be, Noël 1997, où elle était arrivée à la recherche d’un endroit où écrire et pêcher. Le choix de Nosy Be est immédiat : dans le ciel, on peut admirer la constellation du Scorpion (son signe !) et dans la langue malagasy Manina signifie « nostalgie d’une personne éloignée ».
L’année suivante elle revient choisir un terrain et bâtir sa maison ; en 1999 elle s’installe, achète une pirogue, va à la pêche, s’intègre facilement à la population. Mais la vision quotidienne des enfants qui meurent chaque jour de palu, que la misère oblige à travailler toute la journée, bref des enfants sans enfance, n’est pas tolérable : trois pilules soignent le palu, mais les familles n’ont pas l’argent pour les acheter… et Manina commence à en acheter. Pour la tuberculose il faudrait se rendre à l’hôpital, mais il faudrait payer le taxi, la visite médicale, les médicaments… et Manina paie, jusqu’au jour elle décide d’embaucher un docteur malagasy et de soigner les enfants chez elle-même.
Bientôt les malades sont trop nombreux et elle ouvre un Centre de Santé de Base qui soigne 60 malades par jour. Mais ce sont les enfants surtout qui attirent son intérêt et il y en a des centaines, qui ne sont pas scolarisés, faute de moyens. C’est l’année 2000 et Manina commence à payer l’écolage de 10 enfants : à la fin de l’année ils sont 80 et en 2001 ils ont doublé . Quand elle arrive à payer 600 écolages, l’idée de bâtir elle-même des écoles gratuites est la solution logique. Première école, devant sa maison, est une maternelle ; l’année suivante une école primaire, et ainsi de suite La nouvelle se répand dans l’île et les chefs des villages en demandent.
Il est impossible pour Manina de ne pas répondre à ces sollicitations et on peut déjà comprendre la suite. En effet, l’organisation d’une classe de 60 élèves, y compris les salaires et les transports, coûte 600 EUR/an, c'est-à-dire 10EUR/AN/élève : ce montant ridicule permet à un enfant d’étudier pendant un an et de commencer à bâtir son avenir. Pour l’instant, les fonds de roulement sont aléatoires mais en 2004 nait l’association no profit « I bambini di Manina del Madagascar » et, en même temps, 7 nouvelles écoles. Toutes s’appellent Tsaiky Tsara = les enfants sages. Madagascar nomme Manina Chevalier de l’Ordre de la République.
Elle ne peut plus s’arrêter. En 2005 c’est le terrain de basket, deux installations sanitaires avec lavabos et douches, inaugurées par les Autorités locales. En 2006 les écoles sont 152 avec plus de 9.000 élèves et 180 entre enseignants et personnel : elles appartiennent au village où on les a bâties et c’est toujours Manina qui les entretient. Tout est gratuit, y compris un carnet qui permet aux élèves comme aux enseignants l’accès aux soins médicaux. Dans la même année elle active un cours d’alphabétisation pour les adultes, ouvre une bibliothèque à Adampy, un village voisin, et en face de celle-ci, naît la première Maison de Repos pour handicapés et personnes âgées qui sont seuls : logement et repas sont garanti.
Et encore : à Nosy Be il n’y a pas d’ophtalmo. Voilà la solution : chaque mercredi après-midi, à l’aide d’un dictionnaire, Manina distribue des lunettes et envoie à Ambanja ce qui doivent être opérés de la cataracte. Et encore. Beaucoup de familles sont à la famine. Avec l’aide des chefs des villages on établit une liste des plus démunis et ceux-ci reçoivent 10 Kg. De rix chaque mois. Inutile de dire que cette liste est toujours plus longue.
Continue le 17 Septembre.