Pendant que je dors ou que je lis, mes tableaux, couchés par terre, sèchent lentement à cause de l’humidité de l’île. Ce temps de séchage est très important. La toile est peut-être achevée, mais elle ressemble par moments à une flaque où tout peut changer en un instant.
Je fais de la plongée sous-marine depuis toujours. Quand j’exécute de grands tableaux à même le sol, je suis dans un rapport d’immersion avec eux. Je me mets en apnée. Je fais les mouvements justes, ou du moins j’essaie. Je retiens ma respiration, je compense la pression. Puis je remonte en expulsant l’eau de mer du tuba… Enfin, presque.
Ce serait donc le tempo de mes tableaux, ces minutes d’apnée successives.
On pourrait trouver dans d’autres artistes des éléments comparables. Chez Seurat, par exemple, c’est le frottement prolongé du crayon Conté ou l’alphabet morse des coups de pinceau, presque silencieux, la pointe inclinée à 25° sur le papier à grain.
Taptap-taptaptap-tap. Et chez Van Gogh, la cadence des trains entrant dans une gare de province ou de banlieue. Tchou-tchou-tchou-tchou-tchou.
Taran-tarantaran-tarara : chez Picasso, de longues phrases musicales avec des fins abruptes, des claquements de mains et des coups de talon qui scandent la seguiriya du flamenco (ensuite le Ripolin évoquerait plutôt la soleá).
Miquel Barceló
La galerie Thaddaeus Ropac est heureuse de représenter désormais Miquel Barceló, et d’accueillir une première exposition de 17 oeuvres récentes dans son espace du Marais, du 25 avril au 31 mai 2015.
L’oeuvre de Miquel Barceló, renommée pour sa diversité, va du bas-relief en céramique monumental, pour la chapelle Saint-Pierre dans la cathédrale de Palma de Majorque, à la performance sculpturale, née d’une collaboration avec le chorégraphe français d’origine yougoslave Josef Nadj. En 2008, il a conçu et réalisé la fresque de la coupole dans la Salle XX des droits de l’homme et de l’alliance des civilisations au siège de l’ONU à Genève. Pour couvrir la voûte de 1 500 m2, il a projeté plus de trente-cinq tonnes de peinture obtenue avec des pigments du monde entier, produisant un foisonnement de stalactites multicolores.
Miquel Barceló, profondément influencé par la poésie, a exposé au Louvre en 2004 plus de trois cents dessins destinés à illustrer La Divine Comédie de Dante. En 2009, il a représenté l’Espagne à la Biennale de Venise. Plusieurs musées d’envergure internationale lui ont consacré des rétrospectives, notamment le Centre Pompidou à Paris, le Museo nacional centro de arte Reina Sofia à Madrid et le Museo Tamayo à Mexico. Ses oeuvres sont entrées dans de prestigieuses collections publiques et privées à travers le monde. Au Printemps 2016 Miquel Barceló aura une exposition au musée Picasso et à la Bibliothèque Nationale de France François Mitterand, à Paris.
Miquel Barceló est né en 1957 à Felanitx et partage son temps entre Majorque, Paris et le Mali.
Un catalogue rédigé par Enrique Vila-Matas et illustré de reproductions commentées par Rodrigo Rey Rosa sera publié pour accompagner l’exposition.