La Galerie Thaddaeus Ropac est heureuse de présenter l’exposition Valie Export, Body Configurations, 1972-1976 dont le commissariat a été confié à Caroline Bourgeois, conservatrice de la Pinault Collection. Cette exposition marque le début de la collaboration de la galerie avec l’artiste autrichienne qu’elle représente depuis octobre 2017.
Caroline Bourgeois a réalisé une exposition monographique de Valie Export en 2003 au Centre National de la Photographie, Jeu de Paume, à Paris. Elle est devenue itinérante au CAAC, Séville; au MAMCO, Genève; Camden Art Center, Londres; et enfin à la Sammlung Essl Privatstiftung, Klosterneuburg, Autriche. La commissaire de cette exposition à la galerie détaille son projet :
«Valie Export a toujours refusé les conventions. Ne pouvant endosser le rôle classique de la femme au foyer, elle devient artiste dans une certaine urgence. Son premier geste, fondamental, a été de se donner un nom : Valie Export, en lettres capitales, afin d’être aussi forte qu’un autre, qui porte un nom masculin. Définir son nom plutôt que subir celui de son père.
En 1967, elle invente son nom d’artiste pour exporter ses idées et ses œuvres. Ensuite a représenté cet objet artistique en faisant des montages avec un paquet de cigarettes de la marque autrichienne Smart Export. L’œuvre présentée dans l’exposition illustre cette première action : Valie Export-Smart Export- Selbstporträt (1970).
L’exposition présente des œuvres fondatrices de 1968 à 1976. En 1972, Valie Export invente le concept de la première exposition internationale de femmes MAGNA. Feminismus: Kunst und Kreativität (Vienne, 1975), une référence majeure pour plusieurs générations de féministes.
Elle questionne de façon quasi-phénoménologique l’image et le rôle de la femme avec sa série intitulée : Identitätstransfer 1, 2, 3 (1968) où elle se présente « costumée » pour démontrer l’importance de la mise en scène du corps féminin, signifier l’importance de l’apparence et de la séduction dans les relations… Cette action est poursuivie par un tatouage : Body Sign B (1970) représentant une jarretelle sur sa cuisse. Cette action et sa représentation photographique parlent d’elles-mêmes. Valie Export continue sa révolution du sort subi par les femmes avec Identitätstransfer B (1972), évoquant la question du viol, sujet toujours aussi pertinent aujourd’hui. Dans cette série d’œuvres, que nous présentons à la galerie, elle souligne la nécessité de s’approprier son propre corps et d’en extraire les effets sociaux de la culture patriarcale. Elle regarde dans les détails, et dans son propre corps, les conséquences de cette dernière. Par ses actions, elle prend position.
Dans les salles au rez-de-chaussée et à l’étage nous montrons les œuvres de la série Körperkonfigurationen (Body Configurations) (1972-76) qui sont une autre forme d’actions : dans la ville et dans la nature. L’artiste utilise son corps de façon presque sculpturale afin de souligner les lignes, les espaces, leur forte puissance de contrainte. Elle propose ainsi - très en amont d’autres pratiques - de s’approprier le hors musée, d’agir à l’extérieur. En jouant avec son corps dans l’espace public elle donne à ressentir le rapport du pouvoir au travers de la structure-même de la rue et de ses bâtiments. Elle y ajoute une dimension conceptuelle, où le corps devient comme un crayon qui tire des lignes, cette dimension est accentuée avec l’insertion de traits et de couleurs sur la photographie. Cette approche presque picturale de la photographie est encore plus évidente dans les Body Configurations réalisées dans la nature qui réfèrent à ses photographies conceptuelles.
Nous avons souhaité inclure deux œuvres vidéo : Body Tape (1970) et Remote…, Remote…(1973), car c’est un des médiums important choisi par Valie Export. Médium qui à l’époque offrait un plus grand espace de liberté, qui montre comment l’artiste élabore, et conceptualise son travail. Enfin, pour signifier l’importance de l’action, les posters de Aktionshose: Genitalpanik (1969), manifeste d’un retournement symbolique, sont installés sur les murs de la galerie comme ils l’avaient été auparavant dans la rue.
Valie Export cherchait de façon phénoménologique quelque chose sur son corps, sur sa place, sur la question de l’artiste. D’après moi, elle a une démarche proche de celle de Bruce Nauman, où tout doit être interrogé, questionné pour pouvoir éventuellement commencer à exister. Comme elle le dit, ses nerfs parlaient et sa révolte devenait son moteur pour repousser des limites, y compris les siennes. Cela me parait tout à fait dépasser une dimension psychologique car cela touche des questions artistiques, structurelles et conceptuelles. Elle transcende la question politique par ses œuvres photographiques qui vous bouleversent par leur pertinence atemporelle.
Son travail semble plus que jamais pertinent. Malheureusement, ou heureusement, nous devons encore et toujours rester en alerte sur la question de la place des femmes dans nos sociétés. C'est loin d'être acquis. Je crois que précisément grâce à des œuvres telles que celle de Valie Export, que les femmes sont aujourd'hui davantage capables de jouer plusieurs rôles pour elles-mêmes et pour les autres. Comme tout grand artiste elle ouvre des portes, agrandit le champ, transforme le territoire et l’œuvre de Valie Export offre un exemple sur la façon d’inventer sa propre vie, en se questionnant perpétuellement, afin d’agir sur soi-même et sur l’extérieur. »