C’est LA discussion qui revient toujours dans les débats entre mordus de rap : mais, qui est le plus grand rappeur de l’histoire ?

Aussi appelé G.O.A.T. pour Greatest Of All Time, ce titre revient au meilleur rappeur depuis la création du genre, dans les années 1970. Bien que les critères de distinction dans le rap soient hautement subjectifs, une liste de cinq-six noms est fréquemment mise en avant comme « La liste » officielle du débat.

On y retrouve bien sûr Tupac, véritable légende de la culture gangster américaine qui continue d’influencer chaque génération jusqu’aujourd’hui, malgré son décès en 1996. Son rival new-yorkais, The Notorious B.I.G., est également cité, tant son album Ready to Die a marqué les esprits, dépeignant un gangster d'une rare élégance, avec une nonchalance inégalée.

Si l’on reste du côté de New York, nul débat ne peut se faire sans inclure l’auteur de ce qui est considéré par beaucoup comme le plus grand album de l’histoire du genre, Nas. En sortant Illmatic en 1994, le jeune rappeur du Queens a mis toute l’industrie d’accord avec un dix titres sans faute, à seulement vingt ans… La sincérité de sa plume et son « flow » inspireront toute la génération suivante.

Il faut également inclure Eminem, plus grand vendeur de l’histoire du mouvement avec plus de 220 millions de ventes. Le tableau est complété par JAY-Z, premier vrai rappeur-businessman, auteur des classiques Reasonable Doubts et The Blueprint.

Enfin, cela était vrai jusqu’au milieu des années 2010, depuis, un génie californien est venu bousculer cette hiérarchie.

Dans ce premier article sur Kendrick Lamar, nous retraçons l’éclosion du rappeur pour mieux comprendre son arrivée dans le rap game.

Né en 1987 à Compton, Kendrick Lamar Duckworth grandit dans la ville de N.W.A. en pleine période de tension, entre guerres de gangs et répression policière. Il passe sa jeunesse avec des affiliés au gang des Westside Prius, rattaché aux Bloods, l’un des deux gangs majeurs de Los Angeles, rivaux des Crips.

Le jeune Kendrick est exposé très tôt à la violence de son environnement, notamment lors des émeutes de 1992. Celles-ci font suite au passage à tabac d’un Afro-Américain, Rodney King, par la police de L.A. Lors de ces évènements, Kendrick, alors âgé de seulement 5 ans, est témoin d’un meurtre sous ses yeux, alors qu’il est simplement assis en bas de son immeuble.

Puisant dans ce quotidien difficile, il se met à rapper au collège sous le nom de K.Dot, et sort 5 mixtapes au cours des années 2000. En 2008, il forme le groupe Black Hippy avec Schoolboy Q et Ab-Soul. Il arrive à attirer l’attention du rappeur californien du moment, The Game, qu’il aura l’occasion de suivre sur une tournée.

Après un EP décevant, C4, sorti en janvier 2009, il revient en décembre de la même année avec un projet bien plus abouti, dans lequel l’amélioration de son écriture saute aux yeux : eponymous debut extended play. Ce projet lui permettra de signer avec le distributeur Warner/Chapell Music.

L’année suivante, Kendrick sort la mixtape Overly Dedicated, qui sera son premier succès. Le projet atteindra la 72e place du classement Billboard dans la catégorie RnB/Hip Hop, et arrivera jusqu’aux oreilles d’un certain Dr. Dre, qui proposera à Kendrick de collaborer sur divers projets par la suite.

Kendrick sort ensuite son premier vrai album, section 80, en 2011. Sans vraiment toucher le grand public, cet album de rap à la fois jazzy et conscient est salué par les puristes, qui commencent à comprendre son talent. Il sera d’ailleurs intronisé meilleur rappeur de la west coast cette année-là par Dr. Dre, Snoop Dogg, et The Game lors d’un concert à L.A. Comme quoi, certains avaient déjà compris...

C’est sur son deuxième album, Good Kid, M.A.A.D City, que Kendrick, en 2012, reçoit enfin ses lettres de noblesse. Après plus de 10 ans à peaufiner son art, on sent que le rappeur californien est arrivé à maturité. À travers 17 sons aux structures déroutantes, avec des sonorités très west coast et influencés par le gangsta rap, Kendrick nous retranscrit avec une puissance rarement égalée les pensées et émotions d’un jeune de Compton. On trouve également des featurings de haut vol sur le projet, avec notamment Drake et Jay-Z.

Pour créer des productions musicales d’exception, il rassemble le gratin des producteurs du moment, dont Pharrell Williams et Hit-Boy, qui lui créent un son sur-mesure. La validation du public ne se fait pas attendre, l’album fait son entrée en 2e position du classement Billboard 200.

Ce projet intemporel résonne avec les préoccupations et les réalités de nombreux jeunes Américains. D’ailleurs, il est le seul projet hip hop à être resté plus de 10 ans dans le classement Billboard 200.

En 2012, Kendrick devient une star reconnue par toute l’industrie. Peu le savent à cette époque, mais ce n’est que le début…