« La vie est courte, même pour ceux qui vivent longtemps. Il faut vivre pour quelques-uns qui vous connaissent, vous apprécient, vous jugent et vous absolvent, et pour lesquels on a la même tendresse et indulgence ». Ces mots sont ceux de Sarah Bernahrdt (1844-1923), artiste qui marqua son temps en brisant toutes les chaînes du conformisme. Elle a fait de son destin un exemple à suivre pour des générations de femmes. Féministe avant l’heure, femme impliquée et libre, elle reste encore aujourd’hui une icône. Son entrée dans le monde de la tragédie débute pourtant avec fracas, caractère bien trempé, elle est mise à la porte de la Comédie française pour avoir vengé une injustice faite à sa sœur. Mais, Sarah est de celles qui ne se laissent pas abattre, l’actrice à l’allure élancée ne vit pas l’échec comme une catastrophe. Bien au contraire, elle sait si bien rebondir qu’elle finit par interpréter les pièces des plus grands dramaturges. Elle donne tant de puissance aux textes de Racine, Shakespeare, Victor Hugo, Edmond Rostand qu’à chacune de ses représentations l’enthousiasme du public ne faiblit pas. Acclamée et aimée, on dit d’elle que son talent est immense. Curieuse de nature, elle se passionnera également pour l’écriture, la peinture et la sculpture.
Victor Hugo la nommait « la Voix d’or » et Jean Cocteau inventa même à son endroit l’expression « monstre sacré ». Tout le Paris artistique et littéraire est à ses pieds. Elle brille dans son engagement également. Sarah n’est pas une simple interprète. Femme de courage, elle n’hésite pas en 1870, à venir en aide aux soldats au sein même du théâtre de l’Odéon alors que Paris est assiégée. Elle soigne et réconforte les blessés avec ferveur. Elle est également du côté d’Émile Zola lorsque celui-ci prend position dans l’Aurore au côté de l’officier Alfred Dreyfus et elle soutiendra la militante révolutionnaire Louise Michel contre la peine de mort. Elle sera de tous les combats de son époque et n’hésitera pas à s’impliquer pour trouver des fonds pour faire avancer les travaux de Marie Curie. En septembre 1916, elle ira même jouer les diplomates pour encourager les Américains à venir en aide aux français empêtrés dans la Première Guerre mondiale. Femme de combat, son activisme alimenta le mythe d’une femme résolument avant-gardiste.
Ambitieuse, Sarah acquière deux salles de théâtre, La Renaissance, puis le Théâtre des nations qu’elle dirige avec vigueur. Paris est sa maison mais elle souhaite conquérir le monde. Elle fonde alors, sa propre compagnie qu’elle fait voyager dans les grandes scènes que compte la planète. Une femme d’affaire est née, qui soigne son image et n’hésite pas à prendre la pause avec élégance. Il existe encore des clichés d’elle, vêtue avec les costumes de ses personnages. Sarah aime plaire alors elle sera une des premières à avoir accès à la chirurgie esthétique sans craindre pour sa vie. La tragédienne, femme d’affaire a le goût de la vie, des autres et des animaux nombreux dont elle s’entoure, des chiens, des chats, un perroquet, un singe, des lionceaux, un bébé alligator.
A soixante-douze ans, elle est amputée d’une jambe et malgré son handicap, conduite sur une chaise à porteurs style Louis XV, elle offre son soutien aux Poilus et crée le Théâtre aux Armées. Le peuple de Paris lui rendra un vibrant hommage lors de ses funérailles, ils seront plus de 400 000 à l’accompagner jusqu’à sa dernière demeure au cimetière du Père-Lachaise.