À l’occasion de l’acquisition d’un bien d’équipement neuf, toute enseigne commerciale ne manque pas de vous proposer une garantie contre la casse et la panne. De quoi vous faire douter de la qualité de votre achat et de sa pérennité avant de l’avoir étrenné ?

Première partie : s’agit-il d’assurer l’obsolescence programmée1 ?

Le contrat d’assurance affinitaire en cas de casse ou de panne d’un produit, promet de prendre en charge, entre autres, vos équipements multimédias, votre électroménager, vos équipements de la maison et vos appareils de sport. L'assureur peut prévoir une exclusion de garantie ou une franchise pour certains types d'appareils, par exemple les appareils trop vieux ou qui ont été achetés d'occasion. Dans ce cas, l'assureur ne verse aucune indemnisation en cas de sinistre.

L'exclusion de garantie peut, de plus, concerner certains événements, par exemple les vols avec violence ou avec effraction. Ainsi, un vol à la tire par un pickpocket ou lors d'une bousculade peut être exclu de l'indemnisation. De même, le contrat peut prévoir que la garantie ne fonctionne que si la casse de l'appareil est consécutive à un accident provoqué par une tierce personne. Dans ce cas, l'appareil mobile qui vous échappe des mains et se brise ne sera pas garanti, sauf si la chute est provoquée par un passant ou un ami ! Cela dit, toutes les pannes ne sont pas fortuites… Comme vous le savez, l’obsolescence logicielle programmée est une stratégie d’entreprise visant à réduire la durée de vie d’un produit pour augmenter plus rapidement son taux de remplacement. Ce n’est pas nouveau, me direz-vous, tous les éléments assemblés d’un produit, n’ayant pas la même durée de vie. Difficile, voire impossible, de savoir quel est le maillon faible du produit concerné2 !

Les pannes, sont-elles programmées ?

De plus, limiter techniquement la durée de vie d’un produit n’est pas interdit par la loi3 pour accroître le chiffre d’affaires ou réduire les coûts de fabrication dans un laps de temps réduit. Et ce, à l’instar des professionnels qui pratiquent la shrinkflation. Pratique qui consiste à cacher une hausse de prix en diminuant volontairement les contenants pour réduire le volume de consommation de pâtes, de farine ou du fromage à tartiner, par exemple. Les restaurateurs peuvent faire légalement de même en lésinant sur la portion de frites, la taille du steak, le filet de poisson ou la ration de légumes servis dans votre assiette… En l’espèce, c’est remplacer une pièce d’un produit par une autre, plus fragile et moins coûteuse pour réduire sa durée de vie…

De ce fait, mécaniquement, on peut se demander si la panne d’un appareil ménager ou d’un véhicule est purement fortuite ou non4 ! Tout objet domestique n’échappe pas au vieillissement, même les œuvres d’art sous vide sont restaurées un jour ou l’autre, mais provoquer leur défaillance ou accélérer leur décrépitude pour amener le consommateur à s’assurer, c’est une autre histoire.

N.B. Le terme « réduflation » a été étendu au marché immobilier pour désigner le phénomène d'augmentation du prix au mètre carré lors de la division d'appartements en plusieurs petits appartements. Mais on pourrait également l’appliquer à l’assurance lors de l’instauration ou de l’augmentation d’une franchise, de l’obligation de moyens de protection supplémentaires pour faire jouer une garantie (en cas de vol, par exemple) ou la réduction du capital couvrant certains biens (objets précieux, bijoux, par exemple) sans baisse de la cotisation du contrat habitation.

Seconde partie : la hantise de tomber un jour en panne !

La hantise de tomber en panne est une peur ou une angoisse relativement courante chez certaines personnes, notamment ceux qui n’ont pas la main bricoleuse. Tomber en panne peut engendrer un sentiment d'impuissance et de vulnérabilité et ne pas savoir comment résoudre le problème peut être source d'anxiété. Ainsi, on peut se mander si la présence de composants défaillants, à terme, ou fragiles, afin d’engendrer le remplacement d’un produit plus rapidement, ne contribue pas de ce fait à booster simultanément la vente d’assurance casse ou panne du produit considéré !

Ce faisant, c’est pousser au crime, à la sinistralité à gogo… Ce qui a été le cas dans les années 1990 où on garantissait à perte les produits blancs et bruns (pendant cinq ans, avec un pic de pannes au cours de la 4ᵉ année d’assurance !).

Prétendre provoquer des pannes programmées pour vendre de l’assurance n’est point éthique, me rétorquerez-vous ? Détrompez-vous, la garantie « panne mécanique » n’est-elle pas proposée systématiquement pour faciliter la vente d’un portable, d’un ordinateur, d’un téléviseur ou d’une voiture et rassurer le consommateur fébrile ?

De plus, certains magazines vous y inciteront en publiant régulièrement les taux de panne d’un échantillon de produits ou de voitures, dûment constatés par les consommateurs ou suite à des tests en laboratoire… In fine, anticiper la panne de x % des appareils fabriqués5 et proposer l’assurance casse et panne ad hoc est un jeu d’enfant. Il suffit d’entendre l’argutie des vendeurs d’enseigne d’électroménager ou de matériel informatique vous assurant que dépanner le consommateur, c’est leur quotidien6 ! Mais rassurons-nous, l’assureur n’a pas toujours à prendre les devants en cette matière, la miniaturisation des appareils les rendant de plus en plus vulnérables, la panne mécanique devenant, ainsi, quasiment inéluctable7.

Cela dit, demeure la question de la cherté du prix de l’assurance affinitaire qui peut rebuter moult consommateurs… Pour que le système perdure au profit des fabricants, des enseignes d’électroménager, des assureurs et des assisteurs, reste la solution d’ajuster la cotisation de la garantie casse en modifiant à la baisse leur fréquence de panne programmée !

L’indice de réparabilité des produits

Allonger la durée de vie des produits manufacturés (équipements électriques et électroniques, véhicules, produits textiles, mobilier, etc.) est un des moyens de réduire significativement les impacts sur l'environnement dans le cadre d’une transition vers une économie circulaire.

Le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, en concertation avec les parties prenantes, a élaboré un indice de réparabilité des produits8. Un dispositif issu de l’une des mesures de la feuille de route pour l’économie circulaire et de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire.

L'indice de réparabilité de chaque produit est noté sur 10. Plus un produit est réparable, plus la note sera élevée. Afin de faciliter la lecture de l'indice, un code couleur accompagne la notation, allant du rouge vif pour les produits non réparables au vert foncé pour les produits réparables aisément. Il est déployé depuis le 1ᵉʳ janvier 2021 sur 5 catégories de produits et accolé à l’affichage environnemental des produits et des services.

Notes

1 En adoptant une résolution sur une durée de vie plus longue des produits, le Parlement européen a demandé à la Commission européenne, le 4 juillet 2017, de légiférer contre l'obsolescence programmée.
2 Selon les données collectées par Earth Hour, une initiative du WWF, la durée de vie de nombreux objets est ainsi délibérément raccourcie, notamment dans un but commercial. Un téléphone mobile ne dure en moyenne que deux à trois ans, un ordinateur portable deux à cinq ans et les télévisions LCD ou plasma sept à dix ans. L'électroménager est également concerné : ainsi, les machines à laver modernes seraient programmées pour environ 2 500 cycles de lavage, ce qui correspond à une durée de vie de 12 à 15 ans. Même les appareils de grande taille tels que les réfrigérateurs et les lave-linges pourraient théoriquement être fabriqués de manière plus durable, comme le montre un coup d'œil sur le passé allemand : les réfrigérateurs et machines à laver fabriqués en RDA fonctionnent encore (en partie) aujourd'hui (Source Statista).
3 Cf. article 99 de la loi de transition énergétique de 2015 (Art. L. 213-4-1, I - Section 2 bis du chapitre III du titre Iᵉʳ du livre II du Code de la consommation.
4 Les imprimantes sont emblématiques de l'obsolescence programmée. Certains de ces matériels auraient été équipés d'une puce qui bloque l'impression au-delà d'un certain nombre de feuilles imprimées.
5 Le taux de panne des appareils ménagers varie en fonction de la marque, du type d'appareil et de son âge. En moyenne, on estime que leur taux de panne se situe généralement entre 5 % et 15 % au cours de la première année d'utilisation. Le magazine 60 millions de consommateurs affirme que le taux de panne pour l’électroménager dépasse systématiquement les 8 % et atteint les 20 % selon les familles de produits. Selon différentes études, environ 54 % des gros appareils électroménagers tombent en panne avant leur cinquième année d’utilisation.
6 Sans oublier la garantie légale de deux ans pour l’achat d’un produit neuf (présomption d'antériorité des défauts).
7 Selon une étude de l’INC en 2013, les dix pannes automobiles les plus fréquentes concernent : l'allumage et électricité moteur (7,3 %), les plaquettes de frein ou garnissage (5,2 %), la chaîne ou la courroie de distribution (4,4 %), l'électronique du moteur (4,4 %), les disques ou tambours (4,1 %), l'alimentation (3,6 %), le refroidissement du moteur (3,3 %), les éclairages (3,3 %), les pièces annexes (3,2 %) et la climatisation (3 %).
8 L'indice de réparabilité a été déployé au 1ᵉʳ janvier 2021 sur cinq catégories de produit (smartphones, ordinateurs portables, téléviseurs, tondeuses à gazon, lave-linges hublot). À partir du 4 novembre 2022, quatre nouvelles catégories de produits sont concernées (lave-linges top, lave-vaisselles, aspirateurs, nettoyeurs haute-pression).