Pour Jean-Baptiste Andrea, Veiller sur elle c’est l’histoire d'un grand écart : l’amour gé(n)ant, entre un nain, Mimo Vitaliani, sculpteur adolescent, et Viola Orsini, riche héritière dans l'Italie fasciste des années 1920. Que l’auteur ausculte sous le burin de ce Michel-Ange talentueux. Qui n’achève jamais son trait, pour donner vie à ses œuvres. L’artiste sera propulsé sous les projecteurs du Vatican, des chemises noires et des squadristes, par les ailes de l’amitié, inachevée elle aussi. Car Viola ne s’envole pas vers ce nain qui l’aime. Elle ne volera plus. Cette jolie fille qui se couchait sur les tombes, va tomber. De haut. Elle épouse un milanais argenté qui la maltraite. Elle le quitte, mais ne rejoindra pas Mimo. La terre tremble. Le Christ aussi. Blessé, notre Michelangelo Vitaliani réussit enfin à achever une chose : sa vie. Reclus avec sa Pietà dans un monastère.
Avec Vivre vite, Brigitte Giraud tente de comprendre l'accident de moto qui l’a privée de son mari. Vingt-trois ans après la mort de celui qu’elle aime, elle se pose encore des questions sans réponse. De quoi s'agit-il ? Coïncidence ? Hasard imprévisible ? Destinée inéluctable ? Les journées s'emballent et se dérèglent. Électrisé par le futur déménagement et les travaux de rénovation, le couple oublie qu’il est dangereux de vivre :
Glisser sur une peau de banane n'a pas le même sens que mourir sous les bombes ou les assauts d'une dictature. C’est un récit intime, écrit à la première personne. Avec des « si ». Qui auraient pu éviter l'accident.
Pour sa part, Mohamed Mbougar Sarr explore avec La plus secrète mémoire des hommes le triangle amoureux à travers les amours passionnelles de Mossane, la mère de T.C. Elimane. Elle incarne à la fois l’amour agapè pour le fils et la trahison amoureuse, écartelée entre deux frères. Une tragédie africaine, en même temps miroir étonnant de la Grèce antique. Le fils trahi, devenu homme, en fera un livre énigmatique. Le plus secret, le plus pur :
Simplement, rien ne correspond jamais à un idéal ou un rêve d'enfance vécu dans sa candide intensité. Devenir adulte est toujours une infidélité qu'on fait à nos tendres années. Mais là réside toute la beauté de l'enfance : elle existe pour être trahie, et cette trahison est la naissance de la nostalgie, le seul sentiment qui permette, un jour peut-être, à l'extrémité de la vie, de retrouver la pureté de jeunesse.
Hervé Le Tellier nous fait croiser notre double. L’auteur de L’Anomalie explique : « La loi de Moore fait que tous les deux ans, les systèmes informatiques doublent leur puissance, leur capacité, leur vitesse. Mon téléphone portable a la puissance de calcul d'un supercalculateur des années 1980. Dans un siècle, on pourra simuler un cerveau humain. Puis un siècle après, des milliards de cerveaux humains... Et là, on se pose la question de savoir si nous sommes des cerveaux humains dans des enveloppes physiques, ou juste si nous sommes dans un supercalculateur. » Parmi tous les personnages du double vol Paris-New York, l’auteur nous raconte l'histoire de cette femme qui doit partager un homme avec une autre femme, qui est elle-même. Une des deux Lucie, monteuse de cinéma adulée par ses pairs, s’éloigne d’André, l’architecte fou amoureux d’elle et prêt à tout pour ne pas la perdre. Elle étouffe dans cet amour. « L’amour, c’est ne pas pouvoir empêcher le cœur de piétiner l’intelligence. » Et elle choisit de se sacrifier :
Déconstruire un amour qu'on sait impossible, tout le monde sait ce que c'est. Nier l'amour de quelqu'un pour y survivre.
Le prochain Goncourt fera mal. Assurément.