Dans une société capitaliste où le bien-être des employé·es n’est clairement pas une priorité, il est malheureusement logique de constater que le nombre de burn-out en France est en constante évolution, soit multiplié par 7 en seulement 5 ans. Le burn-out est une maladie professionnelle, comprenant comme symptômes l’épuisement émotionnel, mental et physique causé par le stress sur une période prolongée. Les facteurs sont multiples et peuvent être propres à chacun. De manière plus large, on retrouve les mauvaises conditions de travail, les relations difficiles avec les supérieur·es et les collègues, le manque de reconnaissance, etc.
Une étude de l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) a récemment dévoilé des chiffres inquiétants concernant le bien-être des salarié·es français·es : 34 % sont diagnostiqué·es en burn-out dont 13 % en burn-out “sévère”, représentant ainsi plus de 2,5 millions de personnes.
Avec de telles statistiques, il est facile de prendre conscience que le système dans lequel on nous force à entrer, n’est tout simplement pas sain et même néfaste. Ce qui n’est vraiment pas étonnant puisque les mots “rendement” et “bénéfice” ont plus de poids et de valeurs que les questions du bien-être des salarié·es.
Face à ces réalisations, c’est à nous d’agir en conséquence et de prendre les choses en main pour déconstruire cette course à la productivité qui possède un coût bien trop élevé. Pour ce faire, il est nécessaire de se procurer des outils adéquats pour nous aider. C’est avec cette volonté qu’aujourd’hui je souhaite présenter une petite merveille, bijou de bienveillance : La philosophie du Paresseux de Jennifer McCartney.
Les heures s'écoulent vite et nos emplois du temps se remplissent encore plus vite : responsabilités, travail, corvées, attentes, charges mentales… Un puits dont on ne voit jamais le fond. Heureusement, nous pouvons décider d’un autre chemin et Jennifer McCartney nous en montre la direction, avec comme point de départ la “Slow Méthode” qui consiste à :
- dormir autant que notre corps le réclame
- laisser son téléphone à la maison le plus possible
- être conscient·e que c’est totalement acceptable de ne pas être productif·ve
- se demander lorsqu’on se sent submergé·es “Quelle est l’urgence ?”
Un processus au ralenti qui n’empêche pas de grands accomplissements, au contraire, puisque Léonard de Vinci a mis près de quinze années à réaliser son œuvre Mona Lisa, de seulement 77 x 53 cm et, qui est aujourd’hui la peinture la plus célèbre au monde.
La deuxième partie de son livre se concentre autour d’un guide pratique pour embrasser pleinement la philosophie du paresseux, divisée en sous-parties par thématiques : santé et bien-être, alimentation et boisson, sommeil, loisir et plaisir, amour et relation, travail et étude, et pour finir, beauté et soin. De manière plus globale, ses écrits sont d’une pédagogie et d’une douceur absolues. Elle les parsème de citations, d’anecdotes et de petites illustrations qui rendent la lecture fluide, complète et légère. Elle fait également preuve d’un grand sens de l’humour, d’un naturel réconfortant qui donne l’impression aux lecteurs·rices d’être engagé·es dans une discussion avec elle autour d’une tasse de thé, emmitouflé·es dans un plaid pilou pilou au coin du feu.
Le temps de la lecture, elle devient notre maman paresseuse qui nous aide à déconstruire les règles et les attentes qui nous empoisonnent pour les remplacer par des leçons de vie bienveillantes et libératrices. Chacun·e y trouve son compte. Pour ma part, c’est le chapitre “travail et étude” qui m’a énormément apaisée. Je me suis cherchée jusqu’à présent sans réussir à trouver de réponses vraiment claires, tout en regardant mes ami·es obtenir des masters, rentrer dans la vie active, conquérir une vraie réussite professionnelle. Je me suis toujours senti en retard, ce qui a déclenché de l’anxiété et de la honte qui, au final, n'ont pas lieu d’être car, encore une fois : Quelle est l’urgence ? Absolument aucune ! L’âge moyen pour un·e auteur·e à succès est de 54 ans, Vera Wang a ouvert sa première boutique de robe de mariée à 41 ans et Grandma Moses n’a commencé à peindre qu’à 70 ans.
Ce livre prend aussi la forme d’un rappel, que l’humain qui exerce une domination malsaine sur la nature, qui se sent si supérieur aux animaux par son intelligence, a pourtant encore beaucoup à apprendre et devrait prendre exemple sur elleux. Dans le chapitre “amour et relation” l’auteure y dévoile le processus reproductif des paresseux qui se forme sous la règle d’or du consentement. La femelle, quand elle se sent prête à procréer, émet un son qui s’étend dans la forêt et permet de signaler son envie aux mâles. C’est seulement après avoir entendu ce signal que le mâle se dirige lentement vers elle lorsque lui aussi se sent prêt. La philosophie amoureuse du paresseux est donc d’attendre le bon moment dans le respect et l’envie mutuelle. Un procédé qui n’est clairement pas appliqué par tous·tes puisqu’en 2018, une enquête IFOP pour la fondation Jean-Jaurès a dévoilé que 86 % des Français·es auraient subi au moins une fois une agression sexuelle dans la rue.
Ce que Jennifer McCartney nous offre à travers son œuvre est un véritable cadeau de remise en question et d’un rééquilibrage de perspective à assimiler, à mettre en place et à chérir. Qu’il soit question de grands principes de vie comme l’importance de la solitude, de savoir dire non et de s’écouter, ou qu’il soit juste question de déculpabiliser nos dimanches après-midi affalé·es sur le canapé à commander du poulet frit devant un marathon de films. L’ensemble couronné d’un style littéraire drôle, divertissant et pédagogue, c’est un délice à dévorer sans modération qu’elle continue de faire vivre à travers une série littéraire de la philosophie animale. On retrouve aux côtés du paresseux, la loutre et l’alpaga, deux livres que j’ai déjà hâte de commencer.